Sécurité sociale des migrants : les précisions de la CJUE

Cet article est initialement paru sur le site Décider et Entreprendre.

 

La Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée le 27 octobre dernier sur une question concernant la sécurité sociale des travailleurs migrants. 

 

Une affaire venant des Pays-Bas

Dans l’affaire traitée par la CJUE, un travailleur autrichien, Monsieur W. a été employé sur des navires appartenant à une entreprise néerlandaise liant les Pays-Bas aux Etats-Unis de 1962 à 1966. Ce travailleur s’est installé aux Etats-Unis dès 1966 et a obtenu la nationalité américaine en 1969, perdant ainsi sa nationalité autrichienne. En 2008, cet individu a demandé à recevoir sa pension de vieillesse en provenance des Pays-Bas. Mais sa demande a été rejetée au motif que de son 15e à son 65e anniversaire, il n’a pas été assuré au titre de l’assurance vieillesse néerlandaise. Monsieur W. a donc décidé que sa résidence principale serait située en Autriche à compter du 3e octobre 2008. 

En parallèle, un autre travailleur autrichien, Monsieur R. a également travaillé sur le même type de navires de 1962 à 1963. En 2009, il a demandé à recevoir sa pension vieillesse. Il a bien reçu les pensions autrichiennes, pays dans lequel il résidait à cette date. En revanche, l’assurance vieillesse néerlandais a refusé de lui verser sa pension vieillesse au motif qu’il n’avait pas été assuré à ce titre. 

Monsieur W. et Monsieur R. ont tous deux contesté avec succès ces décisions de refus de l’assurance vieillesse néerlandaise. Cette dernière a donc interjeté appel. La juridiction de renvoi se pose alors plusieurs questions : 

  • l’article 3 et l’article 94 paragraphes 1 et 2 du règlement 1408/71 (application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs) s’opposent-ils à une réglementation d’un État membre qui ne prend pas en considération, pour la détermination des droits à des prestations de vieillesse, une période d’assurance prétendument accomplie sous sa propre législation par un travailleur étranger lorsque, comme dans l’affaire au principal mettant en cause Monsieur R., l’État dont ce travailleur est ressortissant a adhéré à l’Union postérieurement à l’accomplissement de cette période ?

 

  • Les articles 18 (principe d’interdiction de discrimination) et 45 TFUE (libre circulation des travailleurs) s’opposent-ils à la législation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle un marin qui a fait partie pendant une période déterminée de l’équipage d’un navire ayant son port d’attache sur le territoire de cet État membre et qui résidait à bord de ce navire est exclu du bénéfice de l’assurance vieillesse au titre de cette période au motif qu’il n’était pas ressortissant d’un État membre pendant ladite période ?

 

  • L’article 2, paragraphes 1 et 2 du règlement 859/2003 (extension aux ressortissants des pays tiers du règlement 1408/71) s’oppose-t-il à la réglementation d’un État membre selon laquelle une période d’emploi accomplie sous la législation de cet État membre par un travailleur salarié qui, comme dans l’affaire au principal mettant en cause Monsieur W., n’était pas ressortissant d’un État membre pendant cette période, mais qui, au moment où il sollicite le versement d’une pension de vieillesse, relève du champ d’application de l’article 1er de ce règlement n’est pas prise en considération par cet État membre pour la détermination des droits à pension de ce travailleur ?

 

La solution de la CJUE

La CJUE tranche sur chacune des questions dans les termes suivants. 

D’abord, sur la première question, l’article 94 paragraphes 1 et 2 du règlement 1408/71 ne s’oppose pas à l’existence d’une réglementation d’un Etat membre qui ne prend pas en considération, pour la détermination des droits à des prestations de vieillesse, une période d’assurance prétendument accomplie sous sa propre législation par un travailleur étranger, lorsque l’Etat dont ce travailleur est ressortissant a adhéré à l’Union européenne postérieurement à l’accomplissement de cette période. Monsieur R. n’est donc pas fondé à demander le versement de sa pension vieillesse néerlandaise. 

Ensuite, sur la seconde question, les articles 18 et 45 du TFUE ne s’opposent pas à la législation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle un marin qui a fait partie pendant une période déterminée de l’équipage d’un navire ayant son port d’attache sur le territoire de cet État membre et qui résidait à bord de ce navire est exclu du bénéfice de l’assurance vieillesse au titre de cette période au motif qu’il n’était pas ressortissant d’un État membre pendant ladite période. Monsieur R. ne saurait donc exiger que les Pays-Bas le traitent comme un ressortissant d’un Etat membre alors que l’Autriche n’adhérait pas encore à l’UE lors de sa période d’emploi sur les navires néerlandais. 

Enfin, sur la troisième question, l’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement 859/2003 ne s’oppose pas à la réglementation d’un État membre selon laquelle une période d’emploi accomplie sous la législation de cet État membre par un travailleur salarié qui n’était pas ressortissant d’un État membre pendant cette période, mais qui, au moment où il sollicite le versement d’une pension de vieillesse, relève du champ d’application de l’article 1er de ce règlement n’est pas prise en considération par cet État membre pour la détermination des droits à pension de ce travailleur. 

Monsieur W. n’est donc pas fondé à demander le versement de sa pension vieillesse néerlandaise. 

 

Retrouvez, ci-après, le texte original de la décision de la CJUE : 

 

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 18 et de l’article 45, paragraphe 2, TFUE, des articles 3 et 94 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005 (JO 2005, L 117, p. 1) (ci-après le « règlement n° 1408/71 »), ainsi que de l’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement (CE) n° 859/2003 du Conseil, du 14 mai 2003, visant à étendre les dispositions du règlement n° 1408/71 et du règlement (CEE) n° 574/72 aux ressortissants de pays tiers qui ne sont pas déjà couverts par ces dispositions uniquement en raison de leur nationalité (JO 2003, L 124, p. 1). 

