Cette publication est issue du site du syndicat de salariés FO.
Les services du Groupement d’intérêt économique (GIE) Agirc-Arrco nous ont adressé une note au sujet de réflexions gouvernementales sur la mise en pratique de la transformation du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en allègement de charges patronales.
Rappelons que, parmi les nombreuses mesures du programme économique d’Emmanuel Macron figure le remplacement du CICE par une baisse de 6 points des cotisations sociales employeurs. Cette mesure, qui devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2019 suite à l’annonce faite lors du discours de politique générale du Premier ministre le 4 juillet 2017, s’accompagnerait d’une augmentation des allègements allant jusqu’à 10 points au niveau du Salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic). Le passage d’un taux de 7 % qui prévaut pour le CICE à un taux de 6 % uniforme serait conjugué à une hausse des allègements au niveau du Smic, dégressive jusqu’à 1,6 Smic. Cette exonération supplémentaire serait rendue possible, par exemple, en incluant dans le champ des allègements éligibles les cotisations chômage (4,2 %) et la première tranche de la retraite complémentaire (Arrco : 4,65 % et AGFF : 1,2 %). En ce qui concerne les cotisations Agirc-Arrco, le montant de cet allègement serait de l’ordre de 3 milliards d’euros.
Si l’Agirc-Arrco gère déjà ce type d’allègement pour les apprentis, la mesure envisagée au 1er janvier 2019 pose un certain nombre de questions majeures compte tenu du nombre de salariés concernés (près de 10 millions) et des sommes en jeu :
- Une garantie absolue que les droits individuels des salariés soient strictement maintenus, alors que pour un même niveau de salaire le montant de cotisations Agirc-Arrco peut varier d’un salarié à l’autre, ainsi que les droits correspondants matérialisés sous forme de points à due proportion.
- Une simplicité pour l’entreprise pour justifier et bénéficier de cet allègement au plus tôt par rapport au fait générateur que constitue la paye du salarié.
- Une garantie pour l’état de la stricte application de la mesure pour toutes les situations visées, avec une capacité de contrôle systématique des allègements effectués.
- Une compensation à l’euro l’euro par les finances publiques des allègements de cotisations Agirc-Arrco, estimés à 3 milliards d’euros soit de l’ordre de 5% des ressources de l’Agirc-Arrco, les droits des salariés passés et futurs étant maintenus dans le cadre du dispositif d’exonérations, dans le cadre d’un régime Agirc-Arrco piloté et géré par les partenaires sociaux.
Entre autres scénarios, la note de l’Agirc-Arrco évoque la réflexion gouvernementale sur la possibilité d’un transfert à l’Acoss du recouvrement de l’ensemble des cotisations Agirc-Arrco. Citant le rapport du Haut Conseil du financement de la protection sociale. (HCFiPS) de juillet 2015, la note insiste sur les difficultés techniques et opérationnelles d’un tel schéma du fait de la nature conventionnelle, contributive, avec des règles de champ, d’assiettes et surtout de taux spécifiques du régime Agirc-Arrco. Le rapport du HCFiPS avait conclu —compte tenu de pré requis techniques indispensables en particulier liés à l’évolution préalable à mener par l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss) d’être en capacité de gérer des cotisations individuelles— qu’un tel scénario n’était pas envisageable avant 5 ans. Le nouveau rapport du HCFiPS de juillet 2017 fait les mêmes constats, ceci d’autant plus que l’agenda 2018 est encore plus chargé qu’imaginé en 2015 (PAS, RSI, etc.).
Les services de l’Agirc-Arrco précisent : En conclusion, il apparait qu’une seule solution opérationnelle existe pour mettre en œuvre un allègement de charges Agirc-Arrco au 1er janvier 2019. Ce schéma qui passe par une gestion de l’allègement de ses propres cotisations par l’Agirc-Arrco, présente un niveau de risque mesuré alors que la multiplicité des autres projets prévus en 2018 est déjà un facteur de risque en soi.
Quoiqu’il en soit, Force Ouvrière s’opposera à tout transfert de recouvrement de la retraite complémentaire vers l’Acoss, quelle qu’en soit la motivation. Nous étions d’ailleurs intervenus dans les débats au sein du HCFiPS en 2015 sur ce sujet. D’une part, sur un plan purement technique l’Acoss n’est pas en capacité technique d’assurer le recouvrement des cotisations Agirc-Arrco : la granularité des Urssaf n’a jamais été l’individu. D’autre part, une première analyse rapide laisse à penser que la loi de décembre 1972 ne permet pas cette « intrusion », sauf à ce qu’une nouvelle loi vienne la modifier. Espérons que les réflexions des pouvoirs publics n’en soient pas encore là !