Comment financer l’expertise sur les accords de performance collective ?

Cette publication provient du site du syndicat de salariés CFDT

 

Les nouveaux accords primant sur les contrats de travail, dénommés « accords de performance collective » par la loi du 29 mars 2018 (1), sont conclus en vue « de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l’emploi ». Un tel objet de négociation, et les incidences de ces accords sur les contrats individuels de travail, invitent à bien mesurer leur nécessité en fonction de la situation de l’entreprise. Seul hic pour l’instant : si la faculté de recourir à une expertise spécifique est bien prévue par la loi, le taux de sa prise en charge demeure incertain. 

  • Rappel : objet des accords de performance collective et conséquences pour les salariés

Le nouvel article L.2254-2 du Code du travail fusionne les divers accords primant sur les contrats de travail (accords RTT, accords de mobilité interne, accords de maintien dans l’emploi, accords de préservation et de développement de l’emploi) en un régime unique (2) : les accords de performance collective. 

Aux termes du Code du travail, ceux-ci peuvent : 

– aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ; 

– aménager la rémunération dans le respect des salaires minima hiérarchiques; 

– déterminer les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise. 

A noter que s’agissant des salaires, si la loi ne fait pas de référence au SMIC dans le texte prévoyant ces accords, le respect de cette règle d’ordre public s’impose néanmoins. 

En matière de temps de travail, ces accords peuvent par exemple mettre en place ou modifier un dispositif d’aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine, ou encore mettre en place ou modifier un dispositif de forfait annuel.  

L’objet de ces accords est donc très large et peut avoir des conséquences importantes pour les salariés. En effet, ceux-ci n’auront d’autre choix que de refuser l’application de l’accord, au risque d’un licenciement fondé sur un « motif spécifique », ou d’en accepter l’application, même si leur contrat de travail contient des clauses plus favorables.  

C’est pourquoi, lors des négociations, les équipes devront bien jauger l’opportunité et le champ des concessions accordées à l’employeur en fonction de la situation de l’entreprise. 

  • Négociation des accords de performance collective et appui d’un expert

L’article L.2315-92, II, du Code du travail prévoit la possibilité, pour le CSE (ou le comité d’entreprise si le CSE n’a pas encore été mis en place), de « mandater un expert-comptable afin qu’il apporte toute analyse utile aux organisations syndicales pour préparer les négociations ».  

Le recours à cet expert se fait dans le cadre d’une expertise légale (par opposition aux expertises dites « libres » dont la liste n’est pas établie par le Code). Ce recours est donc un droit pour les équipes. 

Pour autant, le législateur a omis de préciser le taux de financement de cette expertise. En effet, l’article L.2315-80 du Code du travail, qui prévoit le taux de prise en charge des principales expertises, n’opère aucun renvoi explicite concernant le mandatement de cet expert dont le rôle est d’accompagner les organisations syndicales lors de la négociation de ces accords collectifs d’un genre un peu particulier. 

L’expertise d’accompagnement lors des négociations d’un accord de performance collective doit-elle être prise en charge par l’employeur à 100% ? A 80%, les 20% restant alors à la charge du CSE (ou du CE) ? 

Malheureusement, les réponses apportées par l’administration (« 100 questions – réponses autour du CSE ») ne sont pas de nature à lever la difficulté. 

Pour la CFDT, il est impensable que ces expertises ne soient pas prises en charge du tout car s’agissant d’un cas de recours prévu par la loi, on ne peut considérer qu’il s’agisse d’une « expertise libre ». Aussi, la cohérence voudrait-elle que ces expertises soient prises en charge à 100 %, comme c’est le cas pour les expertises sur la situation économique et financière, les politiques sociales ou encore en cas de licenciement pour motif économique, sujets qui sont en lien direct avec l’objet des APC (emploi ou fonctionnement de l’entreprise).  

Il faut donc souhaiter que l’incertitude sera vite levée et, dans l’attente, il est recommandé de négocier un accord de méthode portant, outre sur le calendrier des négociations, sur la prise en charge et le champ de l’expertise d’accompagnement à la négociation. 

 

(1) Loi n°2018-217 de ratification des ordonnances « Macron ». 

(2) Seuls les accords de modulation et leur régime issu de la loi Warsmann restent à part. 

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