La crise va faire des dégâts dans la restauration collective

Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat de salariés CFE-CGC.

Par Michelle Foiret, présidente de la CFE-CGC INOVA (Fédération nationale de l’Hôtellerie, Restauration, Sports, Loisirs et Casinos). 

Confrontés à une crise hors norme, la CFE-CGC et ses militants s’activent au quotidien dans les branches professionnelles et les entreprises pour faire vivre un dialogue social plus indispensable que jamais. Témoignages. 

TROIS GÉANTS ET QUATRE GRANDS DOMAINES D’ACTIVITE« L’activité de la restauration collective en France se partage essentiellement entre trois acteurs principaux : Elior, Sodexo, Compass. Elle se subdivise en quatre gros marchés : les entreprises (70 % du chiffre d’affaires environ), la santé (hôpitaux, maisons de retraite, Ehpad, maisons de soins), l’enseignement (écoles, collèges, lycées, universités, publics et privés) et le pénitentiaire. Concernant ce dernier marché, la plupart des grandes prisons de France (Fresnes, Fleury-Mérogis, etc.) voient leur restauration gérée par l’une de nos entreprises. Cette partie n’a pas été impactée par le Covid-19 et pour cause : les clients étant captifs au sens strict du terme. »CRISE SANITAIRE MAIS STABILITÉ ÉCONOMIQUE DANS LES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ« Il en va tout autrement du secteur de la santé durement touché par l’épidémie du fait des errements du début de la crise. Le retard dans la mise en place des mesures de protection et dans l’obligation de porter des masques a entraîné la contamination d’un grand nombre de salariés et de patients. S’il y a eu une catastrophe sanitaire dans les Ehpad, elle est à chercher du côté des entrants et des sortants dans ces établissements durant la période où les mesures barrière étaient insuffisantes. Pour autant, la santé constitue un secteur dans lequel la restauration collective a maintenu ses emplois : il y a toujours eu des malades dans les hôpitaux et du monde dans les maisons de retraite. Les prévisions futures ne laissent pas non plus prévoir d’impacts sur l’emploi. Pour la bonne raison qu’il va falloir rattraper tout le retard des soins décalés et donc que les hôpitaux vont continuer à se remplir et les Ehpad et les maisons de retraite à faire rentrer de nouveaux clients. » 

REDÉMARRAGE FRAGILE DANS L’ENSEIGNEMENT« Dans le secteur de l’enseignement, l’impact a été considérable étant donné la fermeture immédiate des établissements mi-mars. Globalement, tous nos salariés de cette activité ont été mis en chômage partiel. La reprise s’est effectuée un peu dans les lycées, mais vu le petit nombre d’élèves dans les classes, elle ne dépasse pas 20 % de l’activité normale à ce jour.Concernant la phase qui commence le 22 juin, nous espérons que l’activité de restauration va remonter autour de 40 % dans le secteur public. Pour autant, cela ne veut pas dire la reprise de l’emploi. En effet, les entreprises ont concocté des formules alternatives qui nécessitent moins de personnel dans les selfs : fabrication de sacs picnic ; formules au plateau avec des monoproduits ou un choix restreint… Dans le privé, la décision de reprendre les cours pour deux semaines seulement dépend des chefs d’établissement. Nous savons déjà que beaucoup de sites privés n’ont pas les moyens de déployer les processus de sécurité définis par le gouvernement et donc ne rouvriront pas leurs cantines et réfectoires avant la prochaine rentrée. Quant aux universités, elles ne rouvriront pas non plus puisque toute la partie examen est passé en contrôle continu, ce qui signifie que nos salariés concernés vont rester en chômage partiel jusqu’au 31 août. »SUPPRESSIONS D’EMPLOIS ATTENDUES « Concernant les entreprises (tours de bureaux, sièges sociaux, partie administrative, métiers fonctionnels…), elles sont toujours dans la préconisation du télétravail. Il y a donc peu ou pas de réouvertures de restaurants d’entreprise pour le moment et, à ce titre, nos salariés vont rester en chômage partiel pour le moment. Qui plus est, les grandes sociétés de restauration collective approchent déjà les organisations syndicales pour évoquer les suppressions de postes de la rentrée de septembre. Elles anticipent et annoncent une perte de chiffre d’affaire de l’ordre de 40 à 50 %. Elles sont en train de calculer les dispositifs les plus intéressants sur le plan fiscal et économique : plans de départs volontaires, PSE, négociations individuelles… Nous sommes actuellement sur des projections de l’ordre de 1 200 à 3 000 suppressions d’emplois pour chacun des trois géants du secteur, soit environ 15 % des effectifs globaux… » 

LES CADRES DANS LE VISEUR« Ce sont les cadres qui risquent de payer le plus lourd tribut. En effet, ce sont principalement les postes de structure fonctionnelle qui vont être réduits : ressources humaines, contrôle de gestion, finance, managers… Là où il y a trois postes d’encadrement sur un site, il n’y en aura peut-être plus qu’un. En revanche, pour les postes opérationnels au statut agent de maitrise comme chef de cuisine, chef de production, cuisinier, etc., il existera probablement des passerelles de mobilité car ce sont des métiers en tension où le recrutement s’effectue à flux tendu du fait du manque d’attractivité. Ils devraient donc être moins impactés que les postes de cadres. » 

DÉTOURNEMENT DE L’ESPRIT DU CHÔMAGE PARTIEL« La CFE-CGC pèse entre 70 et 85 % de représentativité sur l’encadrement dans les trois grandes entreprises de notre secteur qui sont des sociétés cotées en bourse. Le dialogue social y est correct, mais ce n’est pas pour autant que ces entités vont réduire la voilure de la productivité et de la rentabilité. Nous avons des employeurs très malins… Je dis cela avec beaucoup d’ironie ! Ils vont certainement trouver les meilleurs dispositifs réglementaires et fiscaux durant l’été pour que cette crise leur coûte le moins possible, sachant que la branche professionnelle a obtenu la prolongation du chômage partiel jusqu’au 31 août et que la baisse de prise en charge du chômage partiel au 1er juin est compensée par des allègements de charges sociales.Il y aura un impact économique par la perte du chiffre d’affaire et la présence de frais incompressibles, je ne le nie pas, mais en envisageant d’importantes suppressions de postes, il me semble que nos employeurs prennent le contre-pied du discours de l’État. Celui-ci était de dire : on met en place le chômage partiel, on endette le pays, mais vous maintenez l’emploi. Or ce n’est pas du tout ce qui va se passer puisque les entreprises de la restauration collective vont aller vers des PSE ou des plans de départs volontaires pour réduire l’emploi… » 

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