Bientôt une action de groupe relative à la discrimination ?

Cet article est initialement paru sur le site de la CFDT.

Dans le cadre de son projet de loi « Justice du XXIe siècle », le ministère de la Justice envisage de créer un cadre général d’action de groupe et plus spécifiquement une action en matière de discrimination au travail. Cette proposition s’inscrit dans le cadre des travaux menés par Laurence PECAUT-RIVOLIER. Présentation succincte du futur dispositif. 

 

L’intérêt de l’action de groupe 

L’action de groupe présente un intérêt économique pour le salarié (frais de justice supporté par l’organisation) ainsi qu’un intérêt psychologique, avec la garantie pour lui de ne pas être mis en avant et d’être épaulé par une organisation syndicale ou une association. De plus, cette action vise à obtenir des condamnations financières lourdes et exemplaires des employeurs. L’intérêt est dissuasif et vise à inciter l’employeur, en amont, à prendre des mesures pour qu’aucune discrimination directe ou indirecte ne naisse dans son entreprise. 

Mais surtout, l’action telle que décrite dans le projet de loi n’est pas destinée à apporter qu’une seule réponse indemnitaire. En effet, le texte impose au préalable aux organisations syndicales, de demander à l’employeur, en dehors de toute saisine du juge, de faire cesser la discrimination, et ainsi d’inciter à engager un dialogue sur les questions de discrimination. 

 

Qui peut agir ? 

– Les syndicats professionnels représentatifs 

– Les associations régulièrement constituées depuis 5 ans au moins pour la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap. Cette action ne leur est ouverte qu’en matière d’accès à un emploi ou à un stage. 

L’ouverture de l’action de groupe en matière de discrimination au travail aux associations de lutte contre les discriminations, circonscrite aux actions portant sur l’accès à l’emploi ou à un stage, semble cohérente dès lors que c’est sur ces thèmes qu’elles sont légitimes. 

Mais, dès lors que l’on entre dans l’entreprise, il ne paraît pas contestable de réserver l’action aux seules organisations syndicales représentatives : en effet, elles sont seules présentes dans l’entreprise et sont donc les seuls interlocuteurs reconnus par la loi. 

 

À noter : les organisations syndicales ne sont fondées à agir via une action de groupe que sur les discriminations au travail. Il ne leur est pas possible d’agir via une action de groupe sur les autres domaines (par exemple, en cas de discrimination sur l’accès au logement) 

 

Quel est l’objet de l’action ?  

 

Elle tend à la cessation du manquement constaté, ou à la réparation des préjudices. 

 

L’action de groupe pourra avoir deux objets, la cessation ou la réparation (voire les deux). Ce qui est positif car l’une des craintes était que l’action de groupe ne serve que des objectifs de réparation sans se soucier de la cessation des manquements 

 

À quel moment peut-elle être engagée ? 

 

Lorsque plusieurs candidats à un stage, emploi ou période de formation font l’objet d’une discrimination directe ou indirecte, fondée sur un même motif et imputable à une même personne. 

 

Quels préalables à l’action ? 

 

Avant de saisir le juge d’une action de groupe, l’organisation syndicale doit avoir demandé à l’employeur de faire cesser la situation de discrimination collective. L’employeur dispose alors d’un délai d’un mois pour engager une discussion avec le syndicat, ou bien pour lui faire connaître les motifs pour lesquels il ne donne pas suite. 

 

Si dans un délai de trois mois l’employeur n’a pas fait cesser la situation, ce point est inscrit à l’ordre du jour du premier comité d’entreprise qui suit. Lorsque la situation persiste deux mois après la réunion du CE, l’organisation représentative peut introduire l’action de groupe. 

 

Pour la CFDT, cette disposition semble très positive car elle invite l’employeur à corriger les discriminations qui pourraient être constatées, par la voie du dialogue social avant d’envisager une action contentieuse. 

 

Attention : le projet de loi évoque l’obligation pour l’employeur d’engager des discussions avec l’organisation syndicale. Le terme « discussion » semble quelque peu léger, le terme « dialoguer » ou négocier serait plus approprié. Enfin, il serait judicieux d’introduire une notion de dialogue loyal, ainsi qu’un délai, en l’absence de dialogue ou de réponse de l’employeur, au-delà duquel la saisine sera possible. 

 

Comment s’organise l’action lorsqu’elle tend à la cessation du manquement ? 

 

Lorsque le juge constate le manquement, il demande à l’employeur de le faire cesser et de prendre toutes les mesures utiles pour cela. Un délai est fixé pour la prise des mesures. Un tiers peut être désigné par le juge pour aider l’employeur. Une astreinte peut être prononcée. 

 

Lorsque l’employeur ne pas mis en œuvre les mesures dans les délais fixés, il peut être condamné au paiement d’une amende civile.  

 

Comment s’organise l’action lorsqu’elle tend à la réparation des préjudices ? 

 

Saisi par l’organisation syndicale, le tribunal de grande instance : 

 

– statue sur la responsabilité du défendeur, 

 

– définit le groupe de personnes concernées en fixant les critères de rattachement au groupe, 

 

– détermine les préjudices susceptibles d’être réparés 

 

– fixe le délai d’adhésion au groupe des personnes pour l’obtention de la réparation du préjudice. 

 

– détermine les mesures de publicité destinées à informer les personnes susceptibles d’être concernées (celles-ci ne pourront être mises en œuvre qu’à compter du moment où le jugement ne pourra plus faire l’objet d’une voie de recours, appel et cassation). 

 

Comment s’organise la réparation individuelle des préjudices ? 

 

Les personnes intéressées peuvent se joindre au groupe pour obtenir l’indemnisation individuelle des préjudices. Elles doivent pour cela se déclarer auprès de la personne responsable ou du demandeur à l’action. Ce dernier reçoit alors mandat aux fins d’indemnisation, qui vaut mandat aux fins de représentation pour l’exercice de l’action en justice pour l’indemnisation et éventuellement pour l’exécution forcée du jugement. 

 

En, revanche, le mandat ne vaut ni n’implique adhésion au demandeur à l’action. Ensuite, après avoir adhéré, les personnes remplissant les critères peuvent demander à l’employeur déclaré responsable de procéder à l’indemnisation individuelle de leur préjudice. Il s’agit ici de tenter de trouver un accord amiable sur la réparation individuelle. 

 

Enfin, en l’absence d’accord, les personnes concernées peuvent saisir le juge compétent, à savoir le TGI pour obtenir la réparation des préjudices. 

 

Quels sont les préjudices qui peuvent faire l’objet d’une réparation ? 

 

Les préjudices moraux ne peuvent faire l’objet d’une réparation dans le cadre d’une action de groupe. De plus, le projet précise que seuls les préjudices nés après la demande de l’organisation syndicale à l’employeur de faire cesser le manquement peuvent être réparés. 

 

Concernant la limitation de la réparation aux seuls préjudices nés après à la demande de l’organisation syndicale à l’employeur de faire cesser le manquement : cette mesure permet d’épargner les employeurs qui n’avaient pas la conscience de discriminer avant l’alerte de l’OS, ce qui est louable. En revanche, on traite de manière identique les employeurs ayant la conscience de discriminer et ceux n’ayant pas cette conscience, ce qui être plus choquant. 

 

De plus, cela signifie que les salariés, individuellement, auront la possibilité de saisir le CPH pour obtenir la réparation des préjudices nés avant la « mise en demeure », ce qui n’est pas source de simplification. 

 

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