Reçus vendredi dernier, dans l’après-midi, par Antoine Foucher, le directeur de cabinet de Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, les représentants des organisations patronales et salariales n’ont pas fait le déplacement pour rien : ils ont appris que le gouvernement attend d’eux qu’ils se mettent d’accord sur 3 à 3,9 milliards d’euros d’économies sur l’assurance chômage. Un coup de massue dont ils ne semblent pas certains de vouloir se relever.
3 à 4 milliards d’économies
A l’origine, la réunion de vendredi devait être l’occasion d’une présentation, par le gouvernement, de sa lettre de cadrage d’une éventuelle négociation paritaire sur l’assurance chômage. Ne rechignant pas à réaliser le sale boulot, la ministre du Travail a préféré agir en deux temps et profiter de la venue des partenaires sociaux au ministère pour leur annoncer des nouvelles qui se sont avérées particulièrement douloureuses. L’exécutif considère en effet qu’un futur accord paritaire sur l’assurance chômage doit, avant toute chose, permettre de réaliser 3 à 3,9 milliards d’euros d’économie sur la période 2019-2022. Outre cet objectif, le gouvernement a fait savoir qu’un accord qui n’inclurait pas une pénalisation du recours abusif aux contrats courts ne serait pas agréé par l’Etat. Ces objectifs devraient être formalisés dans la lettre de cadrage que les partenaires sociaux recevront cette semaine.
Les syndicats désemparés
A l’issue de la réunion, les représentants des salariés n’ont pas caché leur dépit. Par la voix de Denis Gravouil, la CGT a prévenu d’emblée qu’elle refuserait “de baisser les droits des chômeurs”. Michel Beaugas, pour FO, a pour sa part dénoncé des exigences gouvernementales dont le “prisme est marqué sur les économies”. Pour la CFDT également, les annonces gouvernementales vont dans le mauvais sens. Marylise Léon a ainsi jugé que les économies demandées par le chef de l’Etat “sont extrêmement conséquentes”, rappelant que la dernière convention Unédic, signée pas plus tard qu’en début d’année, impliquait déjà “800 millions d’économies sur les droits des demandeurs d’emploi”. Malgré ces propos sévères, la CFE-CGC et la CFDT ont déjà fait savoir qu’elles participeront à la négociation paritaire Unédic. La CFTC devrait en faire autant. La CGT et FO oseront-elles refuser les injonctions publiques ?
Le patronat sur des oeufs
Elles pourraient, paradoxalement, trouver un point d’appui du côté des organisations patronales. Jean-Michel Pottier (CPME), que l’on aurait pu confondre, pour le coup, avec Denis Gravouil, s’est dit “extrêmement inquiet” de la méthode de M. Macron, qui revient selon lui à mener la “réforme à l’envers”, en partant “d’un objectif budgétaire”. Plus mesuré, Hubert Mongon – le négociateur du Medef, issu de l’UIMM – s’est ému de la précipitation de l’exécutif, qui veut à tout prix une nouvelle négociation alors que “l’encre des précédents accords est à peine sèche” et qu’ils n’ont donc pas pu prouver leur efficacité. M. Mongon a précisé que le Medef se donne “quelques semaines” pour dire s’il négociera ou non une future convention Unédic. C’est peu dire que le Medef ne déborde pas d’enthousiasme. Il est vrai que si un bonus-malus doit être instauré sur les contrats, le patronat a tout intérêt à ne pas y être associé…
Ayant réussi le tour de force de se mettre tout le monde paritaire à dos, Jupiter peut, certes, espérer reprendre entièrement en main le dossier de l’assurance chômage. Alors que sa popularité ne semble pas être au beau fixe, un tel calcul a toutefois bien des chances de s’avérer risqué.