Retraites complémentaires: l’état des forces syndicales

Dans quelques jours doit débuter la négociation sur les retraites complémentaires. Elle devrait donner lieu à une intéressante passe d’arme, dont le résultat est encore très incertain. BI&T analyse le rapport de forces existant aujourd’hui. 

Un contexte très compliqué

Premier point essentiel à souligner: le contexte de la négociation sera rendu extrêmement sensible par une série de données nouvelles. 

Si la déconfiture financière des régimes n’est pas nouvelle, en revanche la pression mise par la Cour des Comptes pour réformer rapidement les régimes ne contribue pas à alléger le climat. Les risques liés à un accord qui serait trop tendre ont été publiquement décortiqués, et les discussions des partenaires sociaux seront donc en permanence comparée aux estimations de la Cour.  

Entretemps, l’échec de la négociation sur la modernisation du dialogue social n’a pas apaisé l’ambiance. Un nouvel échec des partenaires sociaux signerait probablement la mise entre parenthèses pour un bon bout de temps de la négociation interprofessionnelle. Elle légitimerait une prise en main durable (définitive?) par l’Etat du régime paritaire de retraites. Plus aucun obstacle ne se dresserait pour entamer une fusion des régimes complémentaires avec le régime général, comme la Cour a commencé à le sous-entendre (en déniant bien entendu proposer cette solution).  

Enfin, l’arrivée de Syriza est une goutte d’eau supplémentaire dans ce vase qui se remplit. Alors que des forces, en Europe, triomphent au nom de la souplesse budgétaire, il n’est pas impossible que certains syndicats, en France, se sentent pousser des ailes sur le sujet. 

Un MEDEF combatif

La négociation sera menée, pour le MEDEF, par Claude Tendil, peut-être l’assureur le plus doué de sa génération, ancien directeur général d’Axa France et ancien président de Generali France. Tendil connaît parfaitement ses dossiers. Reste à savoir comment la partie syndicale vivra les propositions qu’il pourrait formuler, surtout si elles sont “sanglantes”. 

Pour le MEDEF, la partie risque fort d’être compliquée du fait même de la composition de la délégation. 

La CGT déjà bille en tête?

A peine élu, Philippe Martinez a proposé de lancer une mobilisation nationale. Compte tenu des orientations prévisibles de la nouvelle direction, on imagine mal que la CGT souscrive à un accord qui introduirait de “l’austérité” dans les retraites complémentaires des salariés. Pour le bord patronal comme pour le gouvernement, la nouvelle équipe de la CGT va très vite dévoiler ses intentions et ses cartes générales par une prise de position sur le sujet de l’AGIRC-ARRCO.  

Ce teste grandeur nature risque de se révéler sportif! 

FO risque bien de ne pas signer

Selon le discours qu’il a tenu au Congrès de Tours lundi soir, Jean-Claude Mailly a manifesté toutes ses réticences à s’engager dans une signature sur un accord qui risque bien d’exprimer les “dérives assurantielles” qu’il a ouvertement regrettées. Rappelons par ailleurs que les relations de Claude Tendil avec FO n’ont pas toujours été pacifiques. Bref, rien ne laisse penser que de l’huile pourrait être mise dans les rouages pour légitimer la signature de FO. 

La CGC préoccupée par l’avenir de l’AGIRC

Troisième syndicat qui risque de compliquer singulièrement le jeu de la négociation: la CGC, qui tient à l’AGIRC comme à la prunelle de ses yeux, même si la présidence lui en a échappé. Pour la CGC, la préservation d’une caisse de retraite spécifique pour les cadres est un enjeu de lisibilité. Mais… la fusion de l’AGIRC avec l’ARRCO est une piste possible de réforme, d’ailleurs recommandée par la Cour.  

Si le MEDEF devait poursuivre dans cette voie, la CGC devrait ne pas signer l’accord. 

L’accord est-il possible?

Plus encore que sur la modernisation du dialogue social, le jeu sera donc difficile pour le MEDEF, qui est structurellement face à une majorité syndicale hostile à un accord qui dégraderait les conditions de vie des retraités et des salariés cotisants.  

L’intérêt de la négociation est de se situer à un tournant des relations sociales en France, où la conflictualité est probablement repartie à la hausse. Après tout, un accord majoritaire n’est peut-être pas possible sur ce sujet… 

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