Formation professionnelle : les réactions syndicales et patronales

Alors que les mesures relatives à la formation professionnelles viennent d’être annoncées par Muriel Pénicaud, ministre du travail, une revue des différentes réactions syndicales et patronales s’impose. 

 

L’U2P satisfaite par les annonces :

L’U2P partage la philosophie des orientations annoncées par la ministre du Travail qui viennent conforter l’accord des partenaires sociaux. Cette réforme constituera l’un des trois piliers, avec l’apprentissage et l’assurance chômage, du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. 

Les mesures rejoignent trois axes majeurs défendus par l’U2P. 

D’abord, la solidarité financière entre grandes entreprises et TPE-PME (de moins de 50 salariés) est renforcée en matière de formation, même si elle reste à préciser. 

De même, la mutualisation des fonds de l’alternance est accrue au profit des petites entreprises, conformément à la demande de l’U2P. Cette perspective est d’autant plus justifiée que plus de la moitié des contrats en alternance sont actuellement réalisés dans les entreprises de proximité (artisanat, commerce de proximité, hôtellerie-restauration, professions libérales) et que le potentiel de contrats supplémentaires y est très important. 

En outre, cette évolution ne s’accompagnera d’aucune augmentation globale des contributions formation des entreprises, une demande qu’a défendue l’U2P dans le cadre de la négociation paritaire. 

Par ailleurs, plusieurs mesures du futur projet de loi répondent à la nécessité de simplifier et de rationaliser le système de la formation professionnelle en France. 

La transformation des OPCA en opérateurs de compétences, que l’U2P ne conteste pas à ce stade, nécessite en revanche de travailler dès aujourd’hui à leurs missions, à la place des entreprises de proximité et à la définition de leur champ, notamment en lien avec le processus de restructuration des branches professionnelles. 

Le Président de l’U2P Alain Griset a affirmé : « La philosophie et l’architecture de cette réforme sont bonnes, notamment pour les entreprises de proximité, sous réserve évidemment des nombreuses précisions qui nous manquent encore. Il nous reste à concrétiser cela progressivement sur le terrain afin de répondre aux besoins en compétences de nos entreprises et d’améliorer définitivement le marché de l’emploi. » 

 

La CPME reste distante :

La CPME a contribué à l’élaboration de l’ANI portant réforme de la formation professionnelle. Ce texte qui favorisera une meilleure articulation entre lesbesoins des individus, des entreprises et des territoires permettra de mieux anticiper les grandes mutations à venir. Autre point à souligner la co-construction des projets professionnels entre salariés (via leur CPF) et entreprises, sera encouragée. Enfin, et il s’agit là d’un élément essentiel pour la Confédération des PME, la mutualisation du financement entre grandes et petites entreprises est renforcée. 

Il convient également de rappeler que cet accord a bien été élaboré en fonction de la feuille de route fixée par le gouvernement … 

Pour autant, et dans une période de pénurie de compétences, la CPME ne souhaite pas polémiquer et privilégie plus que jamais l’intérêt des entreprises et des salariés. 

Dans ce contexte, concentrer la mission des “futurs opérateurs de compétences“, comme l’a annoncé la Ministre du Travail, sur les besoins des entreprises et des salariés est un objectif louable, sous réserve de ne pas recréer une usine à gaz avec l’URSSAF d’un côté et les acteurs de la formation de l’autre. Le risque est de revivre ce que l’on a pu connaître lors de la mise en place du RSI … et la CPME ne peut que mettre en garde le gouvernement sur une telle décision. 

Par ailleurs, si la monétisation du Compte Personnel de Formation (CPF) pourrait effectivement permettre aux salariés de mieux appréhender leurs droits, il serait souhaitable que l’on donne de la même façon à chaque employeur les moyens de connaître précisément ses capacités financières et les offres existantes pour former ses salariés. 

Quant à la simplification de la gouvernance ou à la meilleure évaluation de la qualité des formations, la CPME l’appelle de ses vœux depuis longtemps, sous réserve que cela se fasse dans le respect des prérogatives des partenaires sociaux. 