2 Cette demande a été présentée dans le cadre de deux litiges distincts opposant le Raad van bestuur van de Sociale verzekeringsbank (conseil d’administration de la caisse de sécurité sociale, ci-après le « SVB ») à MM. F. Wieland et H. Rothwangl, au sujet du refus du SVB d’octroyer à ces derniers une pension de vieillesse. 

Le cadre juridique  

Le droit de l’Union 

Le règlement n° 1408/71 

3 Le premier considérant du règlement n° 1408/71 énonce : 

« […] les règles de coordination des législations nationales de sécurité sociale s’inscrivent dans le cadre de la libre circulation des personnes et doivent contribuer à l’amélioration de leur niveau de vie et des conditions de leur emploi ». 

4 L’article 1er de ce règlement est ainsi libellé : 

« Aux fins de l’application du présent règlement : 

a) les termes “travailleur salarié” […] désignent […] toute personne : 

i) qui est assurée au titre d’une assurance obligatoire ou facultative continuée contre une ou plusieurs éventualités correspondant aux branches d’un régime de sécurité sociale s’appliquant aux travailleurs salariés ou non salariés […] 

[…] 

j) le terme “législation” désigne, pour chaque État membre, les lois, les règlements, les dispositions statutaires et toutes les autres mesures d’application, existants ou futurs, qui concernent les branches et les régimes de sécurité sociale visés à l’article 4, paragraphes 1 et 2 […] 

[…] 

r) le terme “périodes d’assurance” désigne les périodes de cotisation, d’emploi ou d’activité non salariée telles qu’elles sont définies ou admises comme périodes d’assurance par la législation sous laquelle elles ont été accomplies ou sont considérées comme accomplies, ainsi que toutes les périodes assimilées dans la mesure où elles sont reconnues par cette législation comme équivalant aux périodes d’assurance, les périodes accomplies dans le cadre d’un régime spécial des fonctionnaires sont également considérées comme des périodes d’assurance ; 

[…] 

s bis) le terme “périodes de résidence” désigne les périodes définies ou admises comme telles par la législation sous laquelle elles ont été accomplies ou sont considérées comme accomplies ; 

[…] » 

5 L’article 2 dudit règlement, intitulé « Personnes couvertes », dispose, à son paragraphe 1 : 

« Le présent règlement s’applique aux travailleurs salariés ou non salariés et aux étudiants qui sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs États membres et qui sont des ressortissants de l’un des États membres ou bien des apatrides ou des réfugiés résidant sur le territoire d’un des États membres ainsi qu’aux membres de leur famille et à leurs survivants. » 

6 L’article 3 de ce même règlement, intitulé « Égalité de traitement », énonce, à son paragraphe 1 : 

« Les personnes auxquelles les dispositions du présent règlement sont applicables sont soumises aux obligations et sont admises au bénéfice de la législation de tout État membre dans les mêmes conditions que les ressortissants de celui-ci, sous réserve de dispositions particulières contenues dans le présent règlement. » 

7 Aux termes de l’article 4 du règlement n° 1408/71, intitulé « Champ d’application matériel » : 

« 1. Le présent règlement s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent : 

[…] 

b) les prestations d’invalidité, y compris celles qui sont destinées à maintenir ou à améliorer la capacité de gain ; 

c) les prestations de vieillesse ; 

[…] » 

8 L’article 13 de ce règlement, intitulé « Règles générales », prévoit, à son paragraphe 2 : 

« Sous réserve des articles 14 à 17 : 

[…] 

c) la personne qui exerce son activité professionnelle à bord d’un navire battant pavillon d’un État membre est soumise à la législation de cet État ; 

[…] » 

9 L’article 44 dudit règlement, intitulé « Dispositions générales concernant la liquidation des prestations lorsque le travailleur salarié ou non salarié a été assujetti à la législation de deux ou plusieurs États membres », dispose, à son paragraphe 1 : 

« Les droits à prestations d’un travailleur salarié ou non salarié qui a été assujetti à la législation de deux ou plusieurs États membres, ou de ses survivants, sont établis conformément aux dispositions du présent chapitre. » 

10 Conformément à l’article 45 du règlement n° 1408/71, l’institution compétente de l’État membre du demandeur doit tenir compte des périodes d’assurance ou de résidence accomplies sous la législation des autres États membres. Si l’institution compétente est tenue de calculer les prestations en fonction de périodes d’assurance ou de résidence totalisées conformément aux règles prévues à cet article 45, les prestations accordées au titre de la pension de vieillesse sont liquidées conformément à l’article 46, paragraphe 2, de ce règlement. 

11 L’article 94 dudit règlement, intitulé « Dispositions transitoires pour les travailleurs salariés », prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 : 

«1. Le présent règlement n’ouvre aucun droit pour une période antérieure au 1er octobre 1972 ou à la date de son application sur le territoire de l’État membre intéressé, ou sur une partie du territoire de cet État. 

  1. er octobre 1972 ou avant la date d’application du présent règlement sur le territoire de cet État membre ou sur une partie du territoire de cet État est prise en considération pour la détermination des droits ouverts conformément aux dispositions du présent règlement. »

Le règlement n° 859/2003 

12 L’article 1er du règlement n° 859/2003 dispose : 

« Sous réserve des dispositions de l’annexe du présent règlement, les dispositions du règlement (CEE) n° 1408/71 et du règlement (CEE) n° 574/72 s’appliquent aux ressortissants de pays tiers qui ne sont pas déjà couverts par ces dispositions uniquement en raison de leur nationalité ainsi qu’aux membres de leur famille et à leurs survivants, dès lors qu’ils se trouvent en situation de résidence légale dans un État membre et dans des situations dont tous les éléments ne se cantonnent pas à l’intérieur d’un seul État membre. » 

13 Selon l’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 859/2003 : 

«1. Le présent règlement n’ouvre aucun droit pour une période antérieure au 1er juin 2003. 

