Le règlement intérieur est-il automatiquement transmis en cas de transfert de salarié ?

Cette publication provient du site du syndicat de salariés CFDT

 

En cas de transfert impératif des salariés en application de l’article L.1224-1 du Code du travail, le nouvel employeur peut-il se fonder sur le règlement intérieur de la société dont sont issus les salariés transférés pour les sanctionner ? Non, répond la Cour de cassation, le règlement intérieur n’est pas transféré avec les salariés. Cass.soc.17.10.18, n°17-16465. 

  • Faits, procédure, prétentions

Une société est scindée en 5 entités économiques. Les contrats de travail des salariés qui étaient affectés à l’une de ces entités sont transférés à une nouvelle société. 

L’employeur reprenant les salariés issus de cette entité se fonde sur le règlement intérieur (RI) en vigueur dans la société d’origine des salariés pour les sanctionner. 

Un syndicat décide alors de contester l’application par le nouvel employeur du règlement intérieur de la société ayant fait l’objet de la scission aux salariés transférés et désormais employés par une nouvelle société. Il saisit le tribunal de grande instance en référé pour voir suspendue cette application du règlement intérieur litigieux et dire que l’employeur ne peut prononcer de sanction sur ce fondement. 

La cour d’appel accueille la demande et suspend l’application dudit RI. A la suite de quoi, l’employeur se pourvoit en cassation et prétend que le règlement intérieur avait été transmis au nouvel employeur à titre d’engagement unilatéral. 

  • Le règlement intérieur n’est pas transmis avec les contrats de travail

Saisie de la question de savoir si le RI se transmettait à la société nouvelle, la Cour de cassation répond sans ambages par la négative. 

La Haute juridiction approuve les juges du fond en ces termes : « le règlement intérieur s’imposant aux salariés avant le transfert de plein droit de leurs contrats de travail, aux termes de l’article L.1224-1 du code du travail, vers une société nouvellement créée n’était pas transféré avec ces contrats de travail ». 

Pourquoi ? Deux raisons principales à cette solution. 

-Tout d’abord, le règlement intérieur n’a pas la nature d’un engagement unilatéral de l’employeur (lequel ne pourrait créer d’obligations à l’égard des salariés). Et la Cour de cassation de nous rappeler que celui-ci constitue « un acte réglementaire de droit privé dont les conditions sont encadrées par la loi ». 

-Ensuite, la société devenue nouvel employeur des salariés venait d’être créée ; or, toute société nouvellement créée et employant au moins 20 salariés (1) doit établir un règlement intérieur « dans les 3 mois suivant son ouverture » (2). Et ce, en respectant les conditions préalables à l’adoption d’un RI, c’est-à-dire l’obligation de soumettre celui-ci à l’avis du CSE, puis de le transmettre à l’inspection du travail accompagné de cet avis et d’en faire la publicité sur le lieu de travail (3). 

Toutes choses dont le nouvel employeur s’était cru dispensé en reprenant le RI de l’ancienne société… 

  • Pas de sanctions fondées sur l’ancien règlement intérieur

Enfin, la Cour de cassation approuve les juges d’avoir accueilli la demande de suspension de l’application des sanctions disciplinaires issues du RI car l’ensemble de ces circonstances (absence d’adoption d’un RI dans la nouvelle société, de consultation du CSE, de transmission à l’inspection du travail…) caractérisaient selon elle un « trouble manifestement illicite ». 

Ces faits habilitaient donc les juges des référés à en suspendre l’application tant que les formalités légales et réglementaires d’adoption d’un nouveau RI ne seraient pas accomplies et à faire interdiction à l’employeur de prononcer des sanctions sur ce fondement ! 

Qui peut se prononcer sur la légalité du règlement intérieur ? Le règlement intérieur (RI) peut faire l’objet de plusieurs types de recours. L’inspection du travail étant compétente pour se prononcer sur la légalité du RI lors de son adoption ou de sa modification, ou sanctionner la non-adoption d’un RI lorsque celle-ci est obligatoire (c’est-à-dire dans les entreprises d’au moins 20 salariés), sa décision peut faire l’objet d’un recours hiérarchique dans les 2 mois de sa notification. Un recours contentieux devant les juridictions administratives est aussi possible. Par ailleurs, les juridictions judiciaires peuvent également se prononcer sur la légalité du RI, ou de l’une de ses clauses. Ainsi, cette question peut-elle être soulevée lors d’une instance prud’homale lorsqu’une sanction disciplinaire est contestée. Dans ce cas, même si le conseil de prud’hommes annule la sanction, le règlement intérieur reste en vigueur à l’égard des autres salariés ; la clause illicite est simplement écartée pour le litige en cours. Le conseil de prud’hommes doit alors adresser une copie du jugement à l’inspection du travail (3). Enfin, plus radicalement, la légalité du RI peut être contestée devant le tribunal de grande instance. L’action des syndicats est alors recevable sur le fondement de l’action en défense de l’intérêt collectif de la profession (4). C’est de ce type d’action dont il s’agissait ici. 

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