A Castres, la loi oblige les pharmacies à rester fermées le lundi !

Colère et frustration à Castres. Des pharmaciens nouvellement installés avaient osé travailler le lundi. Leurs seize concurrents déjà présents ont porté plainte pour concurrence déloyale tout en présentant un arrêté préfectoral vieux de 45 ans. Ils ont obtenu gains de cause.  

are aux castrais qui auraient besoin de médicaments le lundi. La ville qui comptait 16 officines a vu s’installer une dix-septième pharmacie. Ouverte les lundis, cette dernière a vu tous ses concurrents porter plainte pour concurrence déloyale. Se basant sur un arrêté de 1973 qui ordonne expressément de fermer les portes des pharmacies castraises les lundis, elles ont obtenu gain de cause devant le tribunal de grande instance. 

Un arrêté vieux de 45 ans

C’est une spécificité bien castraise. Un arrêté préfectoral qui n’existe nullement ailleurs en France. Depuis 1973, les pharmacies de la commune ont obligation de fermer leur portes tous les lundis. Et nul ne saurait ignorer la loi.  

L’avocat des 16 pharmaciens a d’ailleurs rappelé que cette décision visait à « interdire l’inégalité concurrentielle entre ceux qui ont des salariés et ceux qui n’en ont pas et pour garantir le repos des employés. » Un particularisme local qui a surpris Guillaume Dautezac de l’officine Lafayette : « L’accord local est mieux-disant à Castres que la convention collective. Il donne droit à 2 jours de congé consécutifs pour les salariés, contre 1,5 jour ailleurs en France. En revanche, je ne sais pas pourquoi le lundi est mentionné dans l’arrêté… » 

Le conseil régional de l’Ordre des Médecins a lui aussi été embarrassé par les plaintes des officines. Il avait alors demande l’organisation d’une réunion de conciliation pour trouver une solution. Mais cette dernière n’avait pas abouti.  

Tout le monde rentre dans le rang, la patientèle se sent lésée

Pour l’avocat de La Grande Pharmacie mise en cause, l’arrêté est obsolète. « On n’est pourtant pas dans une concurrence déloyale puisque personne n’empêche les autres pharmacies d’ouvrir le lundi et au niveau du code du travail les salariés bénéficient déjà du repos hebdomadaire obligatoire le dimanche. » Seulement, il ne semblerait pas que le juge ait statué sur le bien-fondé de l’arrêté mais qu’il ait veillé à son application. 

Christine Monino-Clot, patronne de La Grande Pharmacie, a fait part de sa colère bien qu’elle se pliera à la décision de justice. « Ce n’est pas normal que dans notre pays on empêche quelqu’un de travailler le lundi qui est un jour normal où les enfants vont à l’école, où les administrations sont ouvertes et où tout le monde travaille. »  

En attendant, ce sont les clients qui trinquent car ils sont obligés de faire plusieurs kilomètres pour trouver une officine ouverte le lundi. Une pétition pour le maintien de l’exception avait d’ailleurs reçu 1 200 signatures mais la juridiction n’en a pas tenu compte. 

Une vision passéiste qui fait du mal aux pharmacies castraises

Si le juge n’a pas pris le risque de statuer sur le bien-fondé de l’arrêté, on peut tout de même soulever quelques points intéressants. A vouloir à tous prix protéger leur bout de gras, les pharmaciens font courir un risque important à leur profession. Qui plus est, pourquoi les seize autres officines ne se sont pas organisées pour ouvrir le lundi, comme il est d’usage partout en France ? 

Jérôme Escogido, fondateur de Médiprix, la société qui possédait l’officine mise en cause ne comprend pas. 

« On n’est pas en train de parler de l’ouverture le dimanche, mais du lundi ! Partout en France, les pharmacies ouvrent le lundi. Dans tous les villages autour de Castres, les pharmacies sont d’ailleurs ouvertes le lundi. Mais à Castres, dans une ville de 50 000 habitants, on ne pourrait pas ? On ne l’a pas fait dans leur dos. On leur a dit que cela serait ouvert le lundi. Ils avaient le temps de s’organiser pour eux aussi ouvrir le lundi s’ils le voulaient plutôt que de porter plainte aujourd’hui. C’est la vision que l’on a dans notre enseigne qui réunit de jeunes pharmaciens dynamiques qui veulent vivre avec leur temps et offrir une qualité de service. On n’est pas là pour détruire le marché. Au contraire. On veut pérenniser notre métier face à la menace de la grande distribution. Si on n’offre pas une qualité de service à nos clients, ils auront le droit de nous le reprocher. Et cela ouvrira la porte à la grande distribution. » 

 

Au final, cette décision risque de faire plus de mal que de bien aux pharmacies castraises qui laissent la porte ouverte à la grande distribution. A Albi, la même situation s’est récemment présentée. Seulement, ces sont les officines déjà présentes et fermées les lundis qui se sont adaptées en ouvrant aussi leur portes en début de semaine. 

A Castres, cette décision controversée fait deux heureux : les syndicats qui ont signés l’arrêté préfectoral de 1973 et les salariés qui bénéficient de deux jours consécutifs de repos. Au grand damne des usages… 

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