La loi Travail a reçu son baptême officiel du feu aujourd’hui en Conseil des Ministres. Immédiatement, le rapporteur du texte, Christophe Sirugue, interviewé en son temps dans nos colonnes, a apporté une précision:
“Si je n’avais pas eu l’assurance qu’il y a une possibilité de faire bouger le texte pendant le débat parlementaire, je n’en serais pas le rapporteur”, a-t-il dit à Reuters. “Mais l’objet n’est pas de détricoter le texte.”
Il est donc confirmé que le débat parlementaire portera des atteintes profondes au texte dans sa version déjà réécrite par le gouvernement. Tout le monde a ici en tête l’intervention des frondeurs, conduits par Christian Paul, député socialiste qui porte des jugements d’autant plus péremptoires sur l’application du droit du travail qu’il n’a jamais mis les pieds dans une entreprise (en tant que productif, en tout cas). Ceux-ci ont produit une sorte de contre-loi avec les syndicats contestataires qui devrait donner lieu au pire.
Une guerre d’amendements est donc à prévoir. Celle-ci sera d’autant plus serrée que la droite a annoncé son intention de ne pas voter le texte. Manuel Valls aura donc besoin de l’appui de sa majorité pour faire adopter sa réforme.
A priori, et comme l’a déjà dit la CGPME, les grandes perdantes de la réécriture du texte seront les PME et les TPE, qui ne pourront déroger à la loi faute d’institutions représentatives du personnel. La loi devrait en effet privilégier les dérogations par accord majoritaire, ce qui est impossible dans une entreprise sans IRP.
Dans ce contexte, le résultat de la loi El-Khomri devrait consister à soulager les grandes entreprises du poids de normes trop contraignantes auxquelles les PME et les TPE continueront d’être soumises. C’est pourtant, au regard de la croissance économique, le contraire qu’il faut faire.
Ce n’est pas le moindre des paradoces: l’action des frondeurs devrait servir le grand capital et pénaliser les petits entrepreneurs. Au nom de la solidarité et de la protection des salariés, bien entendu.