Cette publication provient du site du syndicat de salariés FO.
La loi n°2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l’emploi, a confié au juge administratif la majorité du contrôle du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) et de la procédure de licenciement économique. Mais depuis lors, la compétence du juge judiciaire et celle du juge administratif peuvent être difficiles à délimiter. La Cour de cassation a été confrontée à cette thématique dans sa décision rendue le 29 septembre 2021 (Cass. soc., 29-9-21, n°19-23248).
Dans cette affaire, une société s’était engagée dans un projet de cessation complète et définitive de son activité. La société avait refusé une offre de reprise pour ensuite signer un PSE qui prévoyait la suppression de 872 emplois.
Un syndicat avait donc saisi le tribunal de grande instance, (dorénavant tribunal judiciaire), avant même que soient notifiés les licenciements. Il formulait plusieurs demandes visant à voir juger abusif le refus de l’offre de reprise qui avait été faite à l’employeur, et à faire ordonner la cession. Il demandait également au juge de constater l’absence de motif économique, et en conséquence, d’interdire la fermeture du site, ainsi que la suppression des emplois.
Débouté devant la cour d’appel, le syndicat s’était alors pourvu en cassation. C’est dans ce cadre que la Haute juridiction devait répondre à deux questions.
1/ La première question était de savoir si le juge judiciaire était compétent pour connaitre de ces demandes.
Non, répond la Cour de cassation. Pour elle :
le motif du licenciement économique peut être contesté devant le conseil des prudhommes, à l’occasion du contentieux individuel de la rupture du contrat de travail ;
le bien-fondé de la cause économique du licenciement n’impacte pas la régularité de la procédure de licenciement ;
doivent faire l’objet d’un litige unique les litiges relatifs à :
- la décision de validation ou d’homologation du PSE ;
- l’accord collectif majoritaire ou le document élaboré par l’employeur ;
- le contenu du PSE ;
- les décisions prises par l’administration dans le cadre de son pouvoir d’injonction ;
- la régularité de la procédure de licenciement collectif. Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux (art L. 1235-7-1).
La Cour de cassation en conclut : Il en résulte que le juge judiciaire, saisi avant la notification des licenciements pour motif économique, ne peut faire droit à des demandes tendant à constater l’absence de cause économique et à enjoindre en conséquence à l’employeur de mettre fin au projet de fermeture du site et au projet de licenciement économique collectif soumis à la consultation des instances représentatives du personnel.
Ainsi la Cour de cassation rappelle que le juge judiciaire ne dispose que d’une compétence résiduelle dans le contentieux de la procédure de licenciement économique et du PSE.
S’il a bel et bien compétence pour connaître des actions individuelles des salariés, pour statuer sur le motif économique (CE, 22-7-15, n°385816) ou encore sur le respect de l’obligation préalable de reclassement (Cass. soc., 21-11-18, n°17-16766), il ne peut pas statuer sur des demandes tendant à constater l’absence de motif économique et à en tirer des conséquences telles qu’enjoindre à l’employeur de mettre fin au projet de fermeture.
2/ La deuxième question était de savoir si le juge judiciaire était compétent pour se prononcer sur l’obligation de l’employeur de rechercher un repreneur.
A nouveau, la Cour de cassation répond par la négative.
Pour elle, c’est à l’autorité administrative de vérifier que l’employeur a bien respecté l’obligation de recherche d’un repreneur. Autrement dit, le contrôle de cette obligation relève du « bloc de compétence administrative », à l’exclusion de la compétence du juge judiciaire.
Elle en conclut donc que : Le respect du principe de la séparation des pouvoirs s’oppose à ce que le juge judiciaire se prononce sur le respect par l’employeur de son obligation de recherche d’un repreneur.
Ce nouvel arrêt vient compléter les jurisprudences en dentelle de la Cour de cassation, du Conseil d’État et du Tribunal des conflits à propos du licenciement pour motif économique et de l’office du juge.
Pour éviter d’être débouté, attention à saisir la bonne juridiction !