Alors que l’entrée en vigueur de la réforme de la couverture de complémentaire santé des travailleurs handicapés des établissements et services d’aide par le travail (ESAT) est prévue pour avoir lieu en juillet prochain, la question se pose de savoir si cette catégorie très particulière de travailleurs va pouvoir s’appuyer sur un régime conventionnel, de branche, de frais de santé.
Plus précisément, dans la mesure où la grande majorité des ESAT relève de la CCN des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées, ou CCN 66, il s’agit de se demander si ses négociateurs patronaux et salariaux vont s’emparer du thème de la couverture frais de santé des travailleurs handicapés.
Un thème pas inscrit à l’agenda paritaire de la CCN 66…
Au premier abord, on ne peut déjà que constater que ce thème n’a pas été évoqué, ces derniers mois, par les partenaires sociaux de la CCN 66. De fait, s’ils ont quelque peu discuté de protection sociale complémentaire, comme nous en avons d’ailleurs régulièrement fait état dans nos colonnes, c’est de celle des salariés couverts par la CCN 66 dont il a été question, et non pas de celle des travailleurs handicapés. Parallèlement à cela, ils ont échangé au sujet de l’enjeu des salaires – ceci donnant lieu à de nombreux éclats de voix, les syndicats déplorant, en cette période d’inflation relativement élevée, la faiblesse des hausses concédées aux salariés – mais également au sujet de celui des perspectives conventionnelles du secteur et, enfin, du statut des assistants familiaux, qui constituent une partie des effectifs de la branche. Ces enjeux ont mobilisé la quasi-totalité des énergies paritaires ces derniers temps dans la CCN 66.
… et qui ne devrait pas l’être
Bien que les représentants patronaux et salariaux des ESAT ne se fussent pas déjà saisis de l’enjeu des frais de santé des travailleurs handicapés avant l’entrée en vigueur de la réforme. Elaborer une grille de garanties de référence peut s’effectuer assez rapidement. On ne peut, certes, que constater que, dans une telle hypothèse, il leur resterait plus beaucoup de temps, puisque leur agenda paritaire ne comporte plus que trois réunions d’ici au 1er juillet prochain. Elles doivent avoir lieu les 28 mars, 16 avril et 14 juin prochains. En outre, l’ordre du jour de la CPPNI prévue fin mars ne comporte pas de point relatif à cet enjeu – il fait en l’occurrence la part belle aux thèmes évoqués précédemment, dont les partenaires sociaux ont discuté ces derniers mois. Il ne resterait donc aux partenaires sociaux de la CCN 66 que deux réunions paritaires pour évoquer la couverture santé des travailleurs handicapés. Autant dire que la fenêtre d’opportunité pour une discussion santé, même a minima, apparaît très réduite.
Une CCN 66 qui a déjà la tête ailleurs
Elle apparaît d’autant plus réduite que, du point de vue de certains représentants paritaires de la CCN 66, elle n’incarne plus vraiment un socle conventionnel d’avenir. Les employeurs, représentés par Axess, ainsi que la première organisation syndicale de salariés en voix dans la CCN, la CFDT, font en effet de la promotion du processus d’unification conventionnelle du médico-social non lucratif l’une de leurs grandes priorités d’action dans le cadre du dialogue social et de la négociation des conventions collectives de ce secteur. Ceci ne favorise pas l’inscription à l’agenda social de la CCN de nouveaux thèmes de négociation. L’Etat, pour sa part, appuie fortement en faveur de cette restructuration conventionnelle et fait en sorte que les partenaires sociaux du médico-social non lucratif concentrent leurs efforts sur ce thème. On l’a compris : même si la CGT, FO et Solidaires continuent de revendiquer l’amélioration de la CCN 66, l’heure n’y est plus guère à cette perspective.
Des ESAT seuls décisionnaires
Ceci explique sans doute pourquoi les partenaires sociaux de la CCN 66 ne se sont pas vraiment bousculés au portillon afin de nous faire savoir s’ils entendaient, ou non, s’emparer du sujet des frais de santé des travailleurs handicapés des ESAT. Ni la représentation patronale ni les organisations syndicales de salariés, que nous avons interrogées sur ce thème, ne nous ont encore répondu. Sans qu’il soit exclu que nos interpellations des partenaires sociaux finissent par susciter quelque question diverse lors des prochaines CPPNI, tout porte pourtant à penser que, s’agissant de la mise en œuvre de la couverture de frais de santé de leurs travailleurs handicapés, les ESAT vont avoir les coudées franches – dans le respect, bien évidemment, de la règlementation en vigueur. Ce marché qui s’ouvre pour les assureurs devrait donner lieu à une certaine agitation dans les prochaines semaines.