Dans les transports routiers, le ministère du Travail tue le dialogue social

Dans la mesure où l’on entend souvent dire, dans la presse, que les transports routiers ont bien des difficultés à recruter des salariés et à stabiliser leurs effectifs, on pourrait s’attendre à ce que les pouvoirs publics fassent en sorte de trouver des solutions à ces problèmes.

 

En réalité, il n’en est rien. Bien au contraire : le ministère du Travail s’emploie à pourrir le dialogue social de la branche. 

Le chèque en bois d’octobre 2017

Nos lecteurs se souviennent peut-être qu’en octobre 2017, les transports routiers avaient signé un accord salarial contournant l’esprit des ordonnances Travail puisqu’il intégrait à la définition du salaire minimum hiérarchique des éléments comme les primes de repas, d’hébergement, les majorations d’heures de nuit ou encore, le cas échéant, le 13ème mois. 

Fiers de leur accord, les représentants patronaux et salariaux des transports routiers l’ont présenté au ministère du Travail afin qu’il l’étendît. Mme Pénicaud a promis de le faire et cet accord a d’ailleurs été contre-signé à la fois par son directeur de cabinet et par celui de la ministre des Transports. Hélas, il faut croire que ces promesses et signatures n’ont pas permis d’accélérer le traitement du dossier puisque l’accord n’a toujours pas été étendu. 

Interrogé sur le sujet lors de la réunion paritaire de la branche qui s’est tenue il y a quelques jours, le représentant du ministère aurait même reconnu que si l’accord d’octobre 2017 n’a toujours pas été étendu, c’était parce qu’il s’avérait quelque peu problématique vis-à-vis des ordonnances Travail. Ceci est évidemment indiscutable puisque l’objectif même de ses signataires était de les transgresser. Ceci étant dit, c’est en connaissance de cette cause que les représentants de l’Etat avaient convenu d’étendre l’accord : cette garantie publique était, en fait, un chèque en bois pour les transports routiers. 

Les transports routiers très perturbés

Dans cette configuration, les négociations salariales qui se tiennent actuellement dans le secteur s’avèrent fort difficiles. Les organisations patronales des transports routiers considèrent qu’il n’est pas tenable de fonctionner durablement sur la base d’accords salariaux non étendus – puisque ceci induit inévitablement des distorsions de concurrence entre les entreprises selon qu’elles adhèrent ou non à une organisation signataire des accords. Par conséquent, elles proposent des revalorisations limitées, inférieures à 1,8 % – le taux de l’inflation 2018. Elles n’ont pas non plus voulu s’engager sur la prise en charge de la carence maladie et l’instauration d’une treizième mois dans les transports routiers de marchandises. 

Ces propositions sont fort mal reçues par les organisations salariales, qui considèrent qu’elles ne vont pas contribuer à régler le problème de l’attractivité de la branche. Les esprits s’échauffant peu à peu, FO en est même venue à déclarer, en séance, que le patronat prenait « les salariés et les organisations syndicales pour de la merde ». Commentant, à chaud, cette séance de négociation, FO ne décolère d’ailleurs pas, jugeant que les salariés et leurs représentants sont pris « pour des cons ». 

Si ces propos peuvent paraître quelque peu excessifs, il n’en demeure pas moins qu’ils démontrent bien l’état d’esprit qui règne actuellement dans la branche des transports routiers, essentiellement à cause de la politique du ministère du Travail. En outre, on notera que, censées promouvoir la négociation collective, les ordonnances Travail se traduisent ici par un pourrissement complet des relations sociales. 

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