Les OCAM se portent mieux (ils peuvent donc bien être taxés)

OCAM

Au lendemain de l’adoption définitive du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) vient de publier son rapport annuel sur la situation financière des organismes complémentaires d’assurance maladie (OCAM).

Affaires Sociales, PLFSS

Les organismes complémentaires d’assurance maladie (OCAM) y étant décrits comme ayant connu un exercice 2024 nettement meilleur que le précédent, le lecteur du rapport paraît invité à en conclure que les pouvoirs publics ont bien fait de les mettre à contribution dans le cadre du PLFSS 2026.

Un marché à plus de 46 milliards d’euros

Le rapport de la DREES objective en premier lieu le fort dynamisme du marché des complémentaires santé. En 2024, son chiffre d’affaires a en effet fortement progressé, de 8,2 %, s’élevant à 46,5 milliards d’euros HT. « En 2024, les organismes complémentaires ont collecté 46,5 milliards d’euros d’après les données de l’ACPR, hors taxe, soit 3,5 milliards d’euros de plus qu’en 2023. Elles accélèrent nettement en 2024 : +8,2 % après +6,0 % » rapporte la DREES, qui commente : « Cette hausse des cotisations collectées est la plus forte enregistrée depuis 2012, première année pour laquelle ces données sont disponibles ». Relevons que la hausse constatée en 2023 avait déjà été la plus importante depuis 2012 : elle est donc désormais reléguée à la deuxième place du podium.

Le dynamique des sociétés d’assurances

Dans le détail, ce sont les sociétés d’assurance qui ont le plus profité de la croissance du marché des complémentaires santé, avec une hausse considérable, de près de 16 %, des cotisations qu’elles ont perçues. Les institutions de prévoyance et les mutuelles ont connu un rythme de croissance plus modéré, respectivement à 4,1 % et 3,5 %. La DREES revient sur ces évolutions très contrastées : « La très forte progression des cotisations collectées par les entreprises d’assurance, au plus haut depuis 2012, s’explique en partie par un transfert de portefeuille de la mutuelle La Mutuelle Générale vers l’entreprise d’assurance LMG Assurances. Sans ce transfert de portefeuille, les cotisations collectées par les entreprises d’assurance auraient augmenté de +12,3 % en 2024 et celles collectées par les mutuelles de +6,4 % ».

La dynamique bénéficiant aux sociétés d’assurances les conduit à progresser encore en termes de parts de marché et, par conséquent, à se rapprocher des mutuelles. Alors qu’en 2023, les mutuelles avaient levé 46 % des cotisations santé collectées, contre 37 % pour les assureurs et 17 % pour les IP, en 2024, les mutuelles ont reculé de 2 points, à 44 % des cotisations, tandis que les sociétés d’assurances ont progressé de 2 points, à 39 %, les institutions de prévoyance demeurant stables.

Des prestations à l’évolution plus modérée

Pour la première fois depuis plusieurs années – hors exercice 2020, atypique – les prestations versées par les OCAM ont connu en 2024 une évolution plus modérée que les cotisations qu’ils ont perçues. « En 2024, les prestations servies aux assurés se sont élevées à 36,8 milliards d’euros. Elles ont augmenté de 5,4 % (+1,9 milliard d’euros) » note en effet la DREES. Elle constate d’ailleurs que cette évolution a été plus limitée que celle observée en 2023, quand elle avait atteint 6,4 %. En lien avec les progressions différenciées des cotisations récoltées par les trois familles d’assureurs, la DREES rapporte que les prestations versées ont elles aussi évolué très différemment selon les cas. « L’évolution des prestations en 2024 varie nettement entre type d’organismes : les prestations versées par les mutuelles reculent légèrement (-0,4 %), tandis qu’elles augmentent pour les institutions de prévoyance (+1,3 %) et surtout les entreprises d’assurance (+15,2 %) » lit-on dans le rapport.

