Alors que Jean-Paul Delevoye doit très prochainement dévoiler à l’exécutif ses préconisations pour la réforme des retraites, la Cour des Comptes n’entend pas demeurer muette dans le cadre de ce débat public.
Dans un rapport réalisé à la demande des députés et que Challenges s’est procuré, elle pointe du doigt les avantages dont continuent de disposer les retraités des industries électriques et gazières (IEG), de la SNCF et de la RATP, et préconise de les remettre en cause.
Les avantages des régimes spéciaux
Quelques chiffres permettent de donner à voir les différences de traitement entre les retraités relevant des régimes spéciaux et les autres. La Cour des Comptes relève par exemple que la pension brute moyenne des anciens salariés des IEG atteint 3592 euros mensuels, celle des anciens agents de la RATP 3705 euros et celle des anciens conducteurs de la SNCF 2636 euros. Si l’on s’en tient aux derniers chiffres avancés par la DREES, au niveau de la population des retraités en général, ce montant tourne autour des 1500 euros bruts mensuels.
Autre type de chiffres, assez parlant là encore : celui concernant l’âge moyen du départ à la retraite observé dans ces régimes spéciaux de retraite. Dans l’état actuel des choses, l’âge moyen de départ à la retraite des agents des IEG est de 57,7 ans, tandis que celui des agents de la SNCF est de 56,9 ans et celui des agents de la RATP de 55,7 ans. Pour rappel, pour les salariés du secteur privé, cet âge moyen de départ à la retraite dépasse aujourd’hui 62 ans et il évolue autour de 61 ans pour les fonctionnaires.
Des retraites relativement coûteuses
Ces différences de paramètres entre les régimes spéciaux d’une part et les régimes des salariés du privé et des fonctionnaires d’autre part, se traduisent par le fait que les premiers s’avèrent relativement coûteux. Les sages de la rue Cambon donnent quelques indications à ce sujet.
Ils relèvent d’abord que le financement des régimes spéciaux concernés ne repose que partiellement, voire très partiellement, sur les cotisations des salariés et des entreprises : à 68 % dans le cas des IEG, à 41 % dans le cas de la RATP et à 36 % à la SNCF. L’Etat doit dès lors prendre le relais, contribuant chaque année à hauteur de plusieurs milliards d’euros – 5,5 milliards d’euros actuellement – au budget des régimes spéciaux. Une part non négligeable de cette contribution publique, un tiers d’après le rapport, finance spécifiquement les avantages des retraités des régimes spéciaux.
Quelles évolutions pour les régimes spéciaux ?
Partant de ces constats, les auteurs du rapport préconisent plusieurs mesures, qui reviennent à remettre en cause les avantages des retraités des régimes spéciaux. Ils évoquent notamment la possibilité, dans le cadre de la future réforme des retraites, d’opérer un alignement pur et simple de ces régimes sur le futur régime unifié des retraites.
Il n’est, certes, pas dit que le gouvernement choisira de s’orienter dans cette voie, tant le chantier de la réforme des retraites, hors problématique des régimes spéciaux, est déjà, en soi, politiquement très sensible. Sans doute bien conscients qu’il est tout à fait possible que le gouvernement fasse le choix de l’attentisme, la Cour des Comptes profite de son rapport pour critiquer plus ou moins explicitement la manière dont Nicolas Sarkozy et François Hollande ont réformé les régimes spéciaux – en l’occurrence en prévoyant une mise en oeuvre à très long terme des réformes, en préservant certains avantages conséquents et en concédant des mesures de compensation parfois fort coûteuses.
Gageons que, forts de ce rapport sur les régimes spéciaux des IEG, de la RATP et de la SNCF, les députés en profiteront pour réfléchir également aux conditions des régimes de retraite dont disposent les parlementaires…