  1. er juin 2003 est prise en considération pour la détermination des droits ouverts conformément aux dispositions du présent règlement. »

Le droit néerlandais 

14 L’article 2 de l’Algemene Ouderdomswet (loi sur l’assurance vieillesse généralisée, Stb. 1956, n° 281, ci-après l’« AOW »), dans sa version applicable aux faits au principal, prévoit : 

« Est résident au sens de la présente loi, la personne qui réside aux Pays-Bas. » 

15 L’article 3 de l’AOW, dans sa rédaction applicable jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 30 juillet 1965 (Stb. 347, n° 882), énonçait : 

«1. Le lieu de résidence d’une personne […] est déterminé en fonction des circonstances. 

[…] 

16 L’article 3 de l’AOW, dans sa rédaction issue de la loi du 30 juillet 1965, est libellé comme suit : 

« 1. Le lieu de résidence d’une personne […] est déterminé selon les circonstances. 

[…] » 

17 L’article 6 de l’AOW, dans sa version issue de la loi du 25 mai 1962 (Stb. 1962, p. 205) et entrée en vigueur rétroactivement à compter du 1er octobre 1959, disposait : 

« 1. Est assurée conformément aux dispositions de la présente loi, la personne âgée de plus de 15 ans et de moins de 65 ans, si : 

a) elle est résidente ; 

[…] 

a) à l’égard des étrangers ; 

b) à l’égard des personnes auxquelles s’applique un régime similaire en dehors du Royaume ; 

c) à l’égard des personnes qui ne résident que temporairement ou qui ne travaillent que temporairement dans le pays ; 

d) à l’égard des conjoints et autres membres du ménage […] de personnes visées au présent paragraphe, sous b) et c) ; 

e) à l’égard des conjoints de ressortissants, [qui ne sont pas assurés par la présente loi] en vertu d’un accord ou d’un régime de sécurité sociale applicable entre les Pays-Bas et un ou plusieurs autres États. » 

18 L’article 6 de l’AOW, dans sa version issue de la loi du 30 juillet 1965, est libellé comme suit : 

« 1. Est assurée conformément aux dispositions de la présente loi, la personne âgée de plus de 15 ans et de moins de 65 ans, si : 

a) elle est résidente ; 

[…] 

a) à l’égard des étrangers ; 

b) à l’égard des personnes auxquelles s’applique un régime similaire d’une autre partie du Royaume, d’un autre État ou d’une autre organisation internationale ; 

c) à l’égard des personnes qui ne résident que temporairement ou qui ne travaillent que temporairement dans le pays ; 

d) à l’égard des conjoints et autres membres du ménage de personnes visées au présent paragraphe, sous a), b) et c) ; 

e) à l’égard des conjoints de ressortissants, qui ne sont pas assurés par la présente loi en vertu d’un accord ou d’un régime de sécurité sociale conclu entre les Pays Bas et un ou plusieurs autres États. » 

19 Aux termes de l’article 7 de l’AOW, dans sa version applicable aux faits au principal : 

« Ont droit à une pension de vieillesse conformément aux dispositions de la présente loi les personnes : 

a) qui ont atteint l’âge de 65 ans, et 

b) qui, conformément à la présente loi, étaient assurées pendant la période prenant cours le jour où elles ont atteint l’âge de 15 ans et expirant le jour où elles ont atteint l’âge de 65 ans. » 

20 Sur la base de l’article 6 de l’AOW, des mesures générales d’administration ont été successivement adoptées, au nombre desquelles figurent, s’agissant des périodes en cause au principal, le Besluit uitbreiding en beperking kring verzekerden volksverzekeringen (arrêté sur l’extension et la limitation du cercle d’affiliés aux assurances sociales), du 10 juillet 1959 (Stb.1959, n° 230, ci-après l’« arrêté royal 230 »), et le Besluit uitbreiding en beperking kring verzekerden volksverzekeringen (arrêté sur l’extension et la limitation du cercle d’affiliés aux assurances sociales), du 1er janvier 1963 (Stb. 1963, n° 24, ci-après l’« arrêté royal 24 »). 

21 L’article 2, phrase introductive et sous k), de l’arrêté royal 230 ainsi que l’article 2, phrase introductive et sous k), de l’arrêté royal 24 prévoyaient, dans des termes identiques, ce qui suit : 

« […] par dérogation à l’article 6, paragraphe 1, de [l’AOW], à l’article 7 de la loi sur l’assurance généralisée des veuves et des orphelins et à l’article 6 de la loi générale sur les allocations familiales, n’est pas assuré : 

[…] 

k) l’étranger qui fait partie de l’équipage d’un navire ayant son port d’attache sur le territoire du Royaume, pour autant qu’il réside à bord dudit navire ». 

22 L’article 2, sous k), de l’arrêté royal 24 est devenu, après modification de ce dernier par l’arrêté du 11 août 1965 (Stb. 373), l’article 2, sous m). 

23 En vertu de l’article 16, paragraphe 1, de l’AOW, dans sa version applicable aux faits au principal, la pension de vieillesse prend cours le premier jour du mois au cours duquel l’intéressé satisfait aux conditions du droit à une telle pension. 

Les litiges au principal et les questions préjudicielles 

24 M. Wieland est né le 20 mars 1943 en Autriche et possédait la nationalité autrichienne par naissance. Du 11 octobre 1962 au 7 mars 1966, il a travaillé à bord de navires appartenant à Holland-Amerika Lijn (ci-après « HAL »), société de droit néerlandais exploitant une liaison maritime entre les Pays-Bas et les États-Unis d’Amérique. 

