A la Défense, les turqueries de Vinci passent (très) mal chez les façadiers français

L’édification de la tour Saint-Gobain, à la Défense, donne lieu à une violente passe d’armes entre Vinci, en charge de la construction de l’ensemble, et le syndicat national de la construction des fenêtres, façades et activités associées (SNFA). Très près de son portefeuille, le géant français du BTP a en effet fait le choix d’une entreprise turque pour la réalisation des façades vitrées. 

Des Turcs pour Colbert !

Pour les quelque 25000 m² de façades de la tour Saint-Gobain, qui comprendra 39 étages et mesurera près de 180 mètres de haut, Vinci a donc préféré une entreprise turque, Metal Yapi, à l’une des nombreuses entreprises françaises du secteur. Tout un symbole, dans le cas de l’entreprise Saint-Gobain, fondée par Colbert et, par ailleurs, pas tout à fait inconnue dans le domaine du verre… Tout un symbole également, dans le cas de Vinci, dont de nombreuses activités sont sous perfusion de subventions publiques. Metal Yapi peut remercier les contribuables français. La France, quant à elle, sait décidément bien se tirer des balles dans le pied ! Et enfin, le pauvre Colbert n’a plus qu’à gesticuler dans sa tombe. 

Pour le SNFA, très remonté contre l’éviction des entreprises françaises, seul l’argument du prix peut expliquer l’attitude de Vinci. La chambre patronale rappelle en effet que, dans le secteur du BTP, Metal Yapi jouit déjà d’une solide réputation. Non pas tant du fait de l’ampleur de son implantation en France, où elle ne dispose que d’un établissement “de moins de 5 personnes qui n’est même pas affilié à la convention collective du bâtiment”, mais plutôt parce qu’elle avait défrayé la chronique au moment de la construction du bâtiment du journal Le Monde. Alors sous-traitante de Bouygues, elle avait fait la Une de l’actualité (voir par exemple ici) pour les “conditions déplorables de travail et d’hébergement” qu’elle proposait à ses salariés. 

Une pratique risquée mais courante

Au-delà du cas, emblématique, de la tour Saint-Gobain, le SNFA rappelle que les affaires de ce type ont la fâcheuse tendance à se multiplier ces dernières années. Non sans risques. Ainsi, les façades des deux dernières tours construites à la Défense ont fait la part belle à des sous-traitants étrangers. Pour la tour Carpe Diem, c’est le Chinois Yuanda qui avait été sélectionné. Le SNFA ironise : la façade “a fait la fortune des loueurs de nacelles en tartinant la tour de mastic pour colmater les fuites pendant des mois !”. Concernat la tour D2, Kyotec, qui faisait fabriquer son matériel en Turquie, “a subitement disparu pour dépôt de bilan avant la fin du chantier”. Autant dire que, dans ces conditions, les certifications techniques et environnementales ne sont pas une priorité. 

Plus généralement, le SNFA s’inquiète vivement pour l’avenir de la filière française intégrée des façades. Alors que de nombreux donneurs d’ordre du BTP en viennent à acheter leurs éléments vitrés directement à l’étranger et à faire appel, séparément, à des poseurs, le SNFA rappelle que “le concept même de l’entreprise spécialisée capable de concevoir, fournir et installer” les façades est “remis en cause”. Au total, c’est bien évidemment la qualité des travaux effectués mais également le niveau de l’emploi sur le sol français qui pâtissent de cette évolution. En réalité, dans ce domaine comme dans d’autres, force est de constater que le pari du “low cost” n’est pas du tout le bon pour l’avenir de la France. 

 

 

Ajouter aux articles favoris
Please login to bookmark Close
0 Shares:
Vous pourriez aussi aimer
CTIP
Lire plus

Au CTIP, la succession de Marie-Laure Dreyfuss se précise

Il y a quelques mois, nous évoquions le fait que Marie-Laure Dreyfuss, la déléguée générale du centre technique des institutions de prévoyance (CTIP), était sur le départ. Sa succession à la délégation générale de l'organisme paritaire se précise. D'après des sources concordantes, c'est Quentin Bériot, aujourd'hui à la tête de la mutuelle Unéo, et ancien de Covéa, de l'Ipsec et d'Apicil, qui devrait devenir...

CNNCEFP : une nouvelle nomination à la sous-commission de la protection sociale complémentaire

Un arrêté du 8 septembre 2025, publié au Journal officiel du 10 septembre, acte la nomination d’un nouveau membre au sein de la sous-commission de la protection sociale complémentaire de la commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) Florian Dutreuil est nommé membre suppléant de cette sous-commission, en qualité de représentant des employeurs. Sa désignation intervient sur proposition de la...

La représentativité en passe d’être révisée chez les ostéopathes et chiropracteurs

Un avis tout juste paru au Journal officiel annonce l'ouverture d'une nouvelle enquête de représentativité pour les professions d'ostéopathe et de chiropracteur. Les organisations professionnelles concernées qui veulent être représentatives ont 6 semaines, à partir du 10 septembre 2025, pour envoyer tous les éléments nécessaires à la détermination (ou non) de leur reconnaissance parmi les organisations représentatives. L'avis détaille tous les éléments à...
comptes
Lire plus

Représentativité 2025 : ces 8 nouveaux équilibres paritaires à connaître

L'année 2025 est une année charnière pour le dialogue social en France. Conformément au cycle légal de 4 ans, les arrêtés fixant la liste et le poids des organisations syndicales et patronales reconnues représentatives au sein des conventions collectives nationales (CCN) sont diffusés au Journal officiel (JO). Ces arrêtés continuent de paraître progressivement après une ...