Cette publication provient du site du syndicat de salariés CFDT.
Est-on cas contact d’un cas contact ? Pour quel(s) type de contact ? Devant le casse-tête protocolaire que génèrent, pour les travailleurs comme pour les entreprises, les suspicions de contamination, le ministère du Travail tend a synthétisé dans une fiche pratique les mesures devant être prise par l’employeur dans la gestion des cas contacts.
Cas contact : qu’est-ce que c’est ?
C’est le salarié qui a eu un contact à risque avec une personne contaminée par la Covid-19. Cela viserait, selon la fiche du ministère, exclusivement les travailleurs dans les situations suivantes :
- en face à face à moins d’un mètre (embrassade, poignée de main…) et sans masque ni autre protection efficace ;
- plus de 15 minutes, dans un lieu clos, sans masque, alors que la personne contaminée tousse ou éternue : repas ou pause, conversation, déplacement en véhicule, réunion…
- à l’occasion d’échange de matériel ou d’objet non désinfecté ;
- à l’occasion d’actes de soins ou d’hygiène ;
- en partageant le même lieu de vie.
Le ministère tranche ainsi la question : le contact d’un cas contact n’est pas un cas contact !
Comment le gérer ?
Lorsqu’il est considéré comme tel, le travailleur se doit de rester chez lui et d’avertir son employeur (1).
Comme en matière d’arrêt maladie, le salarié doit transmettre l’arrêt de travail à son employeur dans le délai prévu par la convention collective, souvent fixé à 2 jours.
S’il ne peut télétravailler – à noter l’employeur doit placer le salarié en télétravail durant ce deuxième confinement, si son activité le permet – le cas contact est placé en arrêt de travail par l’Assurance maladie, qui lui délivre elle-même un arrêt de travail sans aucun jour de carence.
Si le cas contact s’est isolé avant cette date, son arrêt de travail pourra être rétroactif dans la limite de 4 jours. La demande d’arrêt de travail s’effectue en ligne sur ameli.fr et s’accompagne d’une attestation sur l’honneur de ne pas pouvoir télétravailler.
L’isolement, mais jusqu’à quand ?
Le ministère du Travail distingue deux situations.
- 7 jours d’isolement après le dernier contact avec la personne déclarée positive, puis le cas contact doit effectuer un test de dépistage.
- En cas d’isolement avec une personne positive, le cas contact doit réaliser un dépistage dès que possible, puis rester isolé jusqu’à 7 jours après la guérison de tous les cas du foyer.
A la suite du dépistage réalisé (toujours 7 jours après le dernier contact), la procédure diverge.
- Si le test est négatif : le cas contact arrête son isolement et reprend le travail sans avoir besoin d’un certificat médical. Rappelons tout de même que l’employeur ne peut pour autant s’exonérer du respect du protocole sanitaire à l’égard du cas contact négatif ! Sans quoi il pourrait engager sa responsabilité en méconnaissance de son obligation de santé et de sécurité. La fiabilité des tests n’étant, nous le savons, pas optimale, il se pourrait que cela soit un faux négatif et que le salarié s’avère asymptomatique…
- Si le test est positif : la personne s’isole 7 jours supplémentaires à partir de la date du test, envoie son arrêt de travail à son employeur et en respecte la durée.
Après ces 7 jours : –si la personne a de la fièvre, elle consulte son médecin et poursuit son isolement pendant 48 h après la fin de la fièvre ; -si la personne n’a pas de fièvre, elle arrête son isolement, mais évite les contacts avec les personnes vulnérables, porte un masque chirurgical et en respecte strictement le port, ainsi que les gestes barrières et la distanciation. Elle n’a pas besoin de certificat médical de reprise d’activité.
Qui dit contamination, dit obligation d’information… mais à qui ?
Devant protéger sa santé et celle de ses collègues (1), le salarié dispose deux options ou canaux d’alerte pour informer de sa contamniation.
Deux options, ou canaux d’alerte lui sont, selon nous, ouverts.
- Il « peut» selon le ministère du Travail, informer son employeur de sa contamination. Il a également la possibilité de « communiquer à son employeur le nom des personnes avec qui il a été en contact au travail, au cours des sept derniers jours précédant son test s’il est asymptomatique, et au cours des dernières 48 heures s’il est symptomatique, afin qu’elles soient dépistées rapidement ». Pour autant, l’employeur ne dispose pas du pouvoir d’enjoindre le travailleur à privilégier cette option. Si tel était le cas, ce serait en violation du principe de minimisation des données prévu par le RGPD (2) ainsi que de l’article L 1121-1 du Code du travail (3).
- Autre possibilité : le salarié contaminé peut informer directement le service de santé au travail de l’entreprise telle que la médecine du Travail (4).
Corrélativement des mesures de prévention et de sécurité incombent à l’employeur !
Là encore, débiteur d’une obligation de santé et de sécurité à l’égard des salariés (5), l’employeur, selon le protocole du ministère du Travail, « doit rappeler les recommandations des autorités sanitaires : gestes barrières, port du masque, distanciation, utilisation de l’application TousAntiCovid… ».
Mais soyons clairs : cela ne confère en aucun cas à l’employeur la possibilité de conditionner le retour du salarié en entreprise à l’utilisation de l’application TousAntiCovid ! Telle pratique s’avèrerait d’ailleurs contraire au principe de minimisation des données (2) ou à l’impossibilité, en principe, de traiter de telles données de santé (6) considérées comme sensibles selon le RGPD et la Cnil.
A ce sujet la CFDT s’aligne sur la position de la Cnil et du Cnnum (7) : « les employeurs ou toute autre personne ne devraient pas subordonner certains droits ou accès à l’utilisation de cette application ».
Loin d’être une fiche pratique exhaustive des mesures à prendre lorsque survient des cas contacts au travail, elle constitue du moins une boussole pour ces protagonistes dans ce « brouillamini normatif » qu’a décuplé la crise sanitaire…
Ce n’est pourtant qu’une boussole de navigation pour l’employeur, en ce que le respect des process du protocole sanitaire ne le dispense pas de porter une véritable attention à la santé et à la sécurité des travailleurs ! Comme l’indique d’ailleurs le Conseil d’Etat, ce protocole ne constitue qu’un ensemble de recommandations dont pourraient se servir l’inspecteur du travail ainsi que le juge en cas de contentieux (8).
- L.4122-1 C.trav
- 5. RGPD. (UE) 2016/679.
- Selon cet article, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
- https://www.cnil.fr/fr/coronavirus-covid-19-les-rappels-de-la-cnil-sur-la-collecte-de-donnees-personnelles-par-les
- L.4121-1 et Art. R.4422-1 C.trav.
- 9. RGPD. (UE) 2016/679.
- CNIL, Délibération n° 2020-046, 24.04.20, portant avis sur un projet d’application mobile dénommée « StopCovid » ; CNNum, Avis « StopCovid », 24.04.20.
- CE, 19.10.20, n° 444809.