25 Au cours de l’année 1966, M. Wieland s’est installé aux États-Unis et a obtenu, le 29 août 1969, la nationalité américaine, perdant de ce fait la nationalité autrichienne. 

26 Au mois d’avril 2008, M. Wieland a demandé au SVB de lui verser une pension de vieillesse à partir de la date de son soixante‑cinquième anniversaire. 

27 Par décision du 15 avril 2008, le SVB a rejeté cette demande au motif que, pendant la période allant de son quinzième à son soixante-cinquième anniversaire, M. Wieland n’avait pas été assuré au titre de l’AOW. Le 3 octobre 2008, l’intéressé a informé le SVB que, à compter de cette date, sa résidence principale était désormais située en Autriche. 

28 M. Rothwangl est né le 7 décembre 1943 et possède la nationalité autrichienne. Du 6 novembre 1962 au 23 avril 1963, il a travaillé à bord de navires appartenant à HAL. 

29 Le 12 janvier 2009, M. Rothwangl a demandé au SVB de lui verser une pension de vieillesse. À cette date, il résidait en Autriche, pays dans lequel, selon les données du SVB, il avait été assuré légalement contre le risque vieillesse pendant une période totale de 496 mois allant du mois d’avril 1958 au mois de juillet 1998. 

30 M. Rothwangl a bénéficié, à compter du 1er mars 1998, d’une pension autrichienne pour incapacité de travail (Erwerbsunfähigkeitspension) et, à compter du 1er septembre 1998, d’une pension suisse d’invalidité. Du 29 novembre 1998 au 1er décembre 2008, il a, en outre, perçu une allocation au titre de la Wet op de arbeidsongeschiktheidsverzekering (loi relative à l’assurance contre l’incapacité de travail), d’un montant de 1,08 euro brut par jour. 

31 Par décision du 26 mai 2009, le SVB a refusé à M. Rothwangl l’octroi de la pension de vieillesse demandée au motif que, pendant la période allant de son quinzième à son soixante-cinquième anniversaire, il n’avait pas été assuré au titre de l’AOW. 

32 MM. Wieland et Rothwangl ont tous deux contesté avec succès les décisions du SVB devant le Rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam, Pays-Bas). Le SVB a interjeté appel devant la juridiction de renvoi. 

33 Dans la décision de renvoi, le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique, Pays-Bas) fait référence à l’arrêt de la Cour EDH du 4 juin 2002, Wessels-Bergervoet c. Pays-Bas (CE:ECHR:2002:1112JUD003446297), dans lequel cette dernière juridiction a jugé que la décision de l’institution néerlandaise de ne verser à une femme mariée, sur le fondement de l’AOW, qu’une pension de vieillesse réduite était constitutive d’une violation de l’article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), lu en combinaison avec l’article 1er du protocole additionnel à la CEDH, signé à Paris le 20 mars 1952. 

34 La juridiction de renvoi explique que, si les juridictions néerlandaises ont, dans des cas mettant en cause des droits à pension de vieillesse de marins, appliqué le raisonnement suivi par la Cour EDH dans l’arrêt du 4 juin 2002, Wessels-Bergervoet c. Pays-Bas (CE:ECHR:2002:1112JUD003446297), elle considère toutefois que la situation de MM. Wieland et Rothwangl se distingue de ces cas et que la différence de traitement fondée sur la nationalité, que les autorités néerlandaises compétentes ont opérée dans les affaires au principal, est justifiée au regard de l’article 14 de la CEDH. Elle se demande si le règlement n° 1408/71, lu en combinaison avec le règlement n° 859/2003 ainsi qu’avec les articles 18 et 45 TFUE, pourrait être pertinent dans ces affaires. 

35 S’agissant de M. Rothwangl, cette juridiction considère que, en raison de ses activités professionnelles pendant les années 60, celui-ci doit aujourd’hui être qualifié de travailleur au sens non seulement du traité FUE, mais également du règlement n° 1408/71. Elle estime par ailleurs que le fait pour l’intéressé de ne pas avoir eu la nationalité d’un État membre entre le 6 novembre 1962 et le 23 avril 1963, période pendant laquelle il était employé par HAL, ne s’oppose pas à ce que ce règlement s’applique aux activités professionnelles exercées pendant cette période, puisque M. Rothwangl satisfait à la condition de nationalité imposée par ledit règlement du fait de l’adhésion, qui a pris effet le 1er janvier 1995, de la République d’Autriche à l’Union européenne. 

36 La juridiction de renvoi se pose la question de savoir si la période pendant laquelle M. Rothwangl a été employé comme marin par HAL doit être considérée comme une période d’assurance au sens de l’article 94, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71. Elle considère à cet égard qu’il convient de prendre en considération les articles 18 et 45 TFUE ainsi que l’article 3 du règlement n° 1408/71. 

37 En ce qui concerne M. Wieland, la juridiction de renvoi se demande si la réponse à la question de l’applicabilité du règlement n° 1408/71 doit être la même que celle qui a été donnée dans le cas de M. Rothwangl, étant donné que la libre circulation des travailleurs ne s’applique pas aux ressortissants d’États tiers et que M. Wieland ne possède plus, depuis le 29 août 1969, la nationalité autrichienne. 

38 C’est dans ces circonstances que le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes : 

« 1) L’article 3 et l’article 94, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1408/71 doivent-ils être interprétés en ce sens que ces dispositions s’opposent à ce qu’un ancien marin, qui faisait partie de l’équipage d’un navire ayant un port d’attache dans un État membre, qui ne disposait pas d’une résidence sur la terre ferme et qui n’était pas ressortissant d’un État membre, se voie refuser (partiellement) une pension de vieillesse après que l’État dont il a la nationalité a adhéré à (un prédécesseur en droit de) l’Union ou après que le règlement n° 1408/71 est entré en vigueur à l’égard [de] cet État, au seul motif que cet ancien marin n’avait pas la nationalité de l’État membre (cité en premier lieu) pendant la période d’assurance (alléguée) ? 

