La CGT réussira-t-elle à se débarrasser de Thierry Lepaon ?

Thierry Lepaon, dont il est inutile de rappeler ici le malheureux parcours à la tête de la CGT, s’évertue actuellement à mettre sur pied une “agence de la langue française pour la cohésion sociale”. Cette structure, à l’intitulé aussi généreux que pompeux, doit en effet lui servir de point de chute professionnel. Hélas pour lui, l’affaire semble tout aussi difficile à emballer qu’à peser. 

Des calculs de boutiquiers

A peine installé dans ses fonctions, non rémunérées, de président de l’agence nationale contre l’illétrisme (ANLCI), Thierry Lepaon a été missionné par Manuel Valls, le 6 juin dernier, en vue de créer une agence de la langue française. Dont la présidence serait, elle, bien entendu, rémunérée. La CGT pouvait souffler, M. Lepaon allait cesser d’être à sa (lourde) charge. A la mi-septembre, après un été à l’évidence studieux, M. Lepaon a rendu son pré-rapport au Premier ministre. 

Il y évoque notamment deux hypothèses. Dans la première, la future agence dont il deviendrait le responsable serait constituée d’un regroupement “a minima“, de l’ANLCI d’une part et de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF), relevant du ministère de la Culture et de la Communication, d’autre part. Dans la seconde hypothèse, à cet attelage déjà pas tout à fait probable s’ajouterait le centre international d’études pédagogiques (CIEP), lié au ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et dont