À cet égard, il est impératif que les représentants des entreprises et de leurs salariés soient étroitement associés à la mise en œuvre des réformesannoncées. À défaut le risque est bien réel de passer d’un système certes complexe, à un dispositif technocratique, éloigné de la réalité du monde del’entreprise. 

 

Le MEDEF demeure prudent :

Le MEDEF a pris connaissance avec intérêt des annonces de la ministre du Travail sur la réforme à venir de la formation professionnelle. L’essentiel des points négociés dans le cadre de l’accord conclu il y a 10 jours entre les partenaires sociaux sont présents : simplification de l’accès aux formations, création d’un CPF de transition, renforcement du conseil en évolution professionnelle, simplification du plan de formation, innovation pédagogique… Les améliorations proposées sont pertinentes. 

Pour autant, le MEDEF s’inquiète de bouleversements annoncés sans concertation qui changent la perception de la formation professionnelle pour les entreprises et les salariés. 

1. La formation professionnelle concerne principalement les entreprises et les salariés car il s’agit d’un élément de compétitivité pour les unes, et d’employabilité à long terme pour les autres. Or les annonces de ce jour démontrent une volonté de « nationalisation » du système en donnant à des acteurs publics un rôle central (Urssaf, Caisse des dépôts et consignation, nouvelle agence d’Etat France Compétence). C’est un contresens. A cet égard, le MEDEF s’inquiète que la collecte des fonds de la formation soit confiée à l’Urssaf : alors que depuis des années le MEDEF se mobilise pour convaincre que la formation professionnelle doit être un investissement, le message envoyé est que cela reste une « taxe » pour les entreprises. 

2. Le dialogue entre le salarié et l’entreprise, dans une démarche de « co-construction » doit être au cœur de la réforme. Pour cela, encore faut-il que le système le favorise. Le choix revendiqué par le gouvernement d’une individualisation totale des droits des salariés et de leur évaluation en Euros, va rendre plus difficile cette co-construction pourtant indispensable. C’est une erreur majeure. 

3. La simplification du système de la formation professionnelle est recherchée par tous les acteurs. Le MEDEF est dans cette dynamique depuisdes années puisqu’il avait été à l’origine de la réforme de 2014 qui a permis de faire évoluer radicalement le système. L’introduction d’un nouvel acteurpublic au périmètre mal défini, qui aura un rôle de « régulation de la qualité et des prix des formations » (agence France compétences), en parallèle «d’opérateurs de compétences » qui seront chargés du financement (des CFA et des plans de formation des PME et TPE) et de l’anticipation des évolutions des métiers, le tout grâce à des fonds collectés par l’Urssaf, laisse un peu sceptique sur la simplification qui en résultera. A cet égard, le MEDEF relèveque la nouvelle agence d’Etat ne semble orientée que vers la régulation et le contrôle alors qu’elle devrait s’inscrire dans une dynamique d’entrainement, deprospective et de montée en qualité de l’ensemble du système. Autant d’éléments pourtant très attendus par les acteurs. 

4. Enfin, le MEDEF attendait que l’Etat précise les réformes qu’il comptait mener dans la formation des demandeurs d’emplois. Depuis plusieurs années, la France est avant dernière dans l’évaluation OCDE de l’efficience du système de formation des demandeurs d’emplois. C’est là qu’un Big Bang est indispensable : accélération de l’entrée en formation, évaluation de la qualité des formations, adéquation des formations aux demandes des entreprises, suivi des demandeurs d’emploi… L’ampleur de la tâche est immense. L’Etat a tous les moyens de la mener à bien. Il est donc très inquiétant que ce sujet ne soit abordé que sous l’angle d’une nouvelle taxe prise sur les entreprises pour financer un plan de formation encore mal défini. Le précédent gouvernement, avec son plan 500 000 formations, avait déjà commis cette erreur. Il faut éviter que cela se reproduise. 