2) Les articles 18 et 45 TFUE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle un marin, qui faisait partie de l’équipage d’un navire ayant un port d’attache dans cet État membre, qui ne disposait pas d’une résidence sur la terre ferme et qui n’était pas ressortissant d’un État membre, était exclu de l’assurance pour la pension de vieillesse, alors que cette réglementation considère comme assuré un marin ressortissant de l’État membre où le navire a son port d’attache qui se trouve pour le surplus dans les mêmes circonstances, si, entre-temps, l’État dont le marin cité en premier lieu était ressortissant au moment de la détermination de la pension a adhéré à (un prédécesseur en droit de) l’Union ou si, entre-temps, le règlement n° 1408/71 est entré en vigueur à l’égard de cet État ? 

3) Les première et deuxième questions appellent-elles des réponses identiques dans le cas d’un (ancien) marin qui, lorsqu’il était actif, avait la nationalité d’un État membre qui a adhéré ultérieurement à (un prédécesseur en droit de) l’Union, mais qui, au moment de cette adhésion ou de l’entrée en vigueur du règlement n° 1408/71 à l’égard de cet État et au moment de faire valoir ses droits à une pension de vieillesse, n’était pas ressortissant d’un État membre, mais était soumis à l’application du règlement précité en vertu de l’article 1er du règlement n° 859/2003 ? » 

Sur les questions préjudicielles 

Observations liminaires 

39 Il convient de constater que, à l’époque où MM. Wieland et Rothwangl étaient employés par HAL, la coordination des régimes de sécurité sociale des États membres, s’agissant des travailleurs migrants au niveau de la Communauté économique européenne, était régie par le règlement n° 3 du Conseil, du 25 septembre 1958, concernant la sécurité sociale des travailleurs migrants (JO 1958, 30, p. 561). Ce dernier règlement ne s’appliquait cependant pas aux marins. 

40 Cette situation n’était pas incompatible avec les règles internationales applicables aux marins en vigueur à l’époque, étant donné que, conformément à l’article 2 de la convention (n° 71) de l’Organisation internationale du travail, du 28 juin 1946, sur les pensions des gens de mer, ratifiée par le Royaume des Pays-Bas le 27 août 1957 et entrée en vigueur le 10 octobre 1962, tout État membre de l’Organisation internationale du travail avait l’obligation d’établir ou de faire établir, conformément à sa législation nationale, un régime de pensions pour les gens de mer qui se retirent du service à la mer, étant précisé que les personnes qui ne résidaient pas sur le territoire de l’État membre concerné et les personnes qui n’en étaient pas ressortissantes pouvaient toutefois être exclues de ce régime. 

41 À partir du 1er avril 1967, le règlement n° 47/67/CEE du Conseil, du 7 mars 1967, modifiant et complétant certaines dispositions des règlements nos 3 et 4 concernant la sécurité sociale des travailleurs migrants (gens de mer) (JO 1967, 44, p. 641), a introduit des règles spécifiques concernant les marins, lesquelles portaient, notamment, sur la détermination du droit applicable et la pension de vieillesse. Ces règles ont été incorporées, par la suite, dans le règlement n° 1408/71. 

42 Il s’ensuit que, pendant les périodes au cours desquelles MM. Wieland et Rothwangl étaient employés par HAL, l’affiliation des marins aux régimes de sécurité sociale était exclusivement régie par les réglementations nationales. 

43 En revanche, MM. Wieland et Rothwangl ont introduit leurs demandes de pension de vieillesse à une date où le règlement n° 1408/71 était applicable. 

44 Selon le premier considérant de ce dernier règlement, l’objectif principal poursuivi par celui-ci est de coordonner les systèmes nationaux de sécurité sociale afin de mettre en œuvre le principe de la libre circulation des personnes sur le territoire de l’Union. 

45 À cet égard, si les États membres conservent leur compétence pour aménager les conditions d’affiliation à leurs systèmes de sécurité sociale, ils doivent néanmoins, dans l’exercice de cette compétence, respecter le droit de l’Union et, en particulier, les dispositions du traité relatives à la libre circulation des travailleurs (arrêt du 17 janvier 2012, Salemink, C‑347/10, EU:C:2012:17, point 39 et jurisprudence citée). 

46 Par conséquent, d’une part, ces conditions ne peuvent avoir pour effet d’exclure du champ d’application d’une législation nationale, telle que celle en cause dans les affaires au principal, les personnes auxquelles, en vertu du règlement n° 1408/71, cette même législation est applicable et, d’autre part, les régimes d’affiliation aux assurances obligatoires doivent être compatibles avec les dispositions des articles 18 et 45 TFUE (arrêt du 17 janvier 2012, Salemink, C‑347/10, EU:C:2012:17, point 40). 

47 C’est à la lumière de ces considérations que les questions préjudicielles doivent être examinées. 

Sur la première question 

48 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 94, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1408/71 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre qui ne prend pas en considération, pour la détermination des droits à des prestations de vieillesse, une période d’assurance prétendument accomplie sous sa propre législation par un travailleur étranger lorsque, comme dans l’affaire au principal mettant en cause M. Rothwangl, l’État dont ce travailleur est ressortissant a adhéré à l’Union postérieurement à l’accomplissement de cette période. 

49 Afin de répondre à cette question, il importe de déterminer si et, le cas échéant, dans quelles conditions un ressortissant d’un État membre, au moment de l’introduction de sa demande de pension de vieillesse, qui n’était toutefois pas ressortissant d’un État membre au cours de la période d’emploi accomplie à l’étranger avant l’entrée en vigueur du règlement n° 1408/71, acquiert le droit de tenir compte des périodes d’assurance réalisées pendant cette période sur le territoire d’un autre État membre, en vue de la constitution d’une pension de retraite. 

