En partenariat avec April et Harmonie Mutuelle, la CGPME vient de lancer “Santé PME”, une offre frais de santé spécialement conçue pour les PME qui ne seraient pas couvertes par un accord de branche. Nous avons voulu en savoir plus sur la manière dont le dispositif a été élaboré. “Santé PME”, un nouvel outil de lutte contre la libre concurrence en matière de frais de santé ?
“Faciliter le travail des chefs d’entreprise”
Michaël Zenèvre, le président de la commission sociale de la CGPME, revient sur les raisons qui ont conduit son organisation à s’intéresser de près au sujet de la complémentaire santé : “Au 31 décembre 2015, il y aura entre 40 et 50 % des TPE et des PME qui ne seront pas couvertes par un accord de branche. Cela fait beaucoup de salariés ! A cela il faut ajouter les TNS, qui ne sont pas concernés par l’ANI mais dont il faut pourtant s’occuper”. Le message est donc clair : à quelques semaines du 1er janvier 2016, les responsables de la CGPME ont voulu proposer aux patrons de TPE/PME une solution “clés en main” qui leur permette de se mettre rapidement en conformité avec la loi. Un service appréciable, qui serait bien entendu réservé aux adhérents de la CGPME.
Si l’on en croit le représentant de la CGPME, l’offre “Santé PME” est censée s’adapter parfaitement aux besoins des entrepreneurs : “Nous avons construit un cahier des charges en nous plaçant du point de vue des entreprises, de ce qui leur est demandé, afin de faciliter le travail des chefs d’entreprise”. Les donneurs d’ordre avaient plusieurs exigences : “Il nous fallait évidemment, pour les salariés et les TNS, un contrat responsable, dont le tarif soit le même partout en France, pour toutes les branches et quelle que soit la pyramide des âges des entreprises. Nous souhaitions également développer les actions de prévention”. M. Zenèvre se félicite du caractère “ambitieux” de ce cahier des charges. Encore allait-il falloir le respecter, sans exploser les budgets…
Une étude d’offres sans appel d’offres
C’est à une commission composée de “nombreux représentants des territoires et des branches” qu’est revenue la tâche de porter ce cahier des charges auprès des assureurs. Michaël Zenèvre précise la manière dont elle s’y est prise : “Il est vrai qu’il n’y a pas eu d’appel d’offres à proprement parler. Néanmoins, nous avons consulté plus de quinze opérateurs d’assurance et deux opérateurs nous ont contactés d’eux-mêmes pour être de la partie, ce que nous avons accepté”. La commission d’étude des offres, que l’on ne saurait définir comme une “commission d’appel d’offres”, a reçu neuf réponses. Elle a ensuite éliminé six propositions, ne procédant qu’à trois auditions. Elle n’a finalement retenu que deux offres : celle d’April et celle d’Harmonie Mutuelle.
Une opération rondement menée, en somme. Mais pour quel tarif ? Le président de la commission sociale de la CGPME n’est pas peu fier d’annoncer que les deux contrats négociés coûtent “entre 19 et 20 euros par mois”, ce qui n’est pas très élevé. Dans ces conditions, on peut légitimement se demander si les garanties retenues sont vraiment intéressantes. “Nous nous situons un tout petit peu au-dessus du niveau du panier obligatoire”, se défend M. Zenèvre, qui poursuit : “Surtout, nous avons prévu la possibilité pour les chefs d’entreprises de souscrire à des options. Nous les encourageons d’ailleurs à y recourir car elles peuvent constituer autant d’avantages sociaux proposés aux salariés dans le cadre d’une gestion dynamique des ressources humaines”.
La CGPME contre la libre concurrence ?
S’il faut bien reconnaître que, jusqu’à présent, l’opération “Santé PME” a été un succès pour la CGPME, toujours est-il qu’elle pose la question du rapport à la libre concurrence de l’organisation de François Asselin. Après tout, il n’est pas tout à fait évident qu’un syndicat patronal entreprenne de baliser un champ d’action qui pourrait être laissé à la libre appréciation des patrons. Ceux d’entre les adhérents de la CGPME qui se réjouissaient de ne pas être contraints par un accord de branche devront, plus ou moins directement, composer avec ce contrat. En outre, le niveau de tarif de “Santé PME” pourrait bien signifier que l’offre a été élaborée sur la base d’un équilibre financier fragile, condamnant sans doute les entreprises à de prochains arbitrages entre prestations et cotisations.
“Santé PME”, un nouvel exemple du dirigisme aux effets pervers que les partenaires sociaux promeuvent en matière de protection sociale complémentaire ? Pas vraiment. Etablie sur des bases minimales, légales diraient certains, l’offre d’April et d’Harmonie Mutuelle est un produit d’appel pour le placement d’autres contrats plus protecteurs, souscrits librement par les entrepreneurs. En réalité, le principal enseignement de “Santé PME”, c’est plutôt qu’en matière de protection sociale, les deux principales composantes de la CGPME : l’UIMM, qui n’a effectué aucune négociation “frais de santé”, et la FFB, qui est engluée dans cette négociation, semblent de plus en plus préférer les actions patronales unilatérales de référencement aux négociations paritaires. A terme, ceci pourrait ouvrir la voie à un reflux du partenariat social.
Dans l’immédiat, une chose est sûre : pour la CGPME, “Santé PME” s’apparente clairement à un moyen de se poser, à peu de frais, en défenseur des intérêts les plus concrets des petits patrons.