Avenir professionnel : FO fustige le projet de loi

Cet article provient du site du syndicat de salariés FO.

Les députés examinent à partir du 11 juin 2018 le projet de loi « avenir professionnel ». Ce texte de 66 articles réforme en profondeur la formation professionnelle, l’Assurance chômage et l’apprentissage. Et pour FO, il n’a rien du caractère protecteur mis en avant par le gouvernement, bien au contraire. 

Le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, présenté le 27 avril 2018, en conseil des ministres, arrive ce 11 juin en première lecture à l’Assemblée nationale. Particulièrement large dans son champ d’application, il réforme en profondeur l’Assurance chômage et la formation professionnelle ainsi que l’apprentissage. Il traite également de l’égalité professionnelle et de l’emploi des travailleurs handicapés. 

Le gouvernement présente ce deuxième volet de son chantier social comme une contrepartie aux ordonnances Macron de 2017, censée apporter plus de sécurité et de protection pour les salariés. Il n’en est rien selon FO. 

Dans sa philosophie, ce projet de loi revient à une septième ordonnance, avait réagi le secrétaire général de FO pascal Pavageau sur Sud Radio le 29 mai. Sur la formation professionnelle et l’assurance chômage, on nous a expliqué en début de quinquennat qu’il allait y avoir des volets dits flexibilité pour les patrons et un volet sécurité. Or ce texte n’est pas un volet sécurité, il reste dans la même philosophie de flexibilité. Il reproche également à Emmanuel Macron sa logique d’individualisation. 

Monétisation et individualisation de la formation professionnelle 

Le compte personnel de formation (CPF) ne sera plus alimenté en heures mais en euros. Pour les salariés en CDI à temps plein ou à mi-temps, il sera crédité de 500 euros par an, avec un plafond fixé à 5 000 euros. Pour les CDD, l’alimentation sera proportionnelle au temps de travail. Pour les personnes peu ou pas qualifiées, le crédit sera de 800 euros par an. 

Ces abondements sont insuffisants pour FO. Il faudrait un droit annuel de 1250 à 1 500 euros et un plafond de 8 000 ou 9 000 euros pour permettre des formations longues et certifiantes, explique Michel Beaugas, secrétaire confédéral FO chargé de l’emploi. De même FO s’inquiète d’une perte de droits avec la fixation d’un montant unique pour tous. Michel Beaugas redoute aussi un risque d’inflation du coût des formations, réduisant ainsi l’accès à la formation professionnelle. 

Pour les longues formations de reconversion, le congé individuel de formation (CIF) disparaît au profit du CPF de transition professionnelle. Le projet devra être validé par un conseil en évolution professionnelle (CEP), puis examiné en commission. Le salarié aura droit à une rémunération minimum fixée par décret. 

Finis les intermédiaires. Les actifs devront trouver eux-mêmes leur formation grâce à une application numérique. Ils pourront même s’inscrire et payer en ligne. FO dénonce une logique d’individualisation qui laisse le bénéficiaire seul face au choix de formation. Elle exige un meilleur accompagnement, notamment par le conseil en évolution professionnelle (CEP). 

FO estime par ailleurs que le principe de la monétarisation va rendre plus compliquées les négociations en entreprise sur l’abondement du CPF des salariés. Un employeur pourra accepter d’abonder en euros un CPF mais en échange, il risque de refuser toute augmentation de salaire, poursuit Michel Beaugas. 

FO réaffirme également son attachement au paritarisme de gestion et condamne la disparition des instances paritaires interprofessionnelles nationales et régionales. Elle s’oppose donc au principe d’une gouvernance quadripartite avec la création de l’agence nationale France Compétences. 

Une renégociation de l’Assurance chômage encadrée par l’État 

Le gouvernement souhaite ouvrir l’assurance chômage à de nouveaux cas de démissionnaires et à certains indépendants. Les démissionnaires qui ne répondent pas aux critères déjà existants, par exemple rejoindre son conjoint, pourront bénéficier d’un nouveau dispositif tous les cinq ans pour se reconvertir ou créer une entreprise. Ils seront indemnisés dans les mêmes conditions que les autres demandeurs d’emploi, à condition que leur projet professionnel soit validé par une commission régionale. 

Des règles particulières sont mises en places pour les indépendants. Ils toucheront un forfait de 800 euros par mois pendant six mois. Pour en bénéficier, il faudra qu’une liquidation judiciaire ait été prononcée. Seuls les indépendants ayant travaillé pendant plusieurs années et réalisé au moins 10 000 euros de bénéfice par an sont concernés. 

Le contrôle des chômeurs va être renforcé. Le nombre d’agents de Pôle emploi chargés de cette mission va augmenter à 600 et le barème des sanctions va être modifié par décret. Au lieu de contrôles et de sanctions automatiques, FO revendique un meilleur accompagnement des demandeurs d’emploi. 

Le système de bonus-malus sur les cotisations patronales, revendiqué par FO depuis des années pour lutter contre les entreprises qui abusent de contrats courts, ne pourra être mis en place que si les branches ne négocient pas sur la question. 

Le gouvernement s’attaque aussi à la négociation collective et au paritarisme. La renégociation de la convention Unedic sera encadrée. L’exécutif imposera aux interlocuteurs sociaux une enveloppe financière et des objectifs à respecter. Dans le cas contraire, l’État pourra lui-même fixer les règles par décret. Un amendement des députés adopté en commission des affaires sociales a instauré une concertation préalable systématique avec les interlocuteurs sociaux sur le contenu du document de cadrage. Le 24e Congrès, dans sa résolution sociale, dénonce cette mise sous tutelle de la négociation paritaire et réaffirme son attachement à la gestion paritaire de l’Assurance chômage. Il condamne également la suppression de la part salariale au profit de la CSG. 