50 En l’occurrence, il y a lieu d’examiner si l’intéressé a acquis, en vertu de l’article 94, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1408/71, en matière d’assurance vieillesse, des droits devant s’ajouter à ceux auxquels il peut déjà prétendre en Autriche. 

51 À cet égard, s’agissant de l’article 94, paragraphe 1, dudit règlement, qui énonce que ce dernier n’ouvre aucun droit pour une période antérieure au 1er octobre 1972 ou à la date de son application sur le territoire de l’État membre intéressé, ou sur une partie du territoire de l’État membre intéressé, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, cette disposition s’inscrit pleinement dans le cadre du principe de sécurité juridique, lequel s’oppose à ce qu’un règlement soit appliqué rétroactivement, cela indépendamment des effets favorables ou défavorables qu’une telle application pourrait avoir pour l’intéressé, sauf en raison d’une indication suffisamment claire, soit dans ses termes, soit dans ses objectifs, permettant de conclure que ce règlement dispose autrement que pour l’avenir seul. Si la loi nouvelle ne vaut ainsi que pour l’avenir, elle s’applique également, sauf dérogation, selon un principe généralement reconnu, aux effets futurs de situations nées sous l’empire de la loi ancienne (voir, en ce sens, arrêt du 18 avril 2002, Duchon, C‑290/00, EU:C:2002:234, points 21 et 22 ainsi que jurisprudence citée). 

52 Dans le même sens, afin de permettre l’application du règlement n° 1408/71 aux effets futurs de situations nées sous l’empire de la loi ancienne, l’article 94, paragraphe 2, de ce règlement prévoit l’obligation de prendre en considération, aux fins de la détermination de droits à prestation, toute période d’assurance, d’emploi ou de résidence accomplie sous la législation de tout État membre « avant le 1er octobre 1972 ou avant la date d’application du […] règlement sur le territoire de cet État membre ». Il découle donc de cette disposition qu’un État membre n’est pas en droit de refuser de tenir compte de périodes d’assurance accomplies sur le territoire d’un autre État membre, en vue de la constitution d’une pension de retraite, pour la seule raison qu’elles ont été accomplies avant l’entrée en vigueur dudit règlement à son égard (arrêts du 18 avril 2002, Duchon, C‑290/00, EU:C:2002:234, point 23 et jurisprudence citée, ainsi que du 5 novembre 2014, Somova, C‑103/13, EU:C:2014:2334, point 52). 

53 À cet égard, il convient de vérifier si les périodes pendant lesquelles M. Rothwangl a été employé par HAL constituent des périodes d’assurance accomplies sous la législation d’un État membre avant la date d’application du règlement n° 1408/71 sur le territoire de cet État membre, au sens de l’article 94, paragraphe 2, de ce règlement. 

54 Étant donné que le moment à partir duquel une personne peut faire valoir d’éventuels droits à une pension de vieillesse au titre de l’AOW, en se fondant sur des périodes d’assurance accomplies antérieurement, correspond au premier jour du mois au cours duquel cette personne atteint l’âge de 65 ans, la demande de M. Rothwangl ne saurait être regardée comme portant sur un droit ouvert pour une période antérieure à l’entrée en vigueur du règlement n° 1408/71 ou à la date d’application de ce règlement sur le territoire de l’État membre intéressé, au sens de l’article 94, paragraphe 1, dudit règlement. 

55 En revanche, la question se pose de savoir si M. Rothwangl peut se voir ouvrir un droit en raison de périodes d’assurance ainsi que, le cas échéant, de périodes d’emploi ou de résidence accomplies sous la législation d’un État membre avant le 1er octobre 1972 ou avant la date d’application du règlement n° 1408/71 sur le territoire de cet État membre. 

56 En effet, pour pouvoir valablement invoquer le bénéfice de l’article 94, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71, un demandeur doit pouvoir identifier une période d’assurance accomplie ainsi que, le cas échéant, des périodes d’emploi ou de résidence accomplies sous la législation d’un État membre avant le 1er octobre 1972 ou, s’agissant des États membres ayant adhéré à l’Union postérieurement à cette date, avant la date d’application de ce règlement sur le territoire de l’État membre intéressé. Dans le cas de la République d’Autriche, cette date est le 1er janvier 1995. 

57 S’agissant de la condition relative à l’existence de périodes d’emploi ou de résidence accomplies sous la législation d’un État membre, il ressort du dossier soumis à la Cour que M. Rothwangl la remplit incontestablement. 

58 Par contre, en ce qui concerne l’existence de la condition visant une période d’assurance accomplie sous la législation d’un État membre, il importe de relever, d’une part, que la réglementation nationale en cause au principal constitue une législation au sens de l’article 1er, sous j), du règlement n° 1408/71. 

59 D’autre part, l’expression « période d’assurance », qui figure à l’article 94, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71, est définie à l’article 1er, sous r), de ce règlement comme désignant « les périodes de cotisation, d’emploi ou d’activité non salariée telles qu’elles sont définies ou admises comme périodes d’assurance par la législation sous laquelle elles ont été accomplies ou sont considérées comme accomplies, ainsi que toutes périodes assimilées dans la mesure où elles sont reconnues par cette législation comme équivalant aux périodes d’assurance » (arrêt du 7 février 2002, Kauer, C‑28/00, EU:C:2002:82, point 25). 

60 Ce renvoi à la législation interne démontre clairement que le règlement n° 1408/71, notamment aux fins de la totalisation de périodes d’assurance, s’en remet aux conditions auxquelles le droit interne subordonne la reconnaissance d’une période déterminée comme équivalente aux périodes d’assurance proprement dites. Toutefois, cette reconnaissance doit s’opérer dans le respect des dispositions du traité FUE relatives à la libre circulation des personnes (arrêt du 7 février 2002, Kauer, C‑28/00, EU:C:2002:82, point 26 et jurisprudence citée). 