Un retour sur cotisations en fort recul

Les cotisations collectées par les OCAM n’ont pas uniquement financé des prestations aux assurés, mais également des frais de gestion. Leur niveau permet de définir le taux de retour sur cotisations, en retranchant ces frais du niveau des cotisations perçues. La DREES constate que le taux de retour sur cotisations observé dans le cas des OCAM « a reculé en 2024 ». De fait, alors qu’il s’était établi à 81 % en 2023, il a diminué à 79 % en 2024. Il s’est ainsi rapproché de son « point le plus bas sur la période étudiée dans ce rapport », soit 78 %, atteint en 2020. « Du fait du fort rattrapage des prestations en 2021 puis 2022, ce retour sur cotisations était remonté à 81 % en 2022 et 2023 ; en 2024, il a nettement reculé à 79 % » résume la DREES. Cette évolution concerne les trois familles d’assureurs – même si les IP, qui diffusent surtout des contrats collectifs, se distinguent par un taux de retour sur cotisation structurellement nettement supérieur aux autres, de 87 % en l’occurrence.

Les OCAM de retour dans le vert

Malgré cette hausse de leurs frais de gestion, les OCAM ont tiré profit, en 2024, de la hausse plus élevée de leurs cotisations que de leurs prestations, revenant clairement dans le vert. « En 2024, le résultat technique en santé s’est redressé et est redevenu globalement positif : il s’est établi à 1,6 % des cotisations collectées hors taxe, après avoir été négatif en 2023 (-0,4 %) [et après avoir été quasiment nul en 2021 et 2022 ». Il retrouve même, observe la DREES, des niveaux supérieurs à ceux qui étaient le sien à la fin de la décennie 2010. Concrètement, ce taux de 1,6 % des cotisations collectées hors taxe signifie que les OCAM ont réalisé un résultat technique d’environ 750 millions d’euros en 2024. Seules les IP ont continué de connaitre un résultat technique santé négatif, de plus de 100 millions d’euros, soit 1,3 % de leurs cotisations.

Les résultats globalement positifs des OCAM sont venus abonder leurs bilans plus globaux d’activité. « Au total, les organismes du secteur de l’assurance santé ont dégagé des excédents en 2024 sur l’ensemble de leur activité (en moyenne 3,4 % de l’ensemble des cotisations collectées) » indique en l’occurrence la DREES, qui renseigne un résultat net global de près de 8 de milliards d’euros, en hausse de quelque 800 millions par rapport à 2023. De manière plus structurelle encore, les OCAM présentent des comptes sains. « Le niveau de solvabilité moyen des organismes complémentaires actifs en santé demeure sensiblement supérieur aux exigences réglementaires » affirme la DREES, qui détaille : « La grande majorité des organismes couvrent à plus de 200 % le SCR. Les entreprises d’assurance se distinguent par une plus forte proportion d’organismes couvrant entre 100 % et 200 % le SCR. Enfin, aucun organisme ne couvrait insuffisamment le SCR en 2024 (ratio inférieur à 100 %) ».

Des chiffres qui tombent à point nommé

Cotisations en grande forme, meilleure encore que les prestations, frais de gestion en hausse, bons résultats comptables : les OCAM semblent décidemment avoir connu une année 2024 fastueuse. Et, selon toute hypothèse, aidé par des cotisations sensiblement rehaussées fin 2024, le secteur devrait réaliser également une belle performance en 2025. Se souvenant du fait que les complémentaires santé viennent d’être mises « exceptionnellement » à contribution à hauteur d’un milliard d’euros par le PLFSS 2026, le lecteur du présent rapport de la DREES est probablement censé, à la découverte de ces indicateurs caractérisant la bonne santé du secteur, en venir à considérer qu’après tout, cette taxation n’est pas complètement illégitime.

On rappellera, certes, deux éléments qui paraissent devoir l’être. D’une part, à la différence de la Sécurité sociale, les OCAM ne peuvent s’offrir le luxe du déficit chronique et de l’endettement massif. Après des exercice 2021 et 2022 difficiles et un exercice 2023 déficitaire, un sursaut du secteur était nécessaire. D’autre part, s’il est indiscutable que les cotisations engrangées par les OCAM progressent à un rythme soutenu ces dernières années, encore faut-il préciser que ceci résulte notamment de modalités de conduite de l’action publique : difficultés à réformer le financement des soins, annonces plus ou moins hasardeuses ou à l’inverse bien calculées – sur les transferts de charges finalement annulés – transferts de charges arbitraires ou encore taxations « exceptionnelles » destinées à renflouer une Sécurité sociale très mal en point.

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