Le mouvement de grève contre le projet de réorganisation de Martin Hirsch risque-t-il de s’étendre à l’ensemble des hôpitaux français? Dans l’immense partie de bluff qui oppose les organisations syndicales de l’AP-HP et la direction générale, cette inconnue pèse lourd. Plusieurs syndicaux rêvent en effet de transformer la protestation parisienne en un vaste mouvement de lutte contre l’austérité et la baisse des dépenses publiques. Face à eux, Martin Hirsch tient bon malgré un soutien très fluctuant de Marisol Touraine.
A Paris, essoufflement du mouvement ou pas?
Très suivi à ses débuts, le mouvement fortement médiatisé des hôpitaux parisiens a rapidement fléchi. Fin mai, ils n’étaient plus que 25% à suivre la grève. Pour les personnels les plus concernés par la “saignée” sur les RTT, notamment ceux qui sont logés loin de Paris, cet essoufflement n’est pas bon signe. A l’usure, Martin Hirsch pourrait parvenir à diminuer le volume colossal de congés ouvert par la réforme des 35 heures.
Au sein des organisations syndicales, la situation est donc tendue. Martin Hirsch a contre-attaqué en présentant de nouvelles options limitant la perte de jours de repos et s’engageant à ne pas pratiquer de suppressions d’emplois. Cette question est au coeur du conflit: les syndicats craignent que les plans d’économie exigés par la baisse des déficits ne se traduisent par des suppressions d’emploi qui pèseraient sur les conditions de travail.
Cette mécanique de productivité n’inquiète pas seulement les syndicats parisiens. L’ensemble des hôpitaux français est agité depuis plusieurs mois par des conflits ponctuels sur la question de la charge de travail. Les Parisiens parient donc volontiers sur un effet de contagion nationale, et les syndicats de province regardent avec attention ce qui se passe à Paris.
Où en est le risque de contagion?
Pour l’instant, les directions des hôpitaux de province ont traversé le mouvement parisien avec l’agilité et l’angoisse chevillée au corps des antilopes qui se trouvent par hasard au milieu d’une meute de lionnes endormies. A Lyon par exemple, la direction des Hospices Civils multiplie les déclarations rassurantes en expliquant que tout va bien et qu’il n’existe aucun risque de contagion. Les apparences confirment volontiers ce sentiment de calme.
En sourdine, toutefois, les organisations syndicales s’agitent et aimeraient en découdre. Si aucune d’elle ne se plaint du système mis en place à Lyon pour les 35 heures (une partie est à 37h30 par semaine avec 15 RTT, tandis que l’autre est à 35h sans RTT, les cadres sont eux à 39h par semaine avec 20 RTT), la question des baisses de moyens et de la charge de travail reste un sujet épineux.
Sans surprise, Eric Miglioni, de Sud Santé Sociaux du Rhône, explique: ” Le quotidien depuis est de plus en plus difficile du fait de la suppression d’emplois (+ de 1000 aux HCL en quelques années et cela continue) de l’augmentation constante d’activité et de certaines réorganisations qui induisent une cadence de travail beaucoup plus élevée (ambulatoire, hôpital de jour, application du lean management par exemple). Les RTT sont donc une soupape pour les agents qui travaillent de plus en plus à flux tendu.” Les évolutions managériales, les politiques d’austérité, cristallisent volontiers les aigreurs et les frustrations.
Toutefois, sur le risque de contagion, il déclare: “C’est un mouvement emblématique avec un nombre massif de grévistes et de manifestants, inédit dans le secteur hospitalier depuis très longtemps. De plus, tous les syndicats sont dans la lutte. Ceci est aussi inédit. C’est clair que l’APHP sert de test national.” Pour l’instant, le test n’est pas conclu et les sections de province n’ont pas décidé d’emboîter le pas.
D’autres organisations syndicales rappellent toutefois que “les services de Paris ont des jours que ceux de Lyon n’ont pas”. De fait, le poids de l’AP-HP, ses petits privilèges accumulés au fil des années, ne facilitent pas forcément le sentiment de solidarité. Et c’est probablement la chance de Martin Hirsch…