Hier, à Bar-le-Duc, préfecture de la Meuse (55), comme dans de nombreuses villes de France, les syndicats ont appelé à manifester, pour la douzième fois en l’occurrence, contre la réforme des retraites voulue par le Président de la République.
L’état d’esprit des participants au défilé et, plus largement, de la population locale, oscille entre résignation face à la perspective de la mise en œuvre de la réforme des retraites et écœurement vis-à-vis de la pratique macronienne du pouvoir.
Une mobilisation à la baisse mais toujours conséquente
Comme dans le cas des manifestations précédentes contre l’actuelle réforme des retraites, c’est du parking d’une zone commerciale située en bordure de la ville, et non – comme ceci est généralement le cas lors des mobilisations sociales diverses et variées – du parking de la gare, à la situation plus centrale, que s’est élancé le défilé barisien d’hier. Ceci s’explique très probablement par le fait que ses organisateurs syndicaux, ainsi que les services policiers de maintien de l’ordre, s’attendaient, une nouvelle fois, à devoir gérer la mise en place d’un cortège relativement important. De fait, cette évaluation des uns et des autres s’est avérée plutôt bonne.
Certes, la mobilisation contre la réforme des retraites est apparue à la baisse, avec 650 à 700 manifestants, contre 1 000 à 1 500 lors des précédentes journées – et jusqu’à plus de 2 000 lors de la première phase de la contestation. Le reflux est donc incontestable. Pour autant, il convient de souligner le fait que, dans le cas d’une ville comme Bar-le-Duc, qui compte moins de 15 000 habitants et dont les mœurs politiques et sociales sont celles, plutôt calmes, d’un bassin rural, un défilé rassemblant plus de 500 personnes n’est pas du tout chose commune. La mobilisation barisienne contre le projet gouvernemental est donc à la baisse mais demeure conséquente.
Résignation sociale face à une réforme rejetée
Cette lente décrue du mouvement ne signifie pas que la population a fini par être convaincue du bien-fondé de l’action gouvernementale. Bien au contraire, il ne se trouve pas grand monde, dans une ville préfecture où le vote macroniste, lors des dernières échéances électorales, est pourtant demeuré plus important que dans les campagnes environnantes, pour défendre, sur le fond et sur la forme, la réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron.
En réalité, comme l’expriment plusieurs participants au cortège, ce reflux s’explique à la fois par la “lassitude” de la multiplication des journées d’action sans effet apparent sur l’exécutif et par les difficultés à maintenir un niveau élevé de mobilisation, supposant notamment de faire grève, dans une période d’inflation élevée. “C’est d’ailleurs sans doute sur ça que misait le gouvernement” déplore un représentant syndical issu d’une entreprise industrielle. Sondés de manière informelle, des Barisiens ne prenant pas ou plus part aux défilés invoquent des motifs comparables pour expliquer la baisse de la mobilisation.
Réforme des retraites et délitement du corps politique
Refusant obstinément d’entendre quelque autre logique que la sienne, l’exécutif conclura sans doute de cette évolution du mouvement de contestation que, bon an mal an, les choses vont bien finir par retrouver un cours plus normal – qu’il est, en somme, en passe de gagner son pari. Ainsi gouverne décidément une macronie politiquement et socialement minoritaire : par le creusement des clivages, les oukases et les coups de matraque.
Ce nouveau passage en force se fait pourtant au prix d’un écœurement d’une part croissante, devenue clairement majoritaire, du pays réel, qui non seulement, répétons-le, continue de voir d’un fort mauvais oeil la dégradation de ses régimes de retraite mais qui, en outre, bien plus globalement, ressent une colère sourde mais profonde vis-à-vis du pouvoir et des institutions en place. Une fois de plus, même d’une petite ville de province peu portée aux opinions excessives, on ne peut que constater que le Président de la République, pourtant garant de la cohésion nationale, contribue grandement au délitement du corps politique.