Budget 2018 : les critiques peu surprenantes de FO

Cet article provient du site du syndicat de salariés FO.

 

Les députés ont adopté ce 24 octobre en première lecture (365 voix pour, 172 contre et 24 abstentions) le volet recettes du projet de loi de finances pour 2018. Par un vote sans surprise et en amont de l’examen du volet dépenses qui débute en novembre, l’Assemblée nationale acte pour l’instant d’une baisse des recettes fiscales nettes de 406 millions d’euros. Les mesures phares telle que la suppression de l’ISF ou encore la création du prélèvement forfaitaire unique de 30% ne sont pas étrangères au recul programmé des recettes fiscales. Parallèlement le gouvernement a prévu un plan d’économies de quinze milliards d’euros pour 2018 dont un effort de sept milliards pour l’État. 

Quelles sont les nouveautés au plan des recettes du projet de loi de finances pour 2018 (PLF 2018) actuellement examiné par le Parlement ? Par leur vote ce 24 octobre en première lecture, les députés ont confirmé dans une large mesure le projet présenté par le gouvernement le 27 septembre dernier. Ainsi parmi les mesures phares de ce volet recettes, la suppression programmée pour l’an prochain –via l’article 12 du PLF 2018– de l’ISF lequel a rapporté près de cinq milliards d’euros en termes de recettes en 2016. 

Cet impôt de solidarité sur la fortune dont s’acquittent actuellement 351 000 foyers fiscaux disposant d’un patrimoine supérieur à 1,3 million d’euros ne portera plus en 2018 que sur le patrimoine immobilier. Ce sera l’IFI, l’impôt sur la fortune immobilière dont le taux d’imposition variera de 0,5% à 1,5%. Celui-ci sera assorti de mesures d’abattements dont l’un de 30% sur la résidence principale. Par ailleurs, l’immobilier professionnel ne sera pas pris en compte dans cet IFI. 

En termes de recettes fiscales, cette transformation de l’ISF en IFI signifie que l’État accepte de subir un manque à gagner évalué à 3,2 milliards d’euros l’an prochain. Voire davantage. Le ministre de l’Économie, M. Bruno Le maire qualifiant l’ISF de totem idéologique se félicitait le 23 octobre des 3,4 ou 3,5 milliards d’euros environ d’imposition qui seront supprimés à travers la fin de l’ISF. Le 20 octobre le ministre de l’Économie avait précisé dans l’hémicycle que les 1 000 premiers contributeurs payent 400 millions d’ISF. Les 100 premiers contributeurs à l’ISF payent 126 millions d’euros. 

4,5 milliards d’euros de manque à gagner 

Cet allègement de l’impôt sur la fortune ayant créé quelques remous sur les bancs de l’Assemblée, y compris au sein de la majorité gouvernementale, les députés ont décidé –via des amendements– d’introduire un alourdissement d’imposition sur quelques types de biens traduisant des signes extérieurs de richesse. Les voitures de sport (à partir de 36 CV), les métaux précieux ainsi que les bateaux de plaisance de plus de 30 mètres seront donc taxés davantage. En termes de recettes, cette sur-taxation ne devrait apporter toutefois que 50 millions d’euros. 

Autre mesure phare de ce PLF 2018 (via l’article 11 du PLF 2018), la création du PFU, le prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30% sur les revenus du capital et de l’épargne (hormis le livret A, d’autre livrets réglementés, le PEA et sous conditions les PEL). Cette taxation forfaitaire (sur les plus-values de cession, les intérêts, les dividendes) dite « flat tax » consiste à sortir les revenus concernés du cadre de l’imposition sur le revenu (qu’ils avaient réintégré en 2012) et donc aussi de l’impact de cotisations sociales (CSG, CRDS…) sur ces revenus. La mesure induira un manque à gagner pour l’État de 1,3 milliard d’euros en 2018 et a priori de 1,9 milliard d’euros en 2019 indique le ministère de l’Économie. 

Par ces deux mesures –IFI et PFU– le gouvernement espère –mais sans dispositions contraignantes– que les très riches ménages vont injecter leurs capitaux dans l’économie, dans le financement des investissements des entreprises en particulier. Cela relève du pari. Le gouvernement envisage simplement d’évaluer cette politique fiscale d’ici deux ans. 

Pour le bien des 1% de ménages les plus riches 

Pour le ministre de l’Économie, M. Le maire ces deux mesures prennent part dans un nouveau modèle fiscal qui récompense le risque. Selon l’OFCE, le prochain manque à gagner induit par ces deux mesures est sous-évalué. Les économistes de l’OFCE l’évaluent ainsi à 6,5 milliards d’euros (dont quatre pour le PFU) et non 4,5 milliards. Le gain que les ménages retireront de ces deux mesures, soit 6,5 milliards d’euros, sera capté par une minorité indique l’OFCE. Plus précisément 1% des ménages parmi les plus riches. 

L’impôt sur les sociétés (IS) qui sera débattu en novembre dans le second volet du PLF 2018 affichera l’an prochain encore un recul de ses recettes. Le montant de la collecte était estimé à 29,1 milliards d’euros dans la loi de finances initiale 2017 puis 28,4 milliards dans la loi de finances révisée. Le PLF pour 2018 estime que la collecte atteindra 25,3 milliards d’euros. Beaucoup moins donc et cela s’explique. 

