Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat la CFDT
La chambre criminelle de la Cour de cassation a récemment rappelé que constitue une infraction le fait de faire appel à des travailleurs temporaires dans le but de remplacer des salariés en grève privant ainsi leur action d’efficacité. Cass. crim. 01.03.2016, n° 14-86601.
Les situations permettant d’avoir recours au travail temporaire sont définies de manière exhaustive par le Code du travail : remplacement d’un salarié absent, temporairement à temps partiel ou dont le contrat de travail est suspendu, accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise, emploi saisonnier dans certains secteurs définis, remplacement d’un chef d’entreprise ou d’un travailleur libéral (1). La loi interdit expressément le recours au travail temporaire pour remplacer un salarié dont le contrat de travail est suspendu à la suite d’un conflit collectif de travail (2). Il en est de même pour le recours aux CDD (3).
Tentative de contournement des règles par l’entreprise
En novembre 2007, le syndicat Sud activités postales 92 avait déposé un préavis de grève. Deux jours plus tard, l’entreprise avait recruté 22 intérimaires sur son site de Rueil Malmaison au motif d’un « accroissement temporaire d’activité lié à l’impossibilité de certains agents de se rendre sur place du fait de la grève des transport et mise en place de réorganisations ».
Le syndicat avait alors saisi l’inspection du travail voyant dans ces embauches une stratégie de contournement de la grève qui avait lieu en interne.
Devant les juridictions pénales, La Poste a tenté de justifier le recours au travail temporaire par l’évacuation du site de Rueil Malmaison suivie de la mise en place de réorganisations ainsi que d’une grève des transports en novembre 2007.
Les juges de première instance lui ont donné raison. En revanche, la cour d’appel a infirmé le jugement et a condamné l’entreprise à 18750 € d’amende. A noter que le directeur d’établissement a lui aussi été condamné à 3000 € d’amende. En effet, la cour d’appel a considéré que la décision de l’entreprise avait eu pour effet de priver d’efficacité le conflit collectif et que le délit était donc constitué.
Elle a d’abord retenu que les intérimaires avaient été embauchés concomitamment au début de la grève interne à La Poste. Elle constate en outre le fait que le nombre d’employés intérimaires correspondait exactement au nombre de salariés grévistes. Enfin, interrogé par les services de police, le directeur d’établissement avait admis avoir recouru à l’intérim « afin d’assurer la continuité du service public ».
La Poste s’est pourvue en cassation.
Rappel à l’ordre des juges
La Cour de cassation a approuvé l’arrêt de la cour d’appel qui avait « souverainement constaté que l’ordre de recourir à des travailleurs intérimaires avait été donné le 16 novembre après que le préavis de grève eut été déposé le 14 novembre et que le nombre de ceux-ci était identique à celui des salariés en grève ». Elle a rappelé qu’il est interdit d’embaucher des travailleurs intérimaires pour remplacer des salariés grévistes. En effet, cela a pour effet de priver leur action d’efficacité et ainsi de vider le droit de grève de son objet.
La chambre sociale avait déjà, dans un arrêt de 2011, énoncé que l’interdiction de recourir aux travailleurs temporaires pour remplacer des salariés grévistes ne se limitait pas à la conclusion de nouveaux contrats et qu’elle s’étendait aux intérimaires déjà présents dans l’entreprise au moment du déclenchement de la grève (4). Ainsi l’employeur ne peut pas faire appel à des salariés intérimaires ou en CDD, déjà en poste dans l’entreprise, pour leur faire effectuer les tâches des salariés grévistes en plus de celles qu’ils accomplissaient dans le cadre de leur mission. Autrement dit, seuls les salariés en CDI de l’entreprise peuvent remplacer des salariés grévistes dans leurs tâches.
Par cet arrêt, la Cour de cassation agit une nouvelle fois en garant du droit de grève constitutionnellement garanti.
(1) Art. L. 1251-6 C. trav.
(2) Art. L. 1251-10 C. trav.
(3) Art. L. 1242-5 C. trav.
(4) Cass. soc. 02.03.2011, n° 10-13634