Pour Pierre Gattaz, président du MEDEF : « Nous devons impérativement cultiver l’employabilité des salariés et l’agilité de nos entreprises car 50 % des métiers vont disparaître ou se reconfigurer d’ici 2030. La réforme proposée par le gouvernement répond en partie à ce double défi. Mais il est regrettable qu’il confonde ambition et bouleversement, Big Bang et nationalisation. L’urgence reste d’améliorer le fonctionnement du système aux bénéfices des entreprises et des salariés plutôt que de tout bouleverser. » 

 

La CFDT rappelle ses conditions :

Développement du conseil en évolution professionnelle, majoration du compte personnel de formation (CPF) pour les salariés les moins qualifiés, indemnisation d’un droit pour la reconversion grâce au CPF transition, renforcement des droits pour les salariés des petites entreprises… la ministre a repris l’essentiel des droits créés par l’accord négocié par les partenaires sociaux. L’enjeu essentiel pour la CFDT est que les salariés sesaisissent de ces nouveaux droits. 

En décidant de monétiser le CPF, dont l’unité de mesure ne sera plus l’heure mais l’euro, le projet de loi risque de réduire l’ambition affichée parles partenaires sociaux. La CFDT réaffirme que ce changement d’unité de mesure ne doit pas être un affaiblissement des droits des salariés.Il faudra au cours du débat parlementaire organiser une régulation forte du système pour que ça ne soit pas le cas. 

Les annonces concernant la gouvernance du système de formation professionnelle sont importantes et n’ont fait l’objet d’aucune concertation préalable

– La CFDT n’a jamais fait du circuit de collecte de la cotisation formation professionnelle un enjeu. Mais une telle évolution mérite plus de transparence en terme d’impact financier et d’opérationnalité. 

– La construction d’opérateurs de compétences sur une logique de filières a du sens au vu des mutations économiques et sociales. Mais ces opérateurs ne sont que des outils et leur création ne peut être que la résultante de la restructuration des branches professionnelles. 

– La création de France Compétences permettra au quadripartisme d’avoir un rôle décisionnaire en plus du rôle consultatif actuel. Cela doit renforcer les logiques partenariales. C’est pour cela que la CFDT est attachée à un espace de pilotage paritaire interprofessionnel. 

Enfin plusieurs éléments majeurs ne font pas l’objet d’annonces par la ministre : la réforme de la certification, le travail d’expression des besoins en compétences, le renforcement du dialogue social d’entreprise sur l’accès à la formation et la prise en compte de l’aspect territorial sont tout autant des clefs de la réussite de la réforme. 

Au vu de tous ces enjeux, la CFDT demande l’organisation d’une concertation rapide pour que ces changements ne conduisent pas à un chamboule-tout destructeur, mais permettent au contraire une plus grande efficacité dans le développement des compétences et la sécurisation des parcours de l’ensemble des salariés. 

 

La CGT en colère :

La CGT a alerté, depuis le début de la négociation en novembre dernier, des dangers que comportait la feuille de route du gouvernement, tout en cherchant à orienter la négociation avant qu’elle ne commence. 

Elle n’a cessé de convaincre qu’il fallait se dégager des exigences politiques pour répondre aux nécessaires améliorations des droits en réponses à des besoins aujourd’hui parfaitement diagnostiqués : réduire les inégalités d’accès, favoriser la qualification, les évolutions et reconversions professionnelles, mieux couvrir le territoire à l’aide d’un service public qui accompagne et forme chacun là où il vit, travaille ou recherche un emploi. 

Pour la CGT, il faut aller vers plus de sécurité des personnes tout au long de leur vie et assurer la stabilité de leur contrat de travail en facilitant l’accès à une formation de qualité rémunérée sur le temps de travail. C’est ce qui a guidé la CGT dans sa volonté de développer le CIF : congé individuel de formation 

Les objectifs annoncés aujourd’hui sont tout autres, à l’instar de la politique destructrice du droit du travail, c’est de nouveau un tournant libéral indéniable. Et le big bang risque bien de produire le néant ! 

