Cet article a été publié initialement sur le site du syndicat de salariés CFDT.
Le comité présidé par Robert Badinter a rendu un rapport qui énonce 61 principes fondamentaux du droit du travail. La première brique d’une réforme dont nombre de points sont encore en suspens.
Énoncer les principes fondamentaux du droit du travail : la mission confiée à la fin novembre 2015 à un comité présidé par l’ancien garde des Sceaux Robert Badinter était aussi concise qu’abyssale. Au terme de deux mois d’un « travail considérable d’analyse des textes constitutionnels, législatifs, internationaux et notamment européens et de la jurisprudence constitutionnelle, judiciaire et administrative », le rapport Badinter énonce avec la même concision (en douze pages seulement) les 61 articles qui constituent les principes fondamentaux du droit du travail en France, « à droits constants », et fort d’une conviction : « Le cœur du droit du travail français, c’est la volonté d’assurer le respect des droits fondamentaux de la personne humaine au travail. » L’objectif affiché est d’écrire ainsi le préambule au futur code du travail afin de l’éclairer et de constituer « un système de références pour ceux qui auront pour mission d’interpréter les règles et de les appliquer ».
Des droits individuels et collectifs au travail
La CFDT a accueilli plutôt positivement ce travail, même s’il passe à côté de l’opportunité de définir des droits pour l’ensemble des travailleurs. « La définition de ces principes de droit du travail devait permettre de faire émerger des droits nouveaux, en phase avec l’évolution de la société, en allant au-delà des seuls salariés et en protégeant l’ensemble des travailleurs (indépendants, demandeurs d’emploi, candidats à l’embauche et stagiaires) », regrette la secrétaire nationale Marylise Léon. Reste qu’en réaffirmant un certain nombre de principes essentiels – le CDI comme forme normale du contrat de travail, le droit à une représentation syndicale, la durée légale du travail définie par la loi et le droit à des compensations au-delà, la conciliation des temps, etc. –, « le rapport réaffirme que notre modèle social s’appuie sur des droits individuels et collectifs du salarié au travail, y compris le droit de grève, pourtant largement mis à mal dans la période en dehors de notre pays », a acté Laurent Berger.
Un maillon dans la réforme
Manuel Valls a confirmé que « ces principes formeront le chapitre introductif du code du travail ». Le Premier ministre a également rappelé qu’il s’agissait là d’ « une première étape de notre démarche afin d’établir une nouvelle architecture distinguant ce qui tient des droits fondamentaux, garantis à tous, ce qui peut être décidé par accord et les règles applicables au cas où il n’y aurait pas d’accord ». Outre que le futur projet de loi qui sera porté par la ministre du Travail, « en collaboration étroite avec Emmanuel Macron » pourra compléter ces principes le cas échéant, il inclura une réécriture complète des règles relatives au temps de travail. Et si la concertation avec les partenaires sociaux est en cours, Manuel Valls a confirmé, après François Hollande, la possibilité de moduler le temps de travail au-delà d’une année et des marges accrues pour la négociation d’entreprise sur les heures supplémentaires. Le projet de loi installera par ailleurs la commission chargée de réécrire intégralement le code du travail d’ici 2018.
De multiples questions en suspens
Le gouvernement a fixé bien d’autres objectifs au futur projet de loi El Khomri : renforcer l’accord majoritaire, faire prévaloir l’accord sur le contrat de travail quand l’emploi est en jeu, permettre de renouveler et renégocier plus facilement les accords (l’un des sujets du rapport Cesaro remis le 22 janvier), restructurer les branches professionnelles, mettre en place le compte personnel d’activité et « rapprocher la protection sociale des indépendants de celle des salariés », financements à la clé (ce sera l’objet du rapport Terrasse, attendu le 8 février). Sur l’ensemble de ces points, nombre de questions restent en suspens. Comme l’a souligné Laurent Berger réagissant au rapport Badinter, « on n’en est qu’au tout début d’un long processus ». C’est donc étape par étape, brique par brique que pourra être prise la mesure du nouvel édifice en cours de construction.