Face au chômage, les vieilles recettes sont à l’oeuvre et l’affaire Areva en donne un superbe exemple.
Areva éreintée par Anne Lauvergeon
Dès novembre 2011, le successeur d’Anne Lauvergeon à la tête d’Areva, feu Luc Oursel, tire la sonnette d’alarme: la situation financière du groupe est catastrophique. «Areva doit mener une gestion à la fois plus opérationnelle, plus industrielle et plus tournée vers le résultat», déclare-t-il alors. Chacun comprend que la gestion Lauvergeon pose problème, ce qui n’empêchera pas l’intéressée de conserver la confiance de la nouvelle majorité en 2012. Elle se voit même confier un rapport sur l’avenir de l’économie française! Une fois de plus, les amitiés technocratiques de François Hollande constituent une première explication du désastre de son quinquennat. On rappellera au passage que son DRH de l’époque est devenu président de l’AGIRC et accessoirement directeur général du cabinet de conseil de Raymond Soubie, Alixio, où l’essentiel de ses missions consiste à vendre de la prestation de restructuration d’entreprises…
En février 2015, Areva (détenue à 85% par l’Etat, rappelons-le) annonce finalement 5 milliards de pertes en 2014, soit plus que sa valeur boursière. Les mauvaises nouvelles s’accumulent pour ce groupe qui est au coeur du capitalisme français de connivence: l’EPR en Finlande patine, le Japon n’a toujours pas relancé la production d’électricité par le nucléaire, la gestion du groupe laisse des traces. Assez rapidement, il faut en tirer toutes les conséquences: des licenciements massifs s’annoncent. La rumeur se répand d’un plan à 5.000 ou 6.000 licenciements dans le groupe, dont 3 à 4.000 en France.
Le gouvernement mis en difficulté
Pour le gouvernement, le coup est terrible. Alors que le chômage continue son ascension qui semble sans limite malgré les refrains officiels sur “la reprise est là”, un plan social de plusieurs milliers de salariés dans une entreprise publique causerait de nombreux dégâts. Politiquement, la perspective est impossible à soutenir. Ségolène Royal n’a pas déclaré autre chose hier: aucun licenciement sec prévu.
D’un autre côté, il n’est guère possible de condamner définitivement l’entreprise faute d’arbitrage politique satisfaisant. Une décision stratégique doit forcément être prise. C’est précisément l’objet de la réunion qui doit avoir lieu ce mercredi matin à l’Elysée. Son objectif est de réorienter la filière nucléaire française.
Les particuliers paieront les choix du capitalisme de connivence
Une solution probable échaufaudée par le gouvernement consiste à faire intervenir EDF. Depuis plusieurs jours circulent l’hypothèse d’une reprise de la branche réacteurs nucléaires d’Areva par l’électricien français, pour une valeur de 2 milliards d’euros. Cette solution permettrait de laver le linge sale en famille: une fournisseur d’énergie détenu à 85% par l’Etat sauve un fabricant d’énergie lui-même détenu par l’Etat. Le capitalisme de connivence est à l’oeuvre dans toute sa splendeur, et permet d’éviter la casse sociale.
Bien entendu, cette solution a un petit revers: le prix que les particuliers paieront pour financer cet amortisseur social qui s’appelle EDF. Assez rapidement, il s’est murmuré que le PDG d’EDF, Jean-Bernard Levy, demandait une petite contrepartie à l’opération: une augmentation des tarifs. En l’espèce, EDF demanderait une augmentation de 2,5% par an pendant 3 ans, ce qui nous amène autour de 8% de plus sur la facture d’électricité: “comme EDF se montre bonne fille, elle espère que sa mère sera généreuse”.
L’Etat donnera-t-il son aval à cette solution? Dans tous les cas, il est très probable que le “zéro licenciement” en France pour Areva soit financé par tous les Français, conformément aux règles de notre capitalisme de connivence.