La surveillance des communications internationales validée par le Conseil constitutionnel

La décision du Conseil constitutionnel relative à la loi concernant les mesures de surveillance des communications électroniques internationales a été publiée aujourd’hui au Journal officiel. Les Sages y affirment que la loi est conforme à la Constitution et ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée, au secret des correspondances et au droit à un recours juridictionnel effectif. 

 

Toutes les communications électroniques internationales sous surveillance

Le Conseil constitutionnel rappelle que l’article L. 854-1 de la loi autorise la surveillance des communications qui sont émises ou reçues à l’étranger et délimite le champ de celles de ces communications qui sont susceptibles de faire l’objet de mesures de surveillance. L’article prévoit que les mesures prises à ce titre ne peuvent avoir pour objet d’assurer la surveillance individuelle des communications de personnes utilisant des numéros d’abonnement ou des identifiants techniques rattachables au territoire national, à l’exception du cas où ces personnes communiquent depuis l’étranger et, soit faisaient l’objet d’une autorisation d’interception de sécurité délivrée en application de l’article L. 852-1, soit sont identifiées comme présentant une menace au regard des intérêts fondamentaux de la Nation ; qu’hormis ces hypothèses, les communications électroniques qui sont échangées entre des personnes ou des équipements utilisant des numéros d’abonnement ou des identifiants techniques rattachables au territoire national, lorsqu’elles sont interceptées au moyen des mesures de surveillance prévues par le chapitre IV susmentionné, sont instantanément détruites. 

Les Sages rappellent aussi les mesures strictes qui encadrent le recours à cette procédure : 

– l’article L. 854-1 permet la surveillance « aux seules fins de défense et de promotion des intérêts fondamentaux de la Nation mentionnés à l’article L. 811-3 ». 

– l’autorisation d’intercepter des communications électroniques émises ou reçues à l’étranger est délivrée par le Premier ministre et désigne les réseaux de communication sur lesquels les interceptions sont admises. 

– le législateur a prévu des durées de conservation en fonction des caractéristiques des renseignements collectés ainsi qu’une durée maximale de conservation de huit ans à compter du recueil des renseignements chiffrés, au-delà desquelles les renseignements collectés doivent être détruits. 

– la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement reçoit communication de toutes les décisions et autorisations du Premier ministre et dispose d’un accès permanent, complet et direct aux dispositifs de traçabilité, aux renseignements collectés, aux transcriptions et extractions réalisées ainsi qu’aux relevés retraçant les opérations de destruction, de transcription et d’extraction. 

 

Et le Conseil constitutionnel de conclure : “il résulte de tout ce qui précède que les dispositions des articles L. 854-1, L. 854-2, L. 854-5 et des premier à troisième et sixième alinéas de l’article L. 854-9 ne portent pas d’atteinte manifestement disproportionnée au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances ; que le législateur a précisément défini les conditions de mise en œuvre de mesures de surveillance des communications électroniques internationales, celles d’exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés ainsi que celles du contrôle exercé par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement“. 

L’atteinte à la vie privée et au secret des correspondances n’est donc pas caractérisée dès lors qu’elle est encadrée par des dispositions législatives si l’on en croit le Conseil constitutionnel. Dans les faits, il est difficile de savoir si les services seront capables de faire le tri entre tous les échanges électroniques… ainsi, toutes les communications électroniques, donc les emails, provenant de l’étranger ou à destination de l’étranger sont susceptibles d’être interceptées par les services de renseignement. 

Il ne reste plus qu’à espérer que la destruction des informations collectées, sans lien avec la défense nationale, soient bien détruites. 

 

Priorité à la défense nationale pour les Sages

La loi sur la surveillance des communications électroniques internationales précise que c’est par la saisine de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement qu’un individu peut demander à vérifier qu’il ne fait l’objet d’aucune mesure de surveillance. Cette commission ne peut que confirmer qu’elle a procédé aux vérifications nécessaires et ne peut pas confirmer ni infirmer la mise en œuvre de mesures de surveillance. Cette procédure semble donc plutôt inefficace à première vue, la saisine de la Commission n’apporte aucune réponse directe à son initiateur. 

Mais la Commission a surtout la possiblité de constater un manquement dans la mise en œuvre des mesures de surveillance. Elle peut alors adresser “au Premier ministre une recommandation tendant à ce que le manquement cesse et que les renseignements collectés soient, le cas échéant, détruits ; que, si le Premier ministre n’a pas donné suite ou a insuffisamment donné suite à cette recommandation, le président de la commission ou trois de ses membres peuvent saisir le Conseil d’Etat d’une requête”. 

Le Conseil constitutionnel considère que cette mesure concilie le droit au recours juridictionnel effectif et le secret de la défense nationale. Pourtant, dans les faits, il est difficile de prévoir la portée effective de la saisine de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement : la durée des procédures, les délais de réponse des services de l’Etat sont autant d’éléments qui joueront en défaveur des personnes sous surveillance. 

La loi est donc déclarée conforme aux droits des individus, mais pour combien de temps encore ? 

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