Barémisation des prud’hommes : La CFDT revient sur l’arrêt de la cour d’appel de Reims

Cet article vient du site du syndicat de salariés CFDT.

La Cour d’appel de Reims a rendu, mercredi 25 septembre, ses décisions sur la conventionalité du barème prud’hommes. C’est la première Cour d’appel amenée à se prononcer sur la question. La CFDT était partie intervenante dans l’ensemble de ces contentieux. 

La Cour d’appel, qui in fine considère que le barème est conforme à nos engagements internationaux, suit néanmoins un raisonnement pour le moins intéressant qui fragilise les barèmes.  

  • L’effet direct en droit interne

Pour commencer, la Cour d’appel s’interroge sur la question de savoir si les textes internationaux invoqués devant elle ont un effet direct, c’est-à-dire s’ils peuvent être directement invoqué devant le juge national. Elle rappelle que cela dépend du contenu du texte, lequel doit contenir un engagement suffisamment précis créant un droit au profit d’un particulier, droit pouvant être assuré sans nécessité d’intervention du législateur. A ce titre, elle considère que l’article 10 de la convention OIT n°158 ainsi que l’article 24 de la Charte sociale européenne ont bien un effet direct permettant aux particuliers de les invoquer en droit interne.  

  • Le contrôle de conventionalité in abstracto des articles 10 de la convention OIT n°158 et 24 de la Charte social européenne

La Cour d’appel rappelle que l’indemnité dite adéquate ou réparation appropriée, visée par les deux textes, ne signifie pas nécessairement une réparation intégrale du préjudice et peut donc s’accorder avec l’instauration d’un plafond. Pour elle, l’indemnisation adéquate s’entend d’une indemnisation d’un montant raisonnable, et non purement symbolique, en lien avec le préjudice effectivement subi et dont le but est d’assurer l’effectivité du droit à la protection du salarié. Elle doit aussi être suffisante pour rester dissuasive et ne pas vider d’effectivité l’exigence d’une cause réelle et sérieuse au licenciement.  

Analysant le dispositif du barème, la Cour d’appel constate qu’il existe une potentielle inadéquation de l’indemnité plafonnée, mais aussi que le juge ne dispose pas de toute la latitude pour individualiser le préjudice et sanctionner l’employeur.  

Mais elle ajoute ensuite que le législateur a poursuivi un objectif d’intérêt général (le renforcement de la prévisibilité des conséquences de la rupture du contrat) et que la méthode utilisée (les barèmes s’appuient sur les moyennes constatées d’indemnisation) est appropriée. 

Elle ajoute aussi que le système permet au juge de moduler l’indemnisation en fonction de l’ancienneté et de l’adapter dans les limites légales, à la situation de chaque salarié. 

La Cour tire de l’ensemble de ses constats la conclusion que le plafonnement présente des garanties qui permettent d’en déduire qu’au regard de l’objectif poursuivi, l’atteinte aux droits n’est pas en elle-même disproportionnée.  

En clair, contrôlé in abstracto, objectivement, c’est-à-dire en dehors de toute situation réelle d’un salarié, la Cour d’appel considère que le barème tel qu’instauré est conforme à nos engagements internationaux. 

 

  • Le contrôle in concreto

Il s’agit ici de la brèche que semble ouvrir la Cour d’appel. Elle retient en effet que le juge, même en présence d’un dispositif jugé conventionnel, n’est pas pour autant dispensé d’apprécier si ledit dispositif ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits du salarié concerné. Il s’agit là du contrôle in concreto, c’est-à-dire en rapport avec la situation d’un salarié. 

Néanmoins, la Cour d’appel botte en touche puisqu’elle conclut en disant que ce contrôle in concreto ne peut se faire d’office, c’est-à-dire que le juge ne peut le faire si le salarié ne l’a pas demandé. 

Elle en conclut que dans l’affaire en question, la salariée n’ayant pas demandé ce contrôle in concreto, elle n’a pas à se prononcer sur la question de savoir si, rapporté à la situation réelle du salarié, le barème porte une atteinte disproportionnée aux droits du salarié. 

 

Cette décision est donc en demi-teinte : tout en confirmant la conventionalité du barème en l’appréciant in abstracto, la Cour retient néanmoins que le juge, à qui on pose la question, devra procéder à une appréciation in concreto. Celui-ci pourrait donc être amené à écarter le barème s’il constatait que son application porte une atteinte disproportionnée aux droits du salarié licencié.  

 

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