Accord de méthode pour la restructuration conventionnelle de la métallurgie

Comme nos lecteurs le savent, la métallurgie est engagée depuis maintenant près de trois ans dans un processus de restructuration conventionnelle. Dans cet objectif, lundi dernier, les partenaires sociaux sont finalement parvenus à un accord de méthode. BI&T vous propose aujourd’hui d’en prendre connaissance. 

Vers un dispositif conventionnel de branche unique

L’UIMM n’est pas peu fière du résultat : “Nous nous félicitons de la signature de cet accord avec 4 organisations syndicales et peut-être 5.” La CFDT (27 %), la CFE-CGC (17,5 %), FO (16,5 %) et la CFTC (7,5 %) ont, en effet, déjà paraphé le texte et il n’est pas impossible qu’après une consultation interne, la CGT (31,5 %) les rejoigne. Pour la plus puissante des organisations patronales, cet accord permet d’esquisser “les contours du futur dispositif conventionnel de la branche, au service d’une vision stratégique pour l’industrie, de son attractivité et de sa compétitivité.” En ces temps de crispations sociales majeures, un accord, fût-il de méthode, est toujours bon à prendre, surtout lorsqu’il concerne un secteur d’activité qui regroupe pas moins de 1,5 million de salariés. 

Dès le préambule, l’UIMM et les syndicats de salariés réaffirment que leur objectif de convergence conventionnelle est une conséquence de l’unité de la branche. “Les partenaires sociaux rappellent que la métallurgie constitue une seule et même branche qui a un rôle primordial comme élément régulateur. C’est pourquoi le dispositif conventionnel de branche a vocation à traiter de l’ensemble des conditions d’emploi, de formation professionnelle et de travail des salariés, ainsi que de leurs garanties sociales.” Alors que le projet de loi Travail remet en cause la légitimité des négociations de branches, les négociateurs de la métallurgie prennent une position claire sur ce qu’est, d’après eux, la bonne hiérarchie des normes. 

L’architecture duale du futur dispositif

L’accord précise que le futur dispositif sera composé d’un “socle commun” et d’accords dits “autonomes”. Le premier sera “négocié au niveau national” et consistera en un “accord collectif qui définira un ensemble de principes généraux, de règles communes, stables et identiques pour toutes les entreprises de la branche”, “destiné à être repris dans son intégralité, paritairement, au niveau territorial”. Ceci implique que les commissions paritaires territoriales seront maintenues. Philippe Portier, secrétaire général de la CFDT métallurgie, le confirme : “Nous tenons à ces commissions territoriales. Elles sont notamment pertinentes pour évoquer les questions d’emploi et de formation”. 

A côté du socle commun, les accords autonomes regrouperont, “des règles susceptibles d’évolution rapide en raison d’enjeux sociaux, politiques et économiques”. Ils pourront s’appliquer à toute la branche ou seulement à une partie : un territoire, un métier, leur durée sera indéterminée ou déterminée et ils ne seront pas nécessairement soumis à l’extension. Certains seront même “expérimentaux”. La relative flexibilité offerte par ces accords autonomes correspond permet à l’UIMM de dire que les partenaires sociaux s’entendent pour faire du “dialogue social un levier de compétitivité économique et de performance sociale pour les entreprises”. Les syndicats de salariés l’auraient, certes, peut-être dit un peu différemment… 

Des thèmes de négociations très divers

Quoiqu’il en soit, ces accords couvriront certains domaines que les partenaires sociaux ont définis “à titre indicatif”. Certains relèvent plutôt, a priori, du socle commun : “philosophie, principes et architecture / gouvernance de la négociation collective de branche (dont dialogue social de branche, accueil éventuel de nouvelles “branches”, médiation et conciliation)”, “champ d’application professionnel de la branche”, “entrée en vigueur du dispositif conventionnel et droit transitoire applicable à l’issue du processus” et “classification”. Au sujet des classifications, Philippe Portier précise que le socle commun pourrait n’intégrer qu’une trame générale, amenée à être précisée, selon les professions et les territoires, dans des accords autonomes. 

D’autres thèmes de discussions semblent plutôt renvoyer à des accords autonomes : “organisation du travail / temps de travail y inclus déplacements”, “santé au travail / conditions de travail / qualité de vie au travail”, “relation individuelle de travail (vie du contrat de travail)”, “emploi / formation professionnelle”, “protection sociale (y compris prévoyance)”, “éléments de rémunération (y compris épargne salariale)” et “dialogue social en entreprise”. Les acteurs et observateurs de la vie paritaire française noteront donc avec intérêt que des réagencements importants devraient avoir lieu concernant le processus de définition des politiques de rémunération, de formation professionnelle et de protection sociale de la métallurgie. 

Les moyens des négociations critiqués

Pour les représentants des employeurs et ceux des salariés, une telle feuille de route implique un lourd travail paritaire. Ils se donnent d’ailleurs jusqu’au 31 décembre 2017 afin d’aboutir à un accord, tout en soulignant que cette date limite est donnée “à titre indicatif”. Ils ont prévu un rythme de travail soutenu : ils se réuniront, au siège de l’UIMM, “une demi-journée toutes les deux semaines”. Dans six mois, un premier bilan de l’état d’avancement des discussions sera effectué. Enfin, pour permettre aux organisations syndicales de participer correctement aux discussions et de faire le lien avec leurs structures territoriales, l’UIMM a prévu de mettre à leur disposition une “allocation annuelle spécifique” de 20000 euros, “versée sur justificatifs”. 

C’est d’ailleurs au sujet de cette allocation que les discussions ont été les plus vives. Les syndicats de salariés ont déploré la faiblesse des moyens financiers qui leur sont alloués. Ainsi, pour FO Métaux, “au regard des moyens d’autres branches moins importantes en termes d’effectifs […] l’UIMM n’apporte pas les moyens à la hauteur d’une branche comme celle de la Métallurgie.” Le secrétaire général de la CFDT précise : “Nous sommes financés par les cotisations de nos adhérents. Il est difficile de se reposer uniquement sur cette source de financement dans le cadre d’un tel chantier de négociation”. Lot de consolation pour les syndicats : l’enveloppe de 20000 euros sera réévaluée, si nécessaire, lors du premier bilan d’étape. 

Les zones d’ombre de l’accord

S’il permet de concevoir à quoi devrait ressembler le futur dispositif conventionnel de la métallurgie, l’accord de méthode n’en comporte pas moins certaines zones d’ombre. Ainsi, les partenaires sociaux “se réservent” de nombreuses “possibilités”, tel ou tel élément n’étant “pas figé”, et leur propos est ponctué de “à titre indicatif”. Tout ceci est, après tout, normal dans le cas d’un accord de méthode. 

En revanche, il est plus intéressant de souligner que l’objectif final de la négociation demeure indécis. Les partenaires sociaux s’orienteront-ils, comme le souhaitent les syndicats de salariés, vers une CCN unique, ou conserveront-ils le vocable assez flou de “dispositif conventionnel” ? De manière explicite, l’accord ne tranche pas cette question. Précisant l’architecture d’ensemble du futur accord, il affirme que “cette architecture ne préjuge en rien de l’agencement final du futur dispositif conventionnel (nombre de conventions collectives, périmètre…).” C’est dans ce flou artistique que le premier secteur d’activité de France lance sa restructuration conventionnelle. 

 

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