La CGT n’est pas surprise du mépris avec lequel sont traités les acteurs sociaux, encore une fois, ce gouvernement leur dénie le droit de négocier en instaurant « un chèque formation » pour solde de tout compte rejeté par les 8 organisations syndicales et patronales autour de la table de négociation. 

Il fragilise encore le monde du travail en érigeant une individualisation totale des travailleurs, désormais, seuls responsables de leur employabilité. 

Il fait la part belle aux trop nombreux organismes de formation, qui ont les mains libres pour marchandiser la formation …ne serait-ce pas une nouvelle fois une promesse qui n’engage que ce qui y croient ? 

Avec la CGT, il est temps de se mobiliser pour un service public de la formation professionnelle initiale et continue dès le 22 mars. 

 

FO reste bienveillante :

Signataire de l’accord paritaire sur la formation (ANI) sur la formation professionnelle, FO a écouté attentivement la position du gouvernement sur ce dossier. 

Si les dispositions de l’accord relatives aux droits nouveaux des salariés sont reprises par le gouvernement y compris le Compte Personnel de Formation (CPF) transition (équivalent du Congé Individuel de Formation ou CIF), d’autres points nécessitent des éclaircissements compte-tenu de leur danger potentiel. Il s’agit notamment de la monétisation du CPF qui risque de faire perdre des droits aux salariés, du rôle futur de l’interprofessionnel en matière de formation professionnelle, et des conséquences du recouvrement par l’URSSAF. 

Sur tous ces points, Force Ouvrière entend poursuivre avec détermination les discussions avec le gouvernement pour voir si ces inquiétudes peuvent être levées et afin de s’assurer que les droits individuels sont bien garantis collectivement. 

Par ailleurs, le Bureau Confédéral décide de signer l’ANI relatif à la réforme de l’assurance chômage qui vient compléter la convention de l’année dernière et prévoit la mise en place d’un système de bonus-malus. FO rappelle aussi qu’elle est opposée à la création d’un statut particulier pour les travailleurs des plateformes. 

L’UNSA reste suspicieuse :

La ministre du Travail vient d’annoncer ses arbitrages concernant la réforme de la formation professionnelle qui, pour une large part, reprend l’esprit de l’accord négocié par les partenaires sociaux. 

L’UNSA souligne le renforcement du Conseil en Evolution Professionnelle (CEP) et du Compte Prévisionnel de Formation (CPF), mais sa monétisation pose question, notamment pour garantir l’équité d’accès à la formation. 

L’UNSA se félicite que les salariés à temps partiel, en majorité des femmes, puissent bénéficier des mêmes droits que les salariés à temps plein. C’est un élément fort de lutte contre la précarité et qui concourt à l’égalité professionnelle Femmes Hommes. 

L’UNSA, qui a toujours milité pour la mise en place d’une véritable démarche de qualité formation et pour un contrôle renforcé des coûts, accueille favorablement les arbitrages annoncés sur ce sujet. 

Il en est de même concernant la collecte qui sera confiée aux URSSAF permettant ainsi de sécuriser les fonds de la formation professionnelle. 

Pour autant, l’UNSA, tout en étant pour une simplification du système de la formation professionnelle, s’interroge fortement sur différentes annonces, notamment en matière de gouvernance, sur la création de « France Compétences » et des opérateurs de compétences. En effet, sous couvert de simplification, ne serait-ce pas plutôt une reprise en main directe par l’Etat ? 

Le rôle alloué à chacun des acteurs (partenaires sociaux, Etat, Régions) et l’articulation des missions au plan national et régional, comme au sein de « France Compétences », restent à préciser. 

Par ailleurs, pour faciliter l’accès à la formation des salariés des TPE et PME, qui est effectivement une priorité, l’UNSA regrette que les freins identifiés, n’aient pas été traités, tel que le remplacement du salarié en formation. 

Ce volet « formation professionnelle » sera inséré dans une loi « la liberté de choisir son avenir professionnel » au service de la sécurisation des parcours professionnels de tous les actifs. 

C’est au regard de la globalité du projet de loi que l’UNSA se prononcera sur le volet sécurité pour les salariés et l’effectivité de leurs droits. 

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