Déjà programmée sous le précédent quinquennat, la mesure consistant à abaisser le taux normal d’imposition de l’IS de 33,3% à 25% d’ici 2022 induira un manque à gagner en termes de recettes fiscales pour l’État et ce dès 2018. L’an prochain en effet le taux de l’IS sera de 28% pour toutes les entreprises et ce jusqu’aux 500 000 premiers euros de bénéfice. Au-delà le taux sera de 33,3%. Taux qui sera ramené à 31% en 2019 puis à 28% pour toutes les entreprises et sans conditions en 2020, ensuite à 26,5% en 2021 et enfin à 25% en 2022. 

Autres cadeaux… 

Le gouvernement a calculé qu’en tenant compte de trois mesures confondues (baisse du taux d’IS, nouveau barème d’allègement de cotisations patronales, suppression de taxe de 3% sur les dividendes en 2018), le gain net pour l’ensemble des entreprises sera en 2022 (sur cinq ans) de 8,2 milliards. Il sera de 1,5 milliard pour les PME, de 2,6 milliards pour les entreprises moyennes (ETI) et de 4,1 milliards pour les grandes entreprises. 

Selon le projet du gouvernement rien que par trois mesures (baisse du taux d’IS, nouveau barème d’allègement de cotisations patronales, suppression de taxe de 3% sur les dividendes en 2018), le gain net pour l’ensemble des entreprises sera de 8,2 milliards en 2022 (sur cinq ans). Il sera de 1,5 milliard pour les PME, de 2,6 milliards pour les entreprises moyennes (ETI) et de 4,1 milliards pour les grandes entreprises. 

En termes de cadeaux aux entreprises, il faut ajouter encore le CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Maintenue en 2018 avant sa transformation en 2019 en allègements de cotisation, la mesure CICE sera abordée –comme l’IS– dans la seconde partie du débat du PLF 2018. 

La réforme de la Taxe d’habitation inquiète les communes 

Depuis 2015 via le pacte de responsabilité -auquel s’est inséré le CICE créé en 2013- chacun notera que les entreprises ont profité de plus de 100 milliards d’euros en termes de crédits d’impôt et d’allègements de cotisations. Le PLF 2018 ne modifie pas cette philosophie, accordant encore de beaux cadeaux aux entreprises et aux ménages aisés… Quitte à se priver de recettes fiscales. 

Autre mesure validée par les députés en première lecture, la première phase de la réforme de la taxe d’habitation (TH). Cette réforme qui vise à exonérer totalement de la taxe 80% des ménages d’ici 2020 induira un manque à gagner de trois milliards d’euros en termes de recettes fiscales pour les collectivités locales en 2018 (6,6 milliards en 2019 puis 10 milliards en 2020). Même si l’État promet de compenser cette perte de recettes, les collectivités (notamment le bloc communal auquel profite la taxe) qui vont globalement perdre en 2020 la moitié de la recette globale de taxe d’habitation s’inquiètent des modalités de la compensation, elles qui devront par ailleurs réaliser 13 milliards d’économies sur cinq ans. 

Alors que les recettes de la taxe d’habitation représentent plus d’un tiers des budgets des collectivités, ces dernières soulèvent notamment le problème des conséquences de la répartition inégale des bénéficiaires de la réforme. Certaines communes qui concentrent de nombreux bénéficiaires de la réforme craignent de connaître des difficultés financières dues au recul massif des recettes provenant de la TH. 

La hausse de la fiscalité sur le diesel impactera les plus modestes  

Les collectivités locales posent le problème de la pérennité des ressources –budgétaires et fiscales- qu’elles recevront de l’État d’autant que l’apport de ces ressources sera conditionné à leurs capacités à réaliser des économies ainsi que le prévoit le gouvernement. La perte des recettes provenant de la taxe d’habitation pourrait ainsi impacter l’investissement public local (déjà en recul) ou encore les services publics locaux. 

Les collectivités locales pourraient dès lors décider d’augmenter leur taux d’imposition de taxe d’habitation ce qui alourdirait cette fiscalité locale laquelle serait concentrée au-delà de 2020 sur les 20% de ménages (aux ressources supérieures à 27 000 euros de revenu fiscal par part ce qui équivaut à un revenu de 2500 euros bruts par mois) s’acquittant encore de la TH. 

Parmi les mesures adoptées par l’Assemblée, celle concernant la hausse de la fiscalité du diesel (article 9). Il s’agit d’aligner cette fiscalité sur celle de l’essence d’ici quatre ans. Les députés ont ainsi acté une augmentation de la TICPE (taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques) de 2,6 centimes par litre de gazole et cela pendant quatre ans. Cette mesure et celle actant le maintien de la taxe carbone induiront l’an prochain une recette supplémentaire de 3,7 milliards pour l’État. Ces deux mesures pèseront sur le pouvoir d’achat des ménages modestes contraints à utiliser leur voiture et ce mode d’énergie pour se déplacer, notamment pour aller travailler. 

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