Deux syndicats de salariés viennent de délivrer leurs impressions sur le contenu du projet de réforme de l’Assurance chômage.
La CFE-CGC regrette une reprise en main par l’Etat
Pour la CFE-CGC, le fait que le gouvernement puisse désormais cadrer la trajectoire financière ainsi que les paramètres structurants de la convention va laisser une place ténue à l’autonomie des partenaires sociaux. C’est une étatisation sur le fond, même si la gouvernance ne change pas sur la forme.Sur le couple accompagnement – sanction, les propositions du gouvernement soulèvent plus des questions de mises en œuvre et de régulation que de contenu.La qualification des conseils de Pôle emploi et la régulation des décisions seront parmi les sujets dont le Conseil d’administration de Pôle Emploi devra se saisir afin que le bénéfice attendu pour les allocataires soit au rendez-vous.Les propositions du gouvernement sur l’accompagnement se basent essentiellement sur des outils et non, hélas, sur une augmentation des rencontres durant les premiers mois de perte d’emploi, à l’image de ce qui se fait dans les pays nordiques et que la CFE-CGC demandait.La CFE-CGC ne peut que regretter que l’allocation accordée aux indépendants soit prise sur les sommes normalement allouées aux salariés.La CFE-CGC attend le texte définitif pour que ses instances puissent se positionner vis-à-vis des changements proposés par le gouvernement.
FO dénonce les sanctions contre les chômeurs
Le ministère du Travail a présenté le 19 mars 2018 aux interlocuteurs sociaux les grandes lignes de la réforme de l’Assurance chômage. Pour FO, le durcissement des contrôles va pousser les demandeurs d’emploi à prendre le premier job qui passe.
Dans l’accord interprofessionnel sur l’Assurance chômage conclu le 22 février 2018, les interlocuteurs sociaux ont estimé que le dispositif actuel de contrôle et de sanctions envers les demandeurs d’emploi suffisait amplement. De même, en matière de gouvernance du régime, ils ont réaffirmé leur attachement à la gestion paritaire.
Malgré tout, la ministre du Travail entend bien réformer sur ces deux thèmes dans le cadre du projet de loi qu’elle présentera fin avril 2018 en conseil des ministres. Son cabinet a exposé les principales mesures aux huit organisations syndicales et patronales le 19 mars 2018.
Certes, certaines sanctions seront allégées pour les demandeurs d’emploi qui ne remplissent pas leurs obligations. Il n’y aura plus de radiation pour refus de suivre une formation ou de se présenter à une visite médicale. De même, quand un chômeur ne se rendra pas à une convocation, son allocation sera suspendue durant deux semaines, au lieu de deux mois actuellement.
Jusqu’à quatre mois de suppression d’allocations
Mais dans les autres cas, par exemple ne pas chercher activement du travail ou refuser une offre raisonnable d’emploi, un nouveau barème de sanctions s’imposera : un mois de suspension d’allocation au premier manquement, deux mois au deuxième manquement et quatre mois au troisième manquement. Au deuxième et troisième manquement, l’allocataire se verra aussi définitivement amputé d’une partie de ses droits, précise l’AFP. Dorénavant, l’ensemble des pouvoirs de sanction sera confié à Pôle emploi. Ce dernier pourra décider de radier définitivement un demandeur d’emploi sans avoir à demander l’aval du préfet.
Par ailleurs, la définition d’une offre raisonnable d’emploi va être totalement revue. Aujourd’hui définie dans le Code du travail, elle est basée sur la distance domicile-travail, le salaire ou la nature de l’emploi. Demain, elle sera élaborée en concertation entre le demandeur d’emploi et son conseiller, en fonction de chaque situation individuelle et des caractéristiques du marché du travail local. C’est une rupture d’égalité territoriale, dénonce Michel Beaugas, secrétaire confédéral FO chargé de l’emploi.
En matière d’accompagnement, le ministère du Travail va expérimenter, à partir de janvier 2019, un carnet de bord numérique. Ce dispositif sera mis en place dans deux régions pour un an. Chaque chômeur devra y inscrire chaque mois ses démarches de recherche d’emploi. Actuellement, un demandeur d’emploi doit déclarer mensuellement auprès de Pôle emploi qu’il cherche toujours un emploi, mais sans détailler ses recherches. Avec ce carnet de bord, il va faire le boulot du conseiller, poursuit Michel Beaugas. Et s’il ne le remplit pas, il ne peut pas s’actualiser et c’est la sanction immédiate, ça ne nous convient pas.
Étatisation rampante
Le ministère entend bien renforcer les contrôles. Le nombre d’agents exclusivement dédiés à cette tâche va passer de 200 à 1000 d’ici 2020. Le chômeur sera poussé à prendre le premier job qui passe, même précaire, ajoute Michel Beaugas. Comme par ailleurs, 300 emplois doivent être supprimés cette année à Pôle emploi, ça veut dire moins de conseillers et d’accompagnement, alors qu’il en faudrait plus. Et les conditions de travail des conseillers vont se dégrader.
En matière de gouvernance, les organisations syndicales et patronales continueront de négocier les règles dans le cadre de la convention Unedic. Mais désormais, elles devront respecter un document de cadrage remis en amont par le gouvernement, et qui fixera notamment la trajectoire financière. En cas de non-respect, l’État pourra reprendre la main. C’est une étatisation rampante, si on sort du cadrage, ils feront quand-même, dénonce Michel Beaugas.
Cette réforme renforce aussi l’idée selon laquelle les demandeurs d’emploi profitent du système. Or dans une étude parue à l’automne 2017, Pôle emploi confirmait que l’immense majorité d’entre eux cherche activement du travail. En 2016, 86 % des contrôles ont confirmé la recherche d’emploi ou permis une remobilisation, indique ainsi Pôle emploi.