Hier, à l’occasion du débat sur l’immigration qui s’est tenu à l’Assemblée Nationale, Agnès Buzyn, la ministre des Solidarités et de la Santé, a vivement défendu la légitimité et le fonctionnement de l’aide médicale d’Etat (AME).
Sans doute pressée en cela par le nouvel agenda présidentiel sur l’immigration, elle a toutefois annoncé des mesures destinées à lutter “contre les fraudes” à l’AME.
Agnès Buzyn en soutien à l’AME
S’exprimant au sujet de l’aide médicale d’Etat, ce dispositif de prise en charge publique des frais de santé des étrangers présents irrégulièrement sur le territoire national, Mme Buzyn a d’abord défendu son principe même. “En France, on ne laisse pas des personnes périr parce qu’il leur manque le bon tampon !” a-t-elle en effet déclaré – appréciant visiblement le recours à l’hyperbole.
Bien lancée, la ministre a poursuivi son plaidoyer en dénonçant les “fausses informations”, les “confusions”, les “malentendus” et les “caricatures” qui circuleraient au sujet de l’AME et qui contribueraient aux “discours de peur et de repli”. “Les frais de cure thermale, les actes de PMA et les médicaments à service médical rendu faible ne sont pas pris en charge par l’AME. Les frais pris en charge en grande partie par les complémentaires santé, tels que les frais dentaires ou optiques, ne sont pas pris en charge par l’AME. Par ailleurs, les soins à visée esthétique ne sont pas pris en charge par l’Assurance maladie, ils ne sont évidemment pas pris en charge par l’AME” a-t-elle ici affirmé. L’AME ne serait pas en situation de gabegie d’après l’exécutif.
“Un plan de lutte contre les fraudes”
Hélas pour Agnès Buzyn et pour tous les thuriféraires de l’AME, la routine de ce dispositif que certaines parties du monde entier font plus que nous envier se trouve actuellement chahutée. Le Président de la République a en effet décidé – très probablement d’ailleurs pour des raisons bien plus conjoncturelles que fondamentales – d’inscrire la politique d’immigration de la France à l’agenda politique et, dans ce cadre, “d’évaluer” l’AME. Il se demande notamment si ce dispositif ne contribuerait pas à rendre notre pays un peu “trop attractif” aux yeux de certains.
Dans cette configuration, la ministre a dû annoncer “un plan de lutte contre les fraudes” à l’aide médicale d’Etat. En premier lieu, les caisses d’assurance maladie vont pouvoir facilement vérifier si les utilisateurs de l’AME ne disposent pas d’un visa touristique pour la France. Ensuite, les demandes d’AME seront désormais regroupées dans trois caisses : Paris, Bobigny et Marseille, afin de “mieux les contrôler”. D’autres mesures, moins certaines, pourraient également être mises en œuvre d’une “délai de carence” – hors soins urgents – pour l’accès des demandeurs d’asile au dispositif ou encore celle de la demande d’accord préalable de l’assurance maladie à la prise en charge de “certains soins pouvant faire l’objet de fraudes ou de trafics”.
Un débat bien circonscrit
Prenant connaissance de ces quelques mesures plus ou moins certaines annoncées par Mme Buzyn, certains esprits chagrins en viendront à se demander où se trouve le “plan de lutte contre les fraudes” à l’AME initialement évoqué. Leurs interrogations pourraient être renforcées par le fait que le gouvernement aurait déjà exclu “toute solution reposant sur une participation financière des personnes admises à l’AME”. Tout sembler se passer comme si rien ne devait vraiment se passer. Bien circonscrit par la technostructure des affaires sociales, le débat sur l’AME n’a finalement pas permis d’aborder certaines questions de fond posées par ce système.
En particulier, il serait intéressant de comprendre comment, alors même que le panier de soins de l’AME est décrit comme limité par la ministre, chacun de ses utilisateurs en vient en moyenne à engendrer des dépenses de santé de l’ordre de 3300 euros par an. Autrement dit, chacun de ses utilisateurs engendre en moyenne des dépenses comparables à celles engendrées par chaque assuré social français – environ 3600 euros, ceci incluant 600 euros de dépenses d’indemnités journalières et de prises en charge de maladies de longue durée. Cette question du coût de l’AME – qui interpelle d’autant plus que seuls les assurés sociaux français financent le système de soins – ne semble pas, pour l’heure, digne de l’intérêt des belles âmes qui nous gouvernent.