Activité partielle : où en est-on ?

Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat de salariés CFDT.

  • Entamée au lendemain de la rencontre des partenaires sociaux à l’Elysée, la concertation sur la situation de l’emploi se poursuivait jusqu’au 15 juin.
  • Les nouvelles règles de l’activité partielle classique et les contours du futur dispositif “ARME” focalisent le débat.
  • La CFDT refuse toute baisse de prise en charge pour les travailleurs.

Dernière ligne droite de la concertation express sur l’activité partielle. Entamées le 9 juin dernier par la ministre du Travail, les discussions portant sur la préservation de l’emploi se poursuivaient les 12 et 15 juin avec les organisations syndicales et patronales en vue, notamment, d’arrêter les contours d’un régime déjà plusieurs fois remanié depuis le début de la crise sanitaire. « Il est plus que temps de stabiliser ce dispositif, pour que chacun s’y retrouve et puisse avoir une vision la plus prospective possible des mois à venir », insiste Marylise Léon, secrétaire générale adjointe qui participe aux discussions pour la CFDT. Le 1er juin, le taux de l’allocation d’activité partielle “classique” versée aux employeurs a été ramené de 70 à 60% de la rémunération brute, dans la limite de 4,5 smic. Seuls les secteurs les plus touchés par les conséquences de la crise sanitaire (tourisme, restauration, transports aérien, événementiel…) voient leur prise en charge maintenue de même que les salariés – dont l’indemnité versée reste inchangée (70% de la rémunération brute, et 100% pour les salariés au Smic).  

« Folie douce » 

A peine en vigueur, ce taux pourrait-il de nouveau être modifié, au nom d’une nécessaire accélération de la reprise économique ? Poussé par les mauvaises prévisions économiques, le gouvernement y songe fortement. Après une comparaison hasardeuse avec le modèle allemand de chômage partiel (moins favorable que le système français tant pour les employeurs que pour les salariés) au début de la concertation, l’évocation d’une nouvelle augmentation du reste à charge des entreprises couplé d’une baisse du niveau d’indemnisation des salariés placés en chômage partiel a provoqué la fureur des organisations syndicales. « S’il est question de baisser la prise en charge pour les travailleurs dans les semaines et les mois qui viennent, c’est une folie ! a réagi Laurent Berger devant l’Association des journalistes de l’information sociale. Ce serait socialement extrêmement brutal, complètement contre-intuitif avec l’idée de la relance dont on parle ces temps-ci, les salaires étant un soutien important à la consommation. » Côté patronal, le Medef demande une stabilisation des nouvelles règles jusqu’en septembre et réclame au gouvernement des « chiffres fiables sur le chômage partiel avant toute révision du dispositif ». 

D’autant que les discussions en cours avec le ministère du Travail doivent également permettre de fixer les contours du nouveau dispositif d’activité partielle de longue durée. Baptisé “ARME”, pour Activité réduite pour le maintien dans l’emploi, il devrait être tributaire d’un accord majoritaire dans l’entreprise (ou d’un accord de branche) et conditionné à des engagements de maintien dans l’emploi, assure pour l’heure la rue de Grenelle. Cette condition est indispensable pour la CFDT « si l’on veut éviter que les entreprises bénéficient d’aides publiques et en même temps détruisent les emplois un peu trop facilement, résume Marylise Léon. En cela, l’assurance du zéro licenciement ne nous satisfait pas, car l’on sait qu’il y a beaucoup d’autres moyens de jouer sur la masse salariale. » Des engagements en matière de formation sont également attendus, comme une opportunité d’accélérer le processus de transition numérique et écologique qu’elle appelle de ses vœux. « Le gouvernement semble ouvert à une meilleure prise en charge du coût de formation dans le cadre du Fonds national de l’emploi (FNE), de l’ordre de 80% », poursuit la secrétaire générale adjointe. Que décidera in fine l’exécutif ? L’arbitrage final doit être présenté dans les tous prochains jours par Emmanuel Macron lors d’une nouvelle rencontre avec les partenaires sociaux. « D’ici là, on aimerait bien pouvoir discuter sans interférence ou sans apprendre telle ou telle chose dans les media ». Voilà qui est dit. 

Dialogue social et rôle de l’Etat : la vision croisée des partenaires sociaux 

Réunis dans un grand débat organisé par l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis), les leaders syndicaux et patronaux ont partagé leur vision du dialogue social. « Après beaucoup de dénigrement à l’encontre des syndicats, nous n’avons jamais autant parlé avec la ministre du Travail que ces trois derniers mois, affirme Philippe Martinez (CGT), regrettant que cela soit le plus souvent pour nous présenter des décisions très verticales ». Les récentes décisions prises par l’exécutif (chômage partiel individualisé, réduction des délais de consultation des CSE…) laissent à penser que « le gouvernement n’a pas changé de méthode, estime François Hommeril (CFE-CGC). Notre personnalité morale est prise en considération, mais ce qu’on a à dire, notre vision de la société, le monde de l’entreprise, le gouvernement s’en fout. » « Le dialogue social est plus vu comme un frein à la compétitivité, abonde Yves Veyrier (FO), regrettant qu’on fasse appel aux syndicats dans cette crise plutôt par dépit et par défaut. » Selon Cyril Chabanier (CFTC), « l’Etat a pris une sorte de leadership dans la période. Progressivement, il doit se retirer.» 

Côté patronal, Geoffroy Roux de Bézieux (Medef) appelle aussi à « revenir rapidement à un fonctionnement équilibré entre l’Etat et les entreprises, car nous ne pouvons pas rester encore longtemps avec une économie nationalisée ». Alain Griset (U2P) souhaite par ailleurs que le gouvernement clarifie sa position quant à la gestion des organismes et institutions paritaires. « On nous demande de gérer un certain nombre d’organismes mais les décisions sont souvent prises ailleurs ». Tout en partageant ce sentiment, la CFDT pointe la responsabilité des partenaires sociaux. « Pourquoi ne sommes-nous pas capables de dire ensemble ce que nous voulons sur l’assurance chômage ou l’emploi des jeunes ? C’est ce qui nous affaiblit aujourd’hui. En arrivant pas à le faire, nous laissons un boulevard aux décisions verticales du gouvernement. » 

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