C’est une menace nouvelle qui vient d’apparaître dans le paysage de la santé: une véritable campagne d’opinion a commencé pour promouvoir une absorption des complémentaires santé par le régime général de la sécurité sociale. Cette idée est développée par plusieurs sources et contamine jusqu’au programme de François Fillon. Pour l’ensemble de la profession, la menace mérite d’être prise très au sérieux…
La sécurité sociale intégrale de Mélenchon
Jean-Luc Mélenchon, dans son programme pour les présidentielles, n’y va pas par quatre chemins. Il propose l’absorption pure et simple des organismes complémentaires par le régime général.
« “Se responsabiliser” et “payer en fonction de ses propres risques”. Deux horreurs dans la même phrase », a lancé Jean-Luc Mélenchon prévenant que « quand vous en entendez un dire ‘’il faut se responsabiliser’’, comprenez bien que l’arnaque commence ! ». « Si on ne soigne pas ceux qui sont malades, ils rendent malades les autres. Donc il faut soigner tout le monde ! », a-t-il argué dénonçant également les positions du Front national qui veut exclure les étrangers non seulement de ces dispositifs mais aussi de l’école gratuite. Et de développer sur le sens d’une sécurité sociale fondée sur le principe « de chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins » : « Chacun est responsable de tous les autres. Comme nous le sommes dans la vie », a-t-il expliqué. A l’inverse, d’un François Fillon qui « veut faire passer dans les mains du privé » la « masse d’argent que recouvre la protection sociale (qui) est immense » ou de l’ancien ministre de l’Economie de François Hollande « soupçonné » de « nous enfumer sur la sécu » et de vouloir passer par les complémentaires pour assurer le remboursement à 100% qu’il propose et parvenir, de ce fait, à la même fin.
La sortie fumante de Martin Hirsch
Cette semaine, Martin Hirsch, conseiller d’Etat, et Didier Tabuteau, conseiller d’Etat, ont publié une tribune commune favorable à la disparition des complémentaires santé.
Dans une tribune parue dans l’édition de dimanche-lundi, cosignée avec Didier Tabuteau, responsable de la chaire Santé de Sciences-po et spécialiste de la protection sociale, M. Hirsch présente une réforme “à contre-courant de la pensée dominante” pour “améliorer la protection des Français et réduire les dépenses”: “étendre l’assurance maladie à l’ensemble des dépenses de santé, en incluant dans la sécurité sociale la couverture complémentaire”.
Cette déclaration de guerre est assez singulière de la part d’une ancien potentat de Nicolas Sarkozy, recasé par la gauche à la tête de l’Assistance Publique. On mesure une fois de plus l’influence du conseil d’Etat sur le destin de la protection sociale en France, toujours guidé par la doctrine du “jardin à la française”. Rappelons que la sécurité sociale est née d’un projet conçu par des conseillers d’Etat (Alexandre Parodi et Pierre Laroque).
François Fillon est-il devenu l’ennemi des libertés?
De son côté, François Fillon n’a pas encore défini son programme santé, mais il annonce une mise sous contrôle des complémentaires santé. L’opération est curieuse. Fillon était parti d’un programme relativement libéral et joue volontiers la carte de l’ouverture au marché. Au final, ses propositions risquent de se trouver très attiédies et se retourner contre le marché lui-même.
Une défaite culturelle des complémentaires santé?
Au final, c’est bien la capacité de la profession à imposer ses idées qui est en cause aujourd’hui. Les forces sociales favorables à une “socialisation” de la santé sont à l’oeuvre et la profession réagit aujourd’hui de façon très divisée à cette offensive, ne maîtrisant aucun des codes audibles par l’opinion pour imposer sa vision du monde.
On mesure le prix à payer pour cette faiblesse.
Une riposte à la bataille des désignations?
Difficile de ne pas considérer que cette offensive ne vise pas à faire basculer le pilier complémentaire vers un système de sécurité sociale qui préserverait l’existence des groupes de protection sociale en rendant possible les désignations. On voit bien la manoeuvre, qui risque de créer, à terme, un conflit majeur dans ce pays.