Si le Premier ministre Michel Barnier n’a pas encore formé son gouvernement, les dossiers sensibles s’accumulent sur son bureau dans plusieurs domaines – dont celui des retraites.
Ces derniers jours, plusieurs initiatives et déclarations publiques ont contribué à la réouverture progressive du débat sur les retraites.
Des marges budgétaires très réduites
En début de semaine, Michel Barnier s’est exprimé au sujet des retraites. Ne jugeant pas opportun de revenir sur la dernière réforme des retraites, il a toutefois estimé qu’il était envisageable d’opérer “une amélioration” de la réforme “pour les personnes les plus fragiles”. Il a, certes, rajouté que ceci supposerait de respecter “le cadre budgétaire”. Bien qu’il n’ait pas précisé à quel cadre budgétaire il faisait référence, il est tentant de conclure, étant donné la situation de la France en la matière, qu’il ne s’agit pas d’un cadre très expansif. On relèvera d’ailleurs qu’en Italie, pays lui aussi concerné par un exercice budgétaire contraint, ce n’est pas d’aménagement de la retraite à 67 ans dont il serait actuellement question, mais d’un nouveau recul, à 70 ans, de l’âge de la retraite.
Un équilibre politique instable
Mais, et quoi qu’en dise un Edouard Philippe qui, sur le fond, semble d’accord, avec les propositions du ministre italien de l’Economie, la situation française n’est pas tout à fait la même que la situation italienne. Politiquement, et ceci n’a pas échappé à grand monde ces derniers jours, l’hypothèse fondamentale du gouvernement Barnier est celle d’une neutralité plus ou moins bienveillante de la part du groupe parlementaire du Rassemblement National. Or, de toute évidence, ce dernier n’a pas vraiment renoncé à sa promesse électorale d’une abrogation de la réforme de 2023. Il entend, bien au contraire, tirer profit de sa première “niche parlementaire”, prévue pour toute fin octobre, afin de proposer un texte allant dans ce sens. s’il est probable que la démarche du RN va gêner aux entournures du côté du Nouveau Front Populaire (NFP), c’est toutefois plus encore du côté de Matignon, qui va décidément devoir manœuvrer très serré sur le thème des retraites, qu’elle va troubler les esprits.
Un partenariat social introuvable
Dans l’objectif de contourner cette difficulté politique majeure, le Premier ministre paraît miser sur une mobilisation des partenaires sociaux. Il l’a dit : c’est avec eux qu’il entend construire les lois sociales à venir et, notamment, l’amélioration de la dernière réforme des retraites. Un accord entre Matignon et les partenaires sociaux sur une telle amélioration – et non sur une abrogation du texte – pourrait, il est vrai, remettre en cause la légitimité de les démarches du RN et du NFP. Hélas pour Michel Barnier, pour l’heure, on peine à entrevoir l’espace d’une concertation entre l’Etat et les partenaires sociaux sur l’aménagement de la réforme de 2023. D’une part parce que le MEDEF a fait savoir qu’il jugeait que cette réforme était “indispensable et même un peu sous-dimensionnée”. D’autre parce que les syndicats la refusent toujours, à l’instar de la CFDT, qui l’a encore récemment qualifiée de réforme “profondément injuste” et a appelé à la remettre en cause.
Le débat public à venir sur les retraites promet, autrement dit, d’être rugueux – et potentiellement explosif pour l’exécutif.