Michel Beaugas redoute que le seul paramètre laissé aux mains des interlocuteurs sociaux dans la négociation soit la baisse de l’indemnisation des demandeurs d’emploi. Déjà, le gouvernement souhaite modifier par décret les règles du cumul emploi-chômage, qui concerne 800 000 personnes indemnisées en activité réduite chaque mois. Une négociation entre les interlocuteurs sociaux sur la question doit se tenir avant fin 2018. Le gouvernement doit trouver 500 millions d’euros pour financer l’indemnisation des démissionnaires et des indépendants, dénonce Michel Beaugas. Comme il n’y a pas d’augmentation du budget, ils vont nous demander 500 millions d’économies sur ce cumul et de réduire les droits des plus précaires. 

En matière de cotisations patronales, le système de bonus-malus revendiqué depuis des années par FO pour lutter contre les entreprises qui abusent des contrats précaires ne sera mis en place que dans les branches qui ne négocieraient pas sur la question. 

Assouplissement des conditions d’emploi des apprentis  

L’ouverture des centres de formation des apprentis (CFA) n’aura plus besoin de recevoir l’autorisation du conseil régional. Une branche ou une entreprise pourra ouvrir le sien et le financement se fera au contrat d’apprentissage. 

La limite d’âge pour entrer en apprentissage est repoussée à 30 ans. FO craint une menace pour le CDD ou le CDI. Par ailleurs, la confédération s’oppose à l‘allongement de la durée du travail (jusqu’à 40 heures dans le bâtiment) et à l’assouplissement des conditions d’emploi. FO revendiquait une hausse de la rémunération et regrette qu’elle ne soit revalorisée que de 30 euros par mois de 16 à 20 ans. De 26 à 30 ans, nouveau plafond d’âge, les apprentis seront payés au Smic. FO déplore également ne pas avoir été entendu sur la formation obligatoire pour les maîtres de stage, au moins en matière de pédagogie. 

Travailleurs handicapés et égalité professionnelle : encore beaucoup d’incertitudes 

Ces deux thèmes ont fait l’objet de concertations avec les interlocuteurs sociaux. Le projet de loi Avenir professionnel ne dresse que les grandes lignes de la réforme. Les gouvernements a fait des annonces qui doivent désormais être traduites dans des amendements et des décrets. 

Handicap : pas d’incitation à dépasser le taux de 6%  

Le taux de chômage des travailleurs handicapées atteint 19%, soit deux fois plus que la moyenne nationale. Dans le privé comme dans le public, les employeurs de plus de 20 salariés ont l’obligation d’embaucher au moins 6% de travailleurs handicapés. Mais ce taux est actuellement de 3,4% dans le privé et 5,2% dans le public. La ministre du travail a présenté le 5 juin les premières mesures concernant l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés en entreprise, en conclusion d’une première phase de concertation avec les interlocuteurs sociaux. 

Les accords collectifs handicap, dits agréés, auront une durée de 3 ans et ne pourront être renouvelés qu’une fois. Les entreprises seront ainsi incitées à atteindre le taux de 6% au terme de ces 6 années. La remise en cause de ces accords agréés était une revendication portée par FO. Par ailleurs, les démarches des employeurs qui embauchent un travailleur handicapé seront simplifiées. Il y a quelques avancées mais nous avons encore beaucoup d’incertitudes, nous attendons la rédaction des amendements, le diable se niche dans les détails, réagit Anne Baltazar, conseillère FO chargée du handicap. 

Sur le fond, FO se satisfait du maintien de l’obligation d’emploi et de la contribution versée par les entreprises à l’Agefiph, organisme paritaire qui gère le fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, et dont Anne Baltazar est la présidente. Mais elle regrette que le taux soit maintenu à 6%. La confédération revendiquait une augmentation à hauteur du taux de prévalence du handicap dans la population active, soit près de 7%. Elle souhaitait aussi des mesures incitant les entreprises à dépasser ce taux cible. La ministre a annoncé un débat parlementaire tous les 5 ans sur l’impact de la politique en faveur de l’emploi des personnes handicapées. 

Par ailleurs, la concertation avec les interlocuteurs se poursuit. La deuxième phase portera sur l’accompagnement des personnes et des entreprises par les différents opérateurs, et en particulier sur le rôle et la gouvernance des fonds d’insertion Agefiph et FIPHFP. 

Des mesures insuffisantes en matière d’égalité professionnelle  

Le gouvernement promet de passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultats sur les écarts de salaires injustifiés entre femmes et hommes, qui atteignent en moyenne 9%. Des indicateurs définis par décret doivent être mis en place pour mesurer ces écarts. La négociation sur l’égalité professionnelle doit également prévoir des mesures financières de rattrapage salarial. Les entreprises d’au moins 50 salariés qui ne respectent pas leurs obligations auront trois ans pour se mettre en conformité. À défaut, l’employeur pourra se voir appliquer une pénalité financière pouvant aller jusqu’à 1% de la masse salariale. 

Par ailleurs, en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, l’employeur est tenu à une simple obligation d’affichage, une mesure insuffisante selon FO. 

Sur ce thème aussi, la confédération est dans l’attente de la rédaction des amendements. Dans sa résolution sociale, le congrès exige l’application de la disposition du Code du travail : à travail de valeur égale, salaire égal et notamment la suppression des inégalités salariales entre femmes et hommes.. Il constate que l’égalité réelle n’est pas encore réalisée et que l’illusion d’une égalité déjà acquise reste un frein important. Il revendique le renforcement des contrôles et l’application des sanctions à l’encontre des entreprises qui ne respectent pas la réglementation en matière d’égalité professionnelle et salariale. 

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