61 En l’occurrence, la juridiction de renvoi a constaté que M. Rothwangl n’était pas assuré contre le risque vieillesse au cours de sa période d’emploi au sein de HAL, dans la mesure où, conformément à la réglementation nationale applicable aux faits au principal, les ressortissants de pays tiers faisant partie de l’équipage d’un navire et résidant à bord de ce navire étaient exclus de l’assurance en ce qui concerne les prestations de vieillesse. 

62 Dès lors que cette exclusion était, notamment, fondée sur la nationalité de M. Rothwangl, il convient d’examiner si celui-ci peut, en vertu de l’interdiction de discrimination en raison de la nationalité figurant à l’article 3 du règlement no 1408/71, prétendre à être traité comme s’il avait accompli une période d’assurance aux Pays-Bas, même si, en réalité, il ne satisfait pas à cette condition essentielle énoncée à l’article 94, paragraphe 2, de ce règlement. 

63 À cet égard, la Cour a certes jugé que, afin de donner effet aux dispositions transitoires prévues à l’article 94, paragraphes 1 à 3, du règlement n° 1408/71, il était nécessaire de tenir compte des périodes d’assurance accomplies avant l’entrée en vigueur de ce règlement (voir, en ce sens, arrêts du 7 février 2002, Kauer, C‑28/00, EU:C:2002:82, point 52, et du 18 avril 2002, Duchon, C‑290/00, EU:C:2002:234, point 23). Dans les affaires ayant donné lieu à ces deux arrêts, les intéressés qui avaient sollicité l’octroi d’une pension autrichienne avaient été assurés sous la réglementation nationale pertinente. La Cour a ainsi jugé qu’il convenait d’apprécier la légalité des mesures nationales en cause à la lumière du droit de l’Union tel qu’applicable à la suite de l’adhésion de la République d’Autriche à l’Union (arrêt du 18 avril 2002, Duchon, C‑290/00, EU:C:2002:234, point 28) et que, par voie de conséquence, l’institution compétente devait appliquer les principes relatifs à la libre circulation des travailleurs et les dispositions transitoires de l’article 94, paragraphes 1 à 3, de ce règlement (voir, en ce sens, arrêts du 7 février 2002, Kauer, C‑28/00, EU:C:2002:82, points 45 et 50, ainsi que du 18 avril 2002, Duchon, C‑290/00, EU:C:2002:234, point 32). 

64 Toutefois, comme l’a relevé Mme l’avocat général au point 52 de ses conclusions, le fait que M. Rothwangl a, avant même l’adhésion de la République d’Autriche à l’Union, exercé des droits de libre circulation lorsqu’il travaillait pour HAL ne suffit pas pour qu’il puisse être traité comme s’il avait accompli une période d’assurance vieillesse aux Pays-Bas. En effet, à la différence de la situation des demandeurs dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 7 février 2002, Kauer (C‑28/00, EU:C:2002:82), et du 18 avril 2002, Duchon (C‑290/00, EU:C:2002:234), la réglementation néerlandaise excluait M. Rothwangl du bénéfice de cette assurance lorsqu’il travaillait pour HAL, au motif qu’il était ressortissant d’un pays tiers et résidait à bord des navires dont il était un membre de l’équipage. Une telle exclusion, bien que fondée sur la nationalité, n’était pas interdite par le droit de l’Union à l’époque des faits en cause au principal, étant donné que la République d’Autriche n’avait pas encore adhéré à l’Union. 

65 En outre, les pièces du dossier soumis à la Cour ne permettent pas de trancher la question de savoir si M. Rothwangl était affilié au système autrichien de sécurité sociale pendant ses périodes d’emploi pour HAL. Or, c’est uniquement dans le cas d’une réponse affirmative à cette question que ces périodes devraient être prises en considération par l’autorité compétente autrichienne. 

66 Au regard de ce qui précède, il convient de répondre à la première question que l’article 94, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1408/71 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre qui ne prend pas en considération, pour la détermination des droits à des prestations de vieillesse, une période d’assurance prétendument accomplie sous sa propre législation par un travailleur étranger, lorsque, comme dans l’affaire au principal mettant en cause M. Rothwangl, l’État dont ce travailleur est ressortissant a adhéré à l’Union postérieurement à l’accomplissement de cette période. 

Sur la deuxième question 

67 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande si l’article 18 TFUE, qui consacre le principe de l’interdiction de la discrimination, et l’article 45 TFUE, qui garantit la libre circulation des travailleurs, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la législation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle un marin qui a fait partie pendant une période déterminée de l’équipage d’un navire ayant son port d’attache sur le territoire de cet État membre et qui résidait à bord de ce navire est exclu du bénéfice de l’assurance vieillesse au titre de cette période au motif qu’il n’était pas ressortissant d’un État membre pendant ladite période. 

68 À cet égard, il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’acte d’adhésion d’un nouvel État membre est fondé essentiellement sur le principe général de l’application immédiate et intégrale des dispositions du droit de l’Union audit État, des dérogations n’étant admises que dans la mesure où elles sont prévues expressément par des dispositions transitoires (arrêt du 21 décembre 2011, Ziolkowski et Szeja, C‑424/10 et C‑425/10, EU:C:2011:866, point 56 ainsi que jurisprudence citée). 

69 En ce sens, l’article 2 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 1994, C 241, p. 21, et JO 1995, L 1, p. 1, ci-après l’« acte d’adhésion ») prévoit que, dès l’adhésion, les dispositions des traités originaires lient les nouveaux États membres et sont applicables dans ces États dans les conditions prévues par ces traités et par l’acte d’adhésion. 

