Nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises l’accord sur les rémunérations signé la semaine dernière dans les transports routiers. Cet accord, que nous publions plus bas, a fait l’objet d’un commentaire plutôt savoureux de la part de Florence Berthelot, la déléguée générale de la fédération nationale des transports routiers (FNTR).
Accord et ordonnances
S’attaquant d’emblée au problème de la conformité de l’accord aux ordonnances, Mme Berthelot assume – à la Normande, certes – que la branche n’a pas vraiment tenu compte de l’esprit des ordonnances : “Il n’est pas question de sortir du champ des ordonnances mais pour autant, il n’y pas de crainte à voir des entreprises rayer d’un trait la compensation des dimanches, jour férié et du travail de nuit. C’est une question de bon sens.”
Traduction : les ordonnances, c’est bien beau tout ça, mais “pour autant”, étant donné qu’elles échappent pour partie au moins au “bon sens”, il ne faut pas hésiter à s’arranger un peu avec la loi et à faire sa petite tambouille dans son coin.
Haro sur le gouvernement
Comme on ne s’arrête pas en si bon chemin, la déléguée générale feint ensuite de s’étonner de l’attitude du gouvernement, qui a mis du temps à valider l’accord paritaire.
“Ce qui se passe après explique qu’il ait fallu plus de dix heures pour en sortir. Le Gouvernement a pu, durant quelques instants, laisser penser que malgré l’unanimité des partenaires sociaux, l’accord ne lui convenait pas. Curieux”. En d’autres termes : “durant quelques instants”, c’est-à-dire “plus de dix heures”, il est indéniable que le gouvernement a en effet bel et bien dû se demander si les partenaires sociaux des transports routiers n’étaient pas en train de le ridiculiser et de remettre en cause tout un pan des ordonnances.
Mme Berthelot peut dès lors s’offrir le luxe de critiquer la fâcheuse tendance de l’exécutif à vanter le dialogue social tout en rechignant à valider certains accords paritaires : “On ne peut pas nous demander une semaine avant de trouver une solution, dans le cadre du dialogue social pour la rejeter une fois qu’on l’a trouvée”.
Le corporatisme ? Connais (presque) pas !
Enfin, décidément bien lancée, Florence Berthelot en vient à quelques considérations sur la structuration des transports routiers et de leur dialogue social.
Dans un premier temps, elle le promet, le consensus paritaire est rare et celui qui a présidé à la signature de l’accord sur les rémunérations mérite donc d’être souligné : “c’est sous-estimer le fait que pour une fois, toutes les organisations étaient d’accord ! Ceux qui connaissent le secteur comprenne qu’on était dans une configuration quasi historique”. Ceux qui ont cru noter que la CCN des transports routiers fait partie des plus volumineuses ou que leur protection sociale compte parmi les plus organisées ont sans doute la berlue.
Le plat étant difficile à faire avaler, Mme Berthelot en convient dans un second temps, et s’en vante même : les transports routiers ont bel et bien un fonctionnement corporatiste. “Un conseiller [ministériel] relève en off : “décidément, il faut croire que le secteur des transports routiers n’est vraiment pas comme les autres”. Oui, c’est vrai. Sa principale caractéristique réside dans sa capacité à se manifester et à se faire entendre quand on vient lui chercher noise.” Forte de ce constat, la FNTR prévient : “A méditer pour l’avenir avant de prendre certaines décisions…”
Devant tant d’assurance patronale, on en viendrait presque à oublier que les routes françaises sont devenus le terrain de jeu des transporteurs à bas coût de l’Est de l’Europe…