Cet article provient du site du syndicat de salariés CFDT.
Lorsque le temps de travail d’un salarié à temps partiel dépasse de deux heures l’horaire convenu, sur une période de douze semaines consécutives ou pendant douze semaines au cours d’une période de quinze semaines, l’employeur doit lui proposer la réévaluation de son horaire contractuel. Pour vérifier l’existence du dépassement de deux heures, il convient de faire une moyenne de l’horaire effectué sur la période concernée, et non pas de regarder, semaine par semaine, si un dépassement a eu lieu. Cass.soc.04.11.2015, n°14-16338.
Rappel des faits
Cette affaire concerne une salariée travaillant à temps partiel pour les marchés, les samedis et les dimanches, pour un total de 10 heures hebdomadaires. Cependant, lors des périodes estivales et des fêtes de fin d’année, cette dernière est amenée à travailler bien au-delà de 10 heures par semaine :
– Une moyenne de 19 heures par semaine sur une première période de 12 semaines consécutives,
– Puis une moyenne de 27 heures sur une seconde période de douze semaines consécutives.
Son contrat de travail n’en est pas modifié pour autant.
Pourtant, le code du travail (1) prévoit que « Lorsque, pendant une période de douze semaines consécutives ou pendant douze semaines au cours d’une période de quinze (…), l’horaire moyen réellement accompli par un salarié a dépassé de deux heures au moins par semaine, ou de l’équivalent mensuel de cette durée, l’horaire prévu dans son contrat, celui-ci est modifié, sous réserve d’un préavis de sept jours et sauf opposition du salarié intéressé.
L’horaire modifié est égal à l’horaire antérieurement fixé auquel est ajoutée la différence entre cet horaire et l’horaire moyen réellement accompli. »
Elle a alors décidé de saisir le conseil de prud’hommes afin d’obtenir la réévaluation de son horaire contractuel, à hauteur de 19 heures, puis à hauteur de 27 heures, et le rappel de salaire y afférent.
Les juges du fond ont fait droit à sa demande, considérant que les conditions de la réévaluation étaient réunies.
L’employeur a décidé de se pourvoir en cassation : selon lui, pour prononcer la réévaluation de l’horaire contractuel, le juge doit vérifier que les deux conditions suivantes sont bien remplies :
– Le salarié doit avoir dépassé l’horaire contractuel au cours de chacune des douze semaines consécutives,
– En moyenne, ce dépassement doit excéder deux heures par semaine l’horaire convenu.
La Cour de cassation a donc dû rechercher à quelles conditions une réévaluation de l’horaire contractuel peut avoir lieu, et surtout comment le dépassement de l’horaire se calcule.
À quelle condition la réévaluation de l’horaire contractuel est-elle possible ?
La Cour de cassation rappelle tout d’abord la règle précitée selon laquelle « lorsque, pendant une période de douze semaines consécutives ou pendant douze semaines au cours d’une période de quinze semaines (…), l’horaire moyen réellement accompli par un salarié a dépassé de deux heures au moins par semaine, ou de l’équivalent mensuel de cette durée, l’horaire prévu dans son contrat, celui-ci est modifié, sous réserve d’un préavis de sept jours et sauf opposition du salarié intéressé ; que l’horaire modifié est égal à l’horaire antérieurement fixé auquel est ajoutée la différence entre cet horaire et l’horaire moyen réellement accompli. ».
Comment doit être calculé le dépassement de l’horaire d’au moins deux heures par semaine ?
La Cour de cassation écarte l’argument de l’employeur selon lequel le dépassement de l’horaire doit avoir lieu chaque semaine sur une période de douze semaines consécutives.
Selon elle, « le dépassement d’au moins deux heures par semaine de l’horaire convenu sur une période de douze semaines consécutives ou sur douze semaines au cours d’une période de référence de quinze semaines doit être calculé en fonction de l’horaire moyen réalisé par le salarié sur toute la période de référence ».
La solution est donc sans ambiguïté : pour prononcer la réévaluation de l’horaire contractuel, il faut s’assurer qu’en moyenne, sur la période considérée, le salarié a eu un horaire moyen qui a dépassé de deux heures l’horaire convenu. En revanche, ne doit pas s’ajouter à ce constat la condition d’avoir dépassé chaque semaine, sur la période de référence, l’horaire convenu.
Une solution inédite et favorable aux salariés
Il semble, à notre connaissance, que la Cour de cassation se prononce pour la première fois sur cette question. Pourtant, la lecture de l’article du Code du travail ne laissait que peu de marge à l’interprétation : la Cour de cassation ne fait d’ailleurs que reprendre le contenu de l’article du code pour statuer. Dans cette affaire, la tentative de l’employeur d’ajouter une condition illustre que certains d’entre eux peuvent très imaginatifs lorsqu’il s’agit de limiter l’application des dispositions protectrices du code du travail !
Cette solution de la Cour de cassation, favorable au salarié, confirme que les employeurs ne peuvent pas « jouer » avec la durée hebdomadaire sur douze semaines consécutives, ou sur douze semaines au cours d’une période de quinze semaines consécutives, pour éviter d’avoir à réévaluer l’horaire contractuel :
Prenons l’exemple d’un salarié à temps partiel dont l’horaire convenu est de 10 heures hebdomadaire :
– l’employeur ne peut pas lui demander, pendant 11 semaines, de travailler 15 heures par semaine, puis pendant 1 semaine, de travailler 10 heures, pour éviter la réévaluation, au motif que lors de la dernière semaine, l’horaire convenu n’a pas été dépassé.
– En effet, si l’on calcule l’horaire moyen réellement effectué sur les douze semaines, il est de plus de 14 heures et 30 minutes. La réévaluation de l’horaire doit avoir lieu dans la mesure où, en moyenne, l’horaire réellement effectué dépasse de deux heures l’horaire convenu.
(1) Art. L. 3123-15 C. trav.