[En direct] Prud’hommes : la décision de la cour d’appel de Paris finalement renvoyée au 25 septembre

Ce jeudi 23 mai, la cour d’appel de Paris devait produire une première réponse sur la conventionalité de la barémisation des indemnités prud’homales au regard des textes internationaux, afin de donner un premier élément de réponse aux conseils frondeurs qui ont écarté le barème Macron. La décision est finalement renvoyée au 25 septembre prochain, soit après celle de la Cour de cassation.

*11h, l’audience se termine – La décision est mise au délibéré le 25 septembre 2019. Pour le moment donc, le suspens est donc entier. Le flou juridique continuera de régner. 

Rappelons que la cour de cassation se réunira en assemblée pleinière le 8 juillet prochain. Or, d’après plusieurs experts, elle ne devrait pas se prononcer sur la conventionalité on non des textes. 

Néanmoins, il est à noter que la cour d’appel de Paris n’a pas souhaité étudier la question sur le fond mais bien la question subsidiaire que représente le barème. Les débats ont été plus ou moins tendus, surtout la présidente a tenu à ce que les échanges soient limités. “Nos instants sont précieux” aurait-elle lancé. 

Pour le conseil du salarié, le barème ne permet pas de correctement réparer le préjudice subi. “Entre 3 mois et 13,5 mois (de salaire), la perte financière seulement dépasse le maximum prévu par le barème. On ne peut donc pas parler d’indemnisation appropriée.” 

Le barème répond-il à la réparation appropriée prévue par la convention de l’OIT et le Charte sociale européenne. Pour FO, “le comité européen des droits sociaux a défini la réparation appropriée comme prise en compte du préjudice réel ,droit éventuel à réintégration et caractère dissuasif de la condamnation.” Or le barème tel qu’il est constitué ne répondrait à aucun de ces critères. 

“Le ministère public dit seulement que les textes internationaux n’interdisent pas les barèmes. Or les textes internationaux disent ‘si limitation il doit y avoir’, d’autres moyens permettent la réparation intégrale. Or ce n’est pas possible en droit français car c’est l’exclusive compétence des prud’hommes.” A la question “le barème favorise-t-il l’emploi ?”, FO répond que le “licenciement abusif et illicite favorise l’emploi.” 

Du côté de la CFDT, on affirme que le juge départiteur doit “obéir à un barème injuste, il n’est plus indépendant et n’a plus de marge de manoeuvre.” 

“Le barème assure une violation efficace de la loi ! Le plafond est incompatible avec le droit. Jeappelle que licencier pour un motif juste ne coûte rien. Dans la justice, on ne peut pas mettre en balance le cout de la violation de la loi et le préjudice d’un être humain. Les salariés ne sont pas clones !” 

L’avocat de la CFDT 

L’avocate du conseil employeur prend ensuite la parole, un rictus au coin des lèvres, en se disant être “seule face au gratin du barreau.” La suite se prête moins aux éclats de rire. “On peut invoquer des tas de préjudices distincts à faire indemniser et ce sont donc là des formes alternatives de réparation. Les salariés d’épis la réforme font des demandes à tiroirs. Oui les salariés ne sont pas des clones et donc il fait faire une appréciation in concreto !” 

“L’office du juge est préservé puisque c’est une fourchette ! Il n’y a pas de tsunami des décisions de conseils de prud’hommes. 

L’avocate de l’employeur 

Pour l’avocat général, “in abstracto, le barème est conventionnel. Les textes supra nationaux peuvent être invoqués en direct. Les barèmes ont été construits à partir d’un panel de décisions dont on a fait la moyenne.” L’avocat général demande à la cour de rejeter le moyen lié à l’inconventionnalité du barème. Le délibéré est renvoyé au 25 septembre. 

 

Le plafonnement des indemnités de licenciement en cas de rupture sans cause réelle et sérieuse, surnommé barème Macron, est-il en train de vivre ses dernières heures ? C’est la question à laquelle la Cour d’appel de Paris essaie actuellement de répondre. 

Depuis plusieurs mois, plus d’une dizaine de conseils de prud’hommes, sur les 210 que compte la France, ont refusé d’appliquer la barémisation des indemnités prévues par les ordonnances travail. Le premier conseil a mené la fronde est celui de Troyes. Tout sauf un hasard puisque ce conseil est réputé pour ouvrir de nombreux débats juridiques. Il est régulièrement cité comme l’un des seuls à pouvoir faire bouger les lois. 

Barème prud’homale inconventionnel ?

Les conseils frondeurs expliquent que dans leur rédaction actuelle, les ordonnances ne permettent pas de réparer les préjudices subis par les salariés licenciés car le texte de loi se fonde sur l’ancienneté de l’employé pour fixer le montant des indemnités qu’il percevra. Ainsi, les frondeurs plaident la non-conventionnalité du texte par rapport à l’article 24 de la Charte sociale européenne, les textes 4 et 10 de la Convention 158 de l’Organisation Internationale du Travail, et parfois l’article 1er du Protocol additionnel n°1 de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. 

Contacté alors que la fronde n’avait pas encore atteint l’ampleur qu’elle a aujourd’hui, Youssef Badr, porte-parole de la chancellerie, nous avait expliqué qu’il ne s’agissait pas d’une fronde mais d’un débat juridique. Le gouvernement avait alors fermement répondu en affirmant que cette fronde n’aurait aucune incidence sur les textes visés. 

Mieux, dans un communiqué, le gouvernement avait assuré que ce n’était pas la conventionalité ou la constitutionnalité des textes qui était remise en cause par les conseils frondeurs mais plutôt l’éthique et la formation juridique des conseils prud’homaux qui refusent d’appliquer le barème. Les auteurs du communiqué avaient alors demandé à ce que leur soit directement rapporté toute décision d’écarter les barèmes d’indemnités prud’homales. 

Une pression sur les avocats et conseils qui était vivement dénoncée. Plusieurs cours d’appel ont donc été saisies afin de rendre leur avis sur la question. La juridiction de Paris est la première à plancher sur le sujet. En ce jeudi 23 mai, elle se réunit exceptionnellement pour rendre sa décision alors qu’employeur et employés sont dans le flou le plus totale lorsque l’on évoque une procédure qui ira jusqu’aux prud’hommes. 

Sont réunis à la Cour d’appel de Paris : le Syndicat des Avocats de France, la CGT, FO, Union syndicale Solidaire ainsi que le conseil du salarié et son homologue de l’employeur. 

*Article mis à jour au fil de l’audience 

 

 

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