Cet article provient du site du syndicat de salariés CFDT.
Les salariés visés par un licenciement pour motif économique doivent se voir proposer un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) ou un congé de reclassement (dans les grandes entreprises). Lorsque l’adhésion au CSP leur est proposée, ils disposent d’un délai de réflexion pour accepter ou refuser cette proposition. Dès lors, à partir de quand le délai de prescription de 12 mois pour contester la rupture commence-t-il à courir ? A partir de l’acceptation du salarié, nous répond, sans surprise, la Cour de cassation. Cass.soc.13.0121, n°19-16564.
Un salarié est licencié et accepte un contrat de sécurisation professionnelle (CSP)
Un salarié, chargé d’affaires, est visé par une procédure de licenciement pour motif économique. Comme le prévoit la loi, l’employeur lui propose d’adhérer au contrat de sécurisation professionnelle. Il accepte, le 26 février 2015. Son contrat de travail est donc rompu à l’issue de son délai de réflexion, le 4 mars 2015.
Bon à savoir : Le contrat de sécurisation professionnelle a pour objet le retour à l’emploi des salariés compris dans une procédure de licenciement pour motif économique. Dans toutes les entreprises de moins de 1000 salariés, l’employeur doit proposer l’adhésion au CSP aux salariés dont le licenciement est envisagé et ce soit lors de l’entretien préalable, soit lors de la dernière réunion du CSE.
Le salarié dispose d’un délai de 21 jours (délai fixé par les partenaires sociaux dans la convention sur le CSP) pour accepter ou refuser le CSP. Le Code du travail prévoit que le contrat de travail est rompu à la date de l’adhésion au CSP.
Un an plus tard (le 2 mars 2016), il saisit le conseil de prud’hommes pour contester la rupture du contrat de travail. Sauf qu’en appel, la prescription de son droit d’agir en justice lui est opposée. En effet, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes 12 mois après la rupture de son contrat de travail, or les juges d’appel ont considéré que le délai de 12 mois pour contester la rupture commençait à courir dès l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle.
Contestant cette analyse, le salarié a formé un pourvoi devant la Cour de cassation, qui a dû répondre à la question suivante :
Le délai de prescription de 12 mois court-il à compter de l’acceptation du CSP ou bien à compter de l’expiration du délai de réflexion du salarié ?
Quel est le point de départ du délai de 12 mois pour contester la rupture ?
A l’appui de son pourvoi, le salarié faisait valoir deux arguments. D’une part, que le délai n’aurait dû commencer à courir qu’à compter de la date d’expiration du délai de réflexion pour accepter le CSP. D’autre part, une règle de droit civil selon laquelle la prescription ne court pas contre celui qui est empêché d’agir.
Sans surprise, aucun de ces arguments n’a convaincu la Haute juridiction !
Pour la Cour de cassation, le Code du travail -plus précisément son article L.1233-67- énonce clairement que « le délai de prescription de douze mois de l’action en contestation de la rupture du contrat de travail ou de son motif court à compter de l’adhésion au contrat de sécurisation de professionnelle, qui emporte rupture du contrat de travail ».
En effet, la Haute juridiction avait déjà décidé que ce n’est pas l’expiration du délai de réflexion de 21 jours dont dispose le salarié, mais bien son acceptation du CSP qui rompt le contrat de travail (1).
Par ailleurs, la Cour estime que la règle de droit civil ne s’applique pas puisque « le titulaire de l’action disposait encore, à la cessation de l’empêchement, du temps nécessaire pour agir avant l’expiration du délai de prescription ». Or, en l’espèce, il semblerait que cela ait été largement le cas…
Assez prévisible au vu de la rédaction de l’article L.1233-67 du Code du travail, la solution a le mérite d’attirer l’attention sur un petit piège procédural pour les salariés et leurs défenseurs…
Bon à savoir : Le salarié qui a adhéré au CSP conserve son droit de contester la cause économique de la rupture, quand bien même cette rupture est qualifiée par la loi de « rupture d’un commun accord » (2). Au-delà de la cause, la procédure peut également être contestée, puisque la Haute juridiction considère que « l’adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle constitue une modalité du licenciement pour motif économique et ne prive pas le salarié du droit d’obtenir l’indemnisation du préjudice que lui a causé l’irrégularité de la rupture » (3)
(1)Cass.soc.11.12.19, n°18-17707.
(2)Jurisprudence constante depuis Cass.soc.5.03.08, n°07-41964.
(3) Cass.soc.17.03.15, n°13-26941