Les chiffres du chômage publiés hier soir ont perturbé le message que le gouvernement prépare sur l’emploi dans les TPE. Les résultats sont en effet très mauvais et commencent à poser des questions de fond sur la cohérence de la politique économique.
Bientôt 6 millions de demandeurs d’emploi
Pour le gouvernement, les chiffres sont sans appel. Pour les seuls demandeurs d’emploi indemnisés (catégorie A), le chômage a progressé de 0,7%, soit 25.000 unités en un mois. Le volume global de demandeurs d’emplois, indemnisés ou non, approche dangereusement des 6 millions pour la seule France métropolitaine.
Plus grave encore, les chiffres de la durée moyenne de chômage s’allongent dangereusement. Pour les indemnisations de plus d’un an, la progression est de 10% en un an. Pour les plus de 3 ans, elle est de quasiment 20% Autrement dit, le marché peu à peu se ferme aux seniors et piègent l’ensemble des demandeurs d’emploi.
Pire: les entrées dans l’indemnisation ont explosé ce mois-ci, avec un chiffre record de 540.000 arrivées, les sorties ont aussi battu un record… à la baisse. 485.000 chômeurs seulement ont quitté les files actives de Pôle Emploi en avril, contre 500.000 l’an dernier à la même date. Pour cette raison, on peut parler d’avril noir pour le chômage en France.
Et pourtant le gouvernement continue à parler de reprise
Pour le gouvernement, la situation est évidemment extrêmement délicate à gérer. Depuis plusieurs semaines, le Président de la République répète que la reprise économique est en cours et que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Malgré des avis convergents venus des entreprises sur la difficulté des temps, le gouvernement semble s’entêter dans un optimisme forcené, voire aveugle.
L’annonce d’une nouvelle dégradation du chômage nourrit ce sentiment de malaise face à une rupture manifeste avec la réalité. François Rebsamen, ministre du Travail, qui a annoncé 100.000 emplois aidés supplémentaires, a ajouté: «Il faut un délai de plusieurs mois avant que la reprise de l’activité ne se traduise par des embauches». La méthode Rebsamen ressemble curieusement à la méthode Coué.
Dans la foulée, on imagine mal que le gouvernement puisse facilement annoncer de nouvelles mesures d’assouplissement du marché du travail: Valls a, selon Berger, d’ores et déjà renoncé à modifier le contrat de travail.
Le pire est-il à venir?
La question qui agite les esprits est encore moins rassurante. La France s’est engagée dans le pacte de responsabilité, et depuis plus d’un an Manuel Valls tente un exercice austéritaire qui tarde à porter ses fruits. Certes, cette austérité constitue largement un trompe-l’oeil. Comme l’a souligné la Cour des Comptes, en 2014, le déficit budgétaire a repris sa course à la hausse après plusieurs années de baisse. Il a augmenté de 10 milliards€ en un an pour atteindre les 85 milliards.
Néanmoins, la politique de baisse de charge pour les entreprises, de limitation tous azimuts des droits divers et variés, ne produit pas les résultats escomptés. La croissance stagne et le chômage se dégrade. Ces perspectives inquiètent d’autant plus que le gouvernement ne semble guère en avoir encore “sous la pédale”. Le Président de la République a d’ailleurs annoncé que le temps de la redistribution venait.
Sur le fond, on peut se demander dans quelle mesure la France n’est pas entrée dans une spirale à la grecque. Les réformes de façade n’ont aucun apport positif à l’économie et les indicateurs systémiques se dégradent à vue d’oeil. La dette n’est toujours pas maîtrisée et le chômage poursuit sa course folle.
Pour l’instant, le gouvernement a mangé son pain blanc en profitant de la baisse des taux pour contenir le coût de son endettement. Une remontée des taux aurait des résultats désastreux, surtout si elle devait se produire brutalement. Et ce jour-là, le gouvernement verra le piège à la grecque se refermer sur lui.