70 Cet acte d’adhésion ne comportant pas de dispositions transitoires relatives à l’application des articles 7 et 48 du traité CE (devenus articles 12 et 39 CE, eux-mêmes devenus articles 18 et 45 TFUE), ces articles doivent être considérés comme étant d’application immédiate et comme liant la République d’Autriche dès la date de son adhésion, à savoir le 1er janvier 1995. Il s’ensuit que, à compter de cette date, les autres États membres devaient considérer les ressortissants autrichiens comme des citoyens de l’Union. 

71 Cependant, il ne résulte dudit acte d’adhésion aucune obligation pour les États membres existants de traiter les ressortissants autrichiens de la même manière qu’ils traitaient les ressortissants des autres États membres avant l’adhésion de l’Autriche à l’Union (voir, par analogie, arrêts du 26 mai 1993, Tsiotras, C‑171/91, EU:C:1993:215, point 12, ainsi que du 15 juin 1999, Andersson et Wåkerås-Andersson, C‑321/97, EU:C:1999:307, point 46). 

72 Ainsi, M. Rothwangl ne saurait exiger que le Royaume des Pays-Bas le traite comme s’il avait été couvert au titre de l’assurance vieillesse que s’il avait bénéficié des droits découlant des dispositions régissant la libre circulation des travailleurs pendant ses périodes d’emploi au sein de HAL. En effet, comme il a été constaté aux points 70 et 71 du présent arrêt, tel n’était pas le cas. 

73 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la deuxième question que les articles 18 et 45 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à la législation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle un marin qui a fait partie pendant une période déterminée de l’équipage d’un navire ayant son port d’attache sur le territoire de cet État membre et qui résidait à bord de ce navire est exclu du bénéfice de l’assurance vieillesse au titre de cette période au motif qu’il n’était pas ressortissant d’un État membre pendant ladite période. 

Sur la troisième question 

74 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 859/2003 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la réglementation d’un État membre selon laquelle une période d’emploi accomplie sous la législation de cet État membre par un travailleur salarié qui, comme dans l’affaire au principal mettant en cause M. Wieland, n’était pas ressortissant d’un État membre pendant cette période, mais qui, au moment où il sollicite le versement d’une pension de vieillesse, relève du champ d’application de l’article 1er de ce règlement n’est pas prise en considération par cet État membre pour la détermination des droits à pension de ce travailleur. 

75 À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 1er du règlement n° 859/2003, les dispositions du règlement n° 1408/71 s’appliquent aux ressortissants de pays tiers qui ne sont pas déjà couverts par ces dispositions uniquement en raison de leur nationalité ainsi qu’aux membres de leur famille et à leurs survivants, dès lors qu’ils se trouvent en situation de résidence légale dans un État membre et dans des situations dont tous les éléments ne se cantonnent pas à l’intérieur d’un seul État membre. 

76 En l’occurrence, M. Wieland satisfait aux conditions exigées à l’article 1er du règlement n° 859/2003 en ce qu’il est un ressortissant américain qui réside légalement en Autriche, que les éléments de la situation dans laquelle il se trouve ne se cantonnent pas à l’intérieur d’un seul État membre et qu’il n’est pas déjà couvert par les dispositions du règlement n° 1408/71 uniquement en raison de sa nationalité. Par conséquent, il relève du champ d’application du règlement n° 859/2003. 

77 Or, il y a lieu de constater que l’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 859/2003 est formulé dans des termes analogues à ceux employés à l’article 94, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1408/71. 

78 Il s’ensuit que, compte tenu de la réponse apportée à la première question posée par la juridiction de renvoi, M. Wieland, nonobstant la circonstance qu’il résidait aux Pays-Bas au cours de la période pendant laquelle il était employé par HAL, n’était pas, pour les mêmes raisons que M. Rothwangl, assuré au titre de la pension de vieillesse en vertu de la réglementation néerlandaise. 

79 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la troisième question que l’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 859/2003 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à la réglementation d’un État membre selon laquelle une période d’emploi accomplie sous la législation de cet État membre par un travailleur salarié qui, comme dans l’affaire au principal mettant en cause M. Wieland, n’était pas ressortissant d’un État membre pendant cette période, mais qui, au moment où il sollicite le versement d’une pension de vieillesse, relève du champ d’application de l’article 1er de ce règlement n’est pas prise en considération par cet État membre pour la détermination des droits à pension de ce travailleur. 

Sur les dépens 

80 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. 

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit : 

1) L’article 94, paragraphes 1 et 2, du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre qui ne prend pas en considération, pour la détermination des droits à des prestations de vieillesse, une période d’assurance prétendument accomplie sous sa propre législation par un travailleur étranger, lorsque l’État dont ce travailleur est ressortissant a adhéré à l’Union européenne postérieurement à l’accomplissement de cette période. 

2) Les articles 18 et 45 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à la législation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle un marin qui a fait partie pendant une période déterminée de l’équipage d’un navire ayant son port d’attache sur le territoire de cet État membre et qui résidait à bord de ce navire est exclu du bénéfice de l’assurance vieillesse au titre de cette période au motif qu’il n’était pas ressortissant d’un État membre pendant ladite période.  

3) L’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement (CE) n° 859/2003 du Conseil, du 14 mai 2003, visant à étendre les dispositions du règlement n° 1408/71 et du règlement (CEE) n° 574/72 aux ressortissants de pays tiers qui ne sont pas déjà couverts par ces dispositions uniquement en raison de leur nationalité, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à la réglementation d’un État membre selon laquelle une période d’emploi accomplie sous la législation de cet État membre par un travailleur salarié qui n’était pas ressortissant d’un État membre pendant cette période, mais qui, au moment où il sollicite le versement d’une pension de vieillesse, relève du champ d’application de l’article 1er de ce règlement n’est pas prise en considération par cet État membre pour la détermination des droits à pension de ce travailleur. 

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