Télétravail : ses dangers et inconvénients selon FO

Cet article provient du site du syndicat FO.

 

Si le travail loin des locaux de l’entreprise, grâce aux smartphones, tablettes et ordinateurs, peut séduire, il recèle d’importants dangers pour les travailleurs, notamment en termes de santé, constate un rapport conjoint de l’OIT (Organisation internationale du travail) et d’Eurofound (Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail), une agence tripartite de l’Union européenne. 

Publié le 15 février, le rapport, intitulé « Travailler en tout temps, en tout lieu : les effets sur le monde du travail », offre une synthèse d’études nationales menées dans quinze pays. [1]Les auteurs classent les « télétravailleurs » en trois catégories, en fonction de leur lieu de travail – qui n’est pas forcément leur domicile (cela peut être aussi un bureau hors des locaux de l’entreprise, voire un café, les transports, un hôtel…) – et de la fréquence de leur recours au télétravail.Le rapport distingue ainsi les télétravailleurs réguliers à domicile, les occasionnels hors des locaux de l’entreprise et enfin les hautement mobiles avec une fréquence élevée de télétravail en divers lieux y compris le domicile, ces derniers étant les plus exposés à des effets néfastes sur leur santé et leur bien-être. 

Les télétravailleurs travaillent davantage d’heures que les autres 

Certes, parmi les avantages du télétravail, les salariés signalent une réduction du temps de déplacement, une plus grande autonomie dans l’organisation de leur temps de travail et un meilleur équilibre global entre la vie professionnelle et la vie privée.Mais contradictoirement, on trouve dans la liste des inconvénients, une interférence entre la vie professionnelle et familiale, un allongement de la durée du travail et une intensification du travail.D’ailleurs, les employeurs, eux, citent parmi les principaux avantages du télétravail, une productivité et une efficacité accrues.De fait, presque toutes les études menées dans les dix pays de l’Union Européenne choisis par les auteurs du rapport, montrent que les salariés en télétravail travaillent davantage d’heures que la moyenne des salariés. 

En Belgique par exemple, les salariés en télétravail travaillent en moyenne 44,5 heures par semaine contre 42,6 pour les autres. En Espagne, selon l’enquête nationale sur les conditions de travail, 24% des travailleurs en télétravail à domicile et 33% de ceux en télétravail sur d’autres lieux font plus de 40 heures par semaine contre seulement 19% de ceux qui restent dans les locaux de l’employeur. 

Cette tendance se retrouve en dehors de l’UE. Au Japon, une enquête du ministère des Transports, de l’Équipement et du Tourisme indique que les salariés en télétravail travaillent en moyenne 43,9 heures hebdomadaires, contre une moyenne de 39,1 heures pour l’ensemble de la main d’œuvre japonaise.Aux États-Unis, une enquête sur l’utilisation que font les Américains de leur temps indique que 78% de l’augmentation des heures de travail entre 2007 et 2014 parmi la main d’œuvre masculine est en relation avec le travail à domicile plutôt qu’au bureau.  

Pas moins de 41% des Américains interrogés en 2014 expliquent qu’ils travaillent de chez eux pour rattraper leur retard.Stress, problèmes de sommeil, et heures sup’ non payées  

Pas moins de 41% également des télétravailleurs hautement mobiles de l’Union Européenne font état de niveaux élevés de stress, comparés à 25% chez ceux qui travaillent tout le temps au bureau, révèle le rapport. 

En outre, 42% des personnes travaillant en permanence à domicile et 42% des télétravailleurs hautement mobiles déclarent se réveiller plusieurs fois par nuit, alors qu’ils ne sont que 29% chez les personnes employées sur leur lieu de travail.Le fait que le télétravail remplace le travail au bureau ou, à l’inverse, le complète semble être un facteur important pour estimer s’il est bénéfique ou non, estiment les auteurs du rapport, soulignant qu’il est particulièrement important de s’attaquer au problème du télétravail supplémentaire, qui pourrait être perçu comme des heures supplémentaires non rémunérées, et de veiller à ce que des périodes de repos minimales soient respectées. 

Les préconisations de l’OIT et d’Eurofound 

L’OIT et Eurofound font un certain nombre de préconisations pour accentuer les effets positifs et réduire les effets négatifs du télétravail. Elles se prononcent notamment pour une promotion du télétravail à temps partiel, tout en restreignant le télétravail informel, supplémentaire, ou le télétravail hautement mobile impliquant de longs horaires de travail.L’équilibre idéal semble être 2 à 3 jours de travail à domicile par semaine, a souligné Jon Messenger, co-auteur du rapport, lors de la présentation du rapport à Genève.Le rapport préconise par ailleurs un droit à la déconnexion, ainsi que des initiatives de formation et de sensibilisation tant pour les salariés que pour la direction en ce qui concerne l’utilisation efficace des TIC [Techniques de l’information et de la communication, NDLR] pour le travail à distance, ainsi qu’en ce qui concerne la façon de gérer efficacement la flexibilité offerte par cet aménagement [le télétravail, NDLR].Pour ce faire, les auteurs du rapport insistent sur l’importance des initiatives gouvernementales et des accords collectifs nationaux et de branche. Le télétravail reste minoritaire mais progresse 

La proportion du télétravail varie beaucoup dans les quinze pays étudiés par le rapport d’Eurofound et de l’OIT : de moins de 2% comme en Argentine à plus de 35% comme au Danemark.Dans l’Union Européenne, environ 17% en moyenne des salariés font du télétravail, dont 3% régulièrement, 5% très fréquemment et 10% occasionnellement.  

Ceci dit, l’utilisation du télétravail reste très faible dans certains des États membres de l’UE et son expansion a stagné dans d’autres ces dernières années. En Hongrie, par exemple, le nombre de salariés en télétravail régulier à domicile n’est passé que de 0,7% en 2006 à 1,3% en 2014. En France, le télétravail ne s’est pas encore fortement développé dans la majorité des grandes entreprises : 75% d’entre elles n’utilisent le télétravail que de façon très ponctuelle, pour la réalisation de projets pilotes.  

En Allemagne, seulement 12% des salariés font du télétravail à domicile, de façon régulière ou occasionnelle, et ce bien que cette forme de travail soit appropriée à 40% des emplois. En Espagne, le taux tombe à 6,7%.Mais dans les dix pays européens étudiés, la proportion de travailleurs utilisant le télétravail a augmenté depuis le début du 21e siècle. En France, elle est ainsi passée de 7% en 2007 à 12,4% en 2012.  

En Suède, la part des entreprises qui emploient des salariés en télétravail a augmenté de 15% (de 36% à 51%) entre 2003 et 2014. Aux États-Unis, 37% des travailleurs ont déclaré en 2015 avoir travaillé à distance ou « télétravaillé », contre 9% en 1995. Les cinq pays où le télétravail est le plus répandu, sont les États-Unis, le Japon, la Finlande, les Pays-Bas et la Suède.  

Le rapport conclut à une multiplication du télétravail dans la majorité des pays observés et à une prépondérance, pour l’instant, du télétravail à domicile, avec des signes que le télétravail dans d’autres lieux est en train de se développer.  

Notes[1] Ces études ont été réalisées par les correspondants d’Eurofound dans dix États membres de l’Union européenne (Allemagne, Belgique, Espagne, Finlande, France, Hongrie, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède) et par des experts nationaux de l’OIT en Argentine, au Brésil, aux États-Unis, en Inde et au Japon. 

 

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