Comment gérer le temps de travail et les absences en forfait jours ?

Cette publication provient du site du syndicat de salariés FO.

Les salariés sous forfait annuel en jours ne sont pas soumis : 

à la durée légale hebdomadaire de travail de 35 heures ; à la durée quotidienne de travail effectif qui ne peut excéder 10 heures, sauf dérogations ; aux dispositions sur les durées maximales hebdomadaires (48 heures au cours d’une même semaine, dans la limite de 44 heures calculées sur une période quelconque de 12 semaines consécutives ou 46 heures après autorisation délivrée par l’autorité administrative). 

Un forfait annuel en jours inférieur au plafond légal ou conventionnel ne constitue pas un temps partiel (Cass. soc., 27-3-19, n°16-23800). Les salariés en forfait-jours ne peuvent bénéficier de la retraite progressive, même si leur convention de forfait annuel prévoit un nombre de jours travaillés réduit. 

Les salariés sous forfait-jours ne relèvent pas également des dispositions relatives aux heures supplémentaires (contingent d’heures supplémentaires, contrepartie obligatoire en repos, majorations). 

En revanche, ils bénéficient des dispositions du code du travail relatives au repos quotidien et hebdomadaire, à l’interdiction de travailler plus de 6 jours par semaine, aux jours fériés chômés dans l’entreprise et aux congés payés. S’il ne semble pas que l’accord collectif doive prévoir un temps de travail maximal (journalier et hebdomadaire), il est certain que l’employeur est tenu de contrôler les périodes de repos. 

Selon la décision de la CJUE du 14 mai 2019, les employeurs doivent mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par un salarié (CJUE, 14-5-19, aff. C-55/18). Cette décision, sans remettre en cause le système des forfaits-jours en France, pousse les employeurs à assurer le suivi des temps de repos (journalier et hebdomadaire) et non les durées maximales de travail. 

Pour rappel, la Cour de cassation insiste sur le fait que le forfait-jours doit contenir des dispositions de nature à assurer le respect du droit à la santé et au repos, ce qui implique de respecter une durée raisonnable de travail. Les semaines de 78 heures ne semblent donc plus possibles (13h par jour x 6 jours de travail = 78 heures de travail théorique par semaine). 

Un salarié est réputé avoir accompli une journée ou demi-journée de travail quel que soit le nombre d’heures consacrées à son activité professionnelle. La loi n’impose pas, pour chaque journée travaillée, un temps de présence minimum mais l’accord collectif peut fixer un tel minimum. 

Comme pour n’importe quel salarié, ceux sous forfait-jours n’ont pas à récupérer les jours d’absence pour maladie. D’une manière générale, les jours d’absences rémunérées ou non, les congés spéciaux ou conventionnels (ex : congés pour évènements familiaux…) n’ont pas à être récupérés et n’entraînent pas une réduction des jours de repos. Un employeur ne peut retirer un jour de réduction de temps de travail en raison d’une absence pour maladie, un tel retrait ayant pour effet d’entraîner une récupération prohibée par l’article L 3121-50 du code du travail (Cass. soc., 3-11-11, n°10-18762). En effet, seules les absences entrant dans le cadre de l’article L 3121-50 peuvent entraîner une récupération. 

En ce qui concerne les absences de quelques heures au cours de la journée, celles-ci ne devraient normalement avoir aucune incidence sur le forfait et la rémunération, les salariés sous forfaits-jours ne travaillant pas selon une référence horaire. 

La Cour de cassation, à propos d’une absence de quelques heures pour fait de grève, a adopté une position quelque peu différente admettant le principe d’un abattement dès lors que celui-ci est strictement proportionnel à la durée de l’absence. 

Cette solution rendue à propos de la grève pourrait avoir vocation à s’appliquer également aux autres absences. 

A défaut d’accord collectif fixant une autre règle, la Cour de cassation considère qu’il convient de multiplier le nombre d’heures de grève par le salaire horaire, qui est déterminé à partir du salaire mensuel ou annuel, en tenant compte du nombre de jours travaillés prévus par la convention de forfait et prenant pour base soit la durée légale du travail si la durée du travail applicable dans l’entreprise aux cadres soumis à l’horaire collectif lui est inférieure, soit la durée du travail applicable à ces cadres si elle est supérieure à la durée légale (Cass. soc., 13-11-08, n°06-44608). 

Exemple : Un salarié soumis à un forfait de 218 jours pour une rémunération de 40 000 €, la durée du travail étant fixée à 35 heures réparties sur 5 jours, soit 7 heures par jour. S’il fait grève 3 heures pendant la journée, la retenue sera égale à 78,63 € (40 000/218 = 183,48 € / 7 = 26,21 € x 3 = 78,63 €). 

Un accord collectif peut cependant prévoir qu’aucune absence inférieure à une journée ou une demi-journée ne donnera lieu à une retenue sur salaire. Ainsi, dans un tel cas, un salarié qui fait grève quelques heures au cours d’une journée ne peut se voir appliquer une retenue sur salaire (Cass. soc., 4-3-09, n°07-45291). 

Lorsque l’absence dure une journée ou une demi-journée, il n’y a pas de difficultés particulières. La retenue s’opère sur la base du salaire journalier. 

Lorsque l’accord collectif prévoit que l’acquisition du nombre de jours de repos octroyés aux salariés en forfait-jours est accordée en fonction du temps de travail effectif dans l’année, le nombre de jours de repos, en cas d’absence, pour maladie ou pour toute autre cause, est réduit au prorata de l’absence (Cass. soc., 16-12-15, n°14-23731). 

L’accord collectif peut également prévoir un nombre forfaitaire de jours de repos lié au forfait-jours, c’est-à-dire non lié au temps de travail effectif. Dans ce cas, le salarié conserve ses jours « RTT » définis forfaitairement, sans considération du nombre de jours travaillés. 

En conclusion, le salarié sous forfait-jours n’est pas corvéable à merci ! Il est de la responsabilité de l’employeur, sous le contrôle strict de la Cour de cassation, de trouver un point d’équilibre entre la flexibilité offerte par le forfait-jours et les exigences de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. 

 

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