Nous avions annoncé que, dans l’hypothèse du retour des clauses de désignation, nous déposerions une question prioritaire de constitutionnalité. Chose promise, chose due! Voici le texte de la question que nous déposons cette semaine:
Nous en profitons pour rappeler notre doctrine sur ce point.
1° la mise en place de régimes “solidaires” au sein des branches, dérogatoires à la libre concurrence, serait audible et acceptable si et seulement si elle faisait la démonstration de sa capacité à protéger efficacement les salariés. Or, aucune branche ne peut aujourd’hui prouver de façon documentée et sérieuse que la pratique de la désignation (ou même de la recommandation) permet une baisse effective des tarifs. Au contraire, il est de notoriété publique que la désignation de branche oblige à un surprovisionnement qui permet à l’assureur d’augmenter ses fonds propres au détriment des salariés obligés de cotiser à un régime négocié de façon opaque,
2° les branches qui négocient des accords sont une sorte de paradis pour les conflits d’intérêt. Comme par hasard, 90% des bénéficiaires de désignations sont des groupes administrés par des représentants des organisations qui négocient les accords. Au passage, tout le monde sait que les organisations qui désignent perçoivent des commissions importantes sur les affaires ainsi conclues. Ce site se fait suffisamment d’ennemis en évoquant ces affaires pour que nous n’ayons pas besoin d’y revenir.
Sur le fond, nous souhaitons mettre en exergue les risques sociaux auxquels ces conflits d’intérêt exposent la “démocratie sociale”. Tant qu’on est dans l’entre-soi du politiquement correct, on peut se gausser de “solidarité”, de “dialogue social”, de “cohésion”, et autres blablas qui masquent un simple jeu de conflits d’intérêt et de connivence. On peut aussi se permettre, au nom de ces valeurs, de bannir et de stigmatiser tous ceux qui refusent de gruger les salariés en utilisant des grands mots pour de petits usages. Cette logique de connivence produit aujourd’hui ses effets mortifères: ceux qui ne sont pas dupes sont chaque jour plus nombreux, et ils grossissent les rangs des forces populistes.
Tous les marchands du temple (conseils lucratifs compris) qui s’enrichissent grandement ou petitement sur l’idéal de solidarité portent une très lourde responsabilité dans la montée de ce populisme. Face à cette nouvelle trahison des clercs, nous prenons nos responsabilités en agissant concrètement pour que la démocratie sociale ait un sens et soit une vraie démocratie.