Comment les désignations font le lit de la sécurité sociale intégrale de Mélenchon

Les assureurs collectifs croisent évidemment les doigts pour que le scrutin qui commence dimanche ne donne pas la victoire à un candidat qui liquidera réglementairement leur activité. Il est d’ailleurs assez cocasse de voir comment une partie du marché se maintient dans une sorte de coma artificiel à l’approche de l’échéance fatidique, en répétant à l’envi que jamais ni Mélenchon ni Le Pen ne pourront gagner les élections. Et pourtant… 

Et si Mélenchon gagnait?

Pour beaucoup d’assureurs, le premier matin ouvré, celui du 9 mai, réserverait une très belle gueule de bois si un Mélenchon l’emportait. Et on s’amuse par avance du spectacle qu’offriraient tous ceux qui, depuis des années, se battent pour faire triompher les désignations. Car les autres (les partisans de la libre concurrence) n’ont jamais caché la cohérence de leur conception selon laquelle la part complémentaire de remboursement de la sécurité sociale était un espace de mitigation du risque qui trouvait son optimum grâce au libre choix des acteurs. Ceux-là ne peuvent être taxés d’avoir joué avec le feu.  

Non! le cocasse, l’ironique absolu, c’est la position des organisations syndicales qui plaident depuis plusieurs années pour les désignations qui leur apportent un financement de derrière les fagots, et la position de tous les acteurs du marché qui ont vu dans les désignations une bonne façon de faire du chiffre d’affaires à l’abri d’une réglementation protectrice. Ceux-là font avec constance le procès de la concurrence et l’éloge de la solidarité! Autant de thématiques qui auront préparé leur propre disparition.  

Comment les campagnes d’AG2R et de Barthélémy se retournent contre le marché

Dans un colloque du 24 février 2017 à la Cour de Cassation consacré à l’ordre public, Didier Le Prado, l’un des avocats d’AG2R, a prononcé une harangue résumée comme suit: 

Me Le Prado examinera ainsi la façon dont la CJUE, le Conseil d’État et la Cour de cassation ont cherché à réaliser l’équilibre entre la libre concurrence d’une part, et la protection des salariés d’autre part, à propos de la sélection par les partenaires sociaux des prestataires gérant les assurances complémentaires en matière de santé, notamment. 

Il y a donc des groupes de protection sociale complémentaire qui financent des avocats pour expliquer, urbi et orbi et en pleine campagne des présidentielles, que la libre concurrence en santé est antagoniste à la protection des salariés? Qu’il faut réconcilier ces notions par des procédures de désignation? Non, on n’y croit pas. Voilà qui s’appelle joliment cracher dans la soupe. Car l’étape suivante du raisonnement, on le voit bien aujourd’hui, est d’expliquer que la protection des salariés passe par la suppression de la protection sociale complémentaire.  

Mélenchon a franchi allègrement le pas. Marine Le Pen pourrait très bien le lui emboîter. Merci à AG2R de jouer aux passagers clandestins en trahissant toute une profession pour défendre de façon très incertaine ses marges de solvabilité.  

La position de Mélenchon est la conséquence logique des élucubrations de Barthélémy

Dans l’anthologie des discours qui ont servi la soupe à la sécurité sociale intégrale, on versera volontiers la logorrhée de Barthélémy qui, depuis plusieurs années, ne manque pas une occasion de taper sur la profession en dénonçant le manque de solidarité dans la protection sociale complémentaire, lorsqu’elle n’est pas organisée comme une sécurité sociale. Tous ces gens qui se nourrissent au demeurant des cotisations, peu ou prou, des assurés, ont tendu tous les bâtons pour se faire battre.  

Lorsque Dominique Libault a pondu son rapport proposant une sécurité sociale de branche, il a fourni le chaînon manquant entre les propos de Barthélémy et le programme de Jean-Luc Mélenchon.  

Et quelle est-elle, sur le fond, cette solidarité tant vantée par ces ennemis de la liberté économique? Un système de cotisation obligatoire qui permet aux grands comptes de faire endosser les déficits de leurs régimes par les petites entreprises, bien entendu. Un système où le serveur du café du coin, qui n’est jamais malade, cotise pour les arrêts maladie du groupe Accor. Un système où de grandes machines bureaucratiques appelées groupes de protection sociale imposent une gestion à la serpe à de petites entreprises qui ne pèsent rien face à elles. Un système où les garanties, les tarifs, sont décidés par des groupuscules opaques sans tenir compte des aspirations des salariés.  

Voilà la solidarité qu’on nous vante, celle qui fait le lit d’une sécurité sociale intégrale, stade ultime d’une dépossession des salariés par une bureaucratie qui vit en autarcie.  

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