Le centre technique des institutions de prévoyance (CTIP) dresse le bilan d’une année 2024 qui a été compliquée pour tous les acteurs de la protection sociale complémentaire. Mais contrairement aux propos tenus lors de la conférence de presse du 1er juillet dernier, le contenu du document est bien plus posé. On y retrouve les grands résultats déjà détaillés la semaine dernière ainsi que des visions plus concrètes et stratégiques de l’organisation pour l’avenir.

Le rapport annuel du CTIP (reproduit en fin d’article) n’en oublie pas pour autant de dénoncer les errements du gouvernement qui pénalisent, encore aujourd’hui, les institutions de prévoyance (IP). Alain Gautron et Jacques Creyssel (respectivement vice-président et président du CTIP) ne mâchent pas leurs mots à l’égard des hommes politiques qui imposent des décisions sans concertation, dans la précipitation et sans aucun horizon clair. Ils réclament d’ailleurs un retour du Comité de dialogue avec les organismes complémentaires (Cdoc) sous une forme qui permettrait le dialogue et la concertation (ce qui n’est pas le cas aujourd’hui).
Le document prend également le temps de faire le point sur l’importance du paritarisme et des conventions collectives en faveur de l’innovation sociale. La signature de l’accord national interprofessionnel (ANI) consacré à la gouvernance des groupes de protection sociales (GPS) en 2025 est évidemment rappelée comme une avancée significative dans la reconnaissance du rôle du paritairement et du CTIP. La conclusion d’accords révisant ou créant des mesures sociales dans les conventions collectives nationales (CCN) est également mise en avant pour marquer l’importance du paritarisme dans le quotidien des travailleurs.
L’année 2024 n’a pas permis aux IP de relâcher la pression malgré des baisses de dépenses
Les grands chiffres clefs de l’activité des IP en 2024 montrent que les dépenses liées aux prestations versées aux assurés ont globalement diminué de 0,7% entre 2023 et 2024 pour atterrir à 13,9 Md€. Cette baisse des prestations versées est à mettre en miroir avec les cotisations récoltées qui augmentent sur le même temps à 16,7 Md€ (+2,3% sur un an).
Cependant toutes les activités des organismes adhérents du CTIP ne sont pas logées à la même enseigne. Si les dépenses baissent en prévoyance (-1,1% à 5,8 Md€) et en retraite supplémentaire (-9,1% à 1,2 Md€), elles augmentent ailleurs. En effet, l’activité santé affiche une hausse des prestations de 1,3% pour arriver au total de 6,8 Md€. Tandis qu’en prévoyance, si les prestations d’arrêt de travail et de dépendance diminuent de 1,8%, elles augmentent de 0,3% s’agissant du décès.

Le résultat positif de l’activité “arrêts de travail et dépendance” n’empêche pas, pour autant, le CTIP de s’inquiéter de la hausse des sinistres et à la hausse du coût des indemnités journalières (IJ). Cette conjoncture est liée au vieillissement de la population active, à l’augmentation du coût de la vie (conduisant à la hausse des salaires et des IJ) ainsi qu’à la hausse du taux d’emploi (de 66,1% en 2019 à 68,4% en 2023). En outre, ce qui inquiète surtout le CTIP c’est la baisse des indemnités journalières versées par l’assurance maladie. Cela conduit, selon l’organisation, à transférer 800 M€ vers les salariés, les entreprises et in fine leur assureur. Les IP auraient ainsi plus 300 M€ qui reviendraient à leur charge chaque année du fait de cette mesure (selon le communiqué publié la semaine dernière par le CTIP).
Le CTIP dénonce le retard pris dans l’amélioration de la lutte contre la fraude
La question de la lutte contre la fraude aux prestations sociales est un élément central du rapport annuel du fait du rendez-vous manqué du PLFSS 2025. Le document rappelle que 628 M€ de fraudes ont été détectés en 2024 par l’assurance maladie, c’est 35% de plus qu’en 2023. Et le CTIP de mettre en avant l’échec de l’adoption d’une mesure pour favoriser la coopération entre assurance maladie obligatoire (AMO) et assurance maladie complémentaire (AMC) dans le dernier PLFSS. La mesure avait été écartée par le Conseil constitutionnel car trop peu significative pour figurer dans cette loi.
On peut regretter que le CTIP oublie de mentionner la récente proposition de loi qui vise justement à prendre le relai. Quelques lignes auraient pu figurer dans le rapport pour indiquer que le partage d’informations entre AMO et AMC pour lutter contre la fraude n’est pas tombé dans l’oubli et qu’il revient sous les traits de son propre texte de loi.
Le CTIP loue les actions vertueuses de ses adhérents
Pour répondre aux pistes du gouvernement pour taxer à nouveau les Ocam, le CTIP rétorque que les IP sont les organismes qui proposent le meilleur taux de redistribution du marché. En santé ce taux s’élève à 87% notamment grâce au fait que les acteurs paritaires sont les Ocam dont les frais de gestion sont les plus faibles en santé.
Le rapport met également en lumière les nombreuses mesures de solidarité et de prévention mises en place par les grands organismes qui adhèrent au CTIP. On retrouve ainsi une solution de Carcept Prévoyance pour accompagner les salariés du transport (IDCC 16) atteints de douleurs articulaires chroniques. On trouve aussi un parcours numérique créé par AG2R pour l’ensemble des salariés dont l’objectif est d’améliorer le bien-être au travail des salariés. Toutefois toutes les mesures mises en avant, si elles sont bienvenues, ne s’accompagnent pas encore de données chiffrées pour connaître leur véritable impact.