L’innovation médicale fait-elle peur en France ?

Qu’y a t-il vraiment dans ces vaccins qu’Agnès Buzyn veut rendre obligatoires ? La télémédecine et la téléexpertise fonctionneront-t-elles en France ? Ou encore, est-ce que manipuler le code génétique de l’homme dans le but de lutter contre le cancer ne serait pas plus dangereux que la maladie elle-même ? Autant de questions qui reviennent aujourd’hui et qui cristallisent les débats sur l’innovation médicale en France. Pourtant, les pouvoirs publics tentent de faire accepter les avancées en la matière, quitte à s’inspirer d’autres pays. 

 

Le vendredi 22 septembre dernier, l’entreprise belge Bone Therapeutics signait un accord historique avec les japonais de Asahi Kasei Corporation. La société spécialisée dans la thérapie cellulaire osseuse qui répondait à d’importants besoins médicaux non satisfaits dans les domaines de l’orthopédie et les maladies osseuses, va pouvoir développer et commercialiser de nouveaux produits au Japon. Mais pourquoi avoir fait le tour du monde pour trouver ces financements ? La France n’est-elle pas une assez bonne terre d’accueil pour les innovations médicales ? 

Le principe de précaution, principal obstacle de l’innovation biomédicale

Qui ne se souvient pas des affaires de la vache folle, du sang contaminé ou encore du virus H1N1 ? C’est suite à ces scandales sanitaires que le principe de précaution s’est, petit à petit, frayé un chemin jusqu’à intégrer la Constitution française en 2005. 

D’un point de vue purement juridique, cet article n’a cependant qu’une valeur très incertaine. Depuis dix ans, le Conseil constitutionnel n’a censuré aucune loi en son nom. Pour autant, il freine très fortement l’innovation en France, en invoquant un hypothétique nouveau scandale sanitaire. L’intention est louable, cependant, pouvons-nous vraiment connaître les résultats cliniques d’une innovation avant même que les premiers tests soient menés ? 

Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veilleront, par application du principe de précaution, et dans leurs domaines d’attribution, à la mise en oeuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. 

Définition du principe de précaution inscrit dans la Constitution française depuis 2005 

L’étranger, terre d’accueil des innovations mondiales

Ce qui devait arriver arriva. La France, n’est plus considérée comme l’un des principaux Eldorado de l’innovation médicale en Europe, si ce n’est dans le monde. La menace que fait planer ce principe de précaution décourage peu à peu tous les porteurs de nouvelles initiatives. Alors quand se rajoutent la difficulté de trouver des financements et la lourdeur de l’administration, les entrepreneurs n’hésitent plus à s’exporter. 

David Caumartin, co-inventeur d’une technique innovante pour supprimer les tumeurs confiait vouloir rejoindre les Etats-Unis et la Chine. Sa société Theraclion a aussi connu un fort succès en Allemagne et au Royaume-Uni. 

A notre stade, on a du mal à trouver des investisseurs français. Car, dans le secteur de la santé, il faut d’abord financer de coûteuses études scientifiques et médicales avant d’espérer vendre son innovation. Et, côté administration, on n’a jamais affaire à la même personne. On perd beaucoup de temps et d’énergie. Aux Etats-Unis, la FDA (Food and Drug Association) désigne un chef de projet qui suit votre dossier tout au long de la procédure. 

David Caumartin, directeur général de Theraclion 

Comment les pouvoirs publics intègrent les innovations médicales étrangères ?

En août dernier, les Etats-Unis autorisaient un troisième médicament de thérapie génique contre les formes agressives de leucémie. Ce nouveau traitement, le Kymriah a été développé par un chercheur de Pennsylvanie et breveté par les laboratoires suisse Novartis. Le taux de rémission a atteint 83% pour ce médicament. Les Etats-Unis ont donc “pris le risque” de faire des essais cliniques avant d’attribuer à ce procédé médical, le statut “d’avancée thérapeutique”, accélérant considérablement les procédures de mise sur le marché. 

Plus étonnant encore, l’Afrique du Sud fait preuve d’un vrai dynamisme en termes d’avancées médicales. Malgré des fonds très limités, les chercheurs du pays réussissent des prouesses incroyables. En quinze ans, leurs travaux ont permis de faire baisser le taux de transmission du VIH de 22% à 2% ! Pour réaliser de telles avancées, le gouvernement a annoncé faire passer le pourcentage du PIB consacré à la recherche de 0,78% à 1,5% d’ici à 2020. 

Alors oui, les pouvoirs publics français tentent bien d’intégrer les innovations venant de l’étranger. Mais le premier des défis est de faire en sorte que les avancées médicales françaises restent dans l’hexagone. Aujourd’hui, 340 M€ sont alloués par le fonds publics Fabs, pour aider financièrement les start-up de la santé. De même, la Bpi propose plusieurs bourses à la recherche et au développement pour soutenir les projets médicaux innovants

Il faudra peut-être aussi penser à faire évoluer le labyrinthe administratif français qui freine fortement la course à la l’innovation, quand il n’apparaît pas comme un obstacle insurmontable. Enfin, Agnès Buzyn devra aussi penser à faire évoluer la mentalité française assez frileuse sur le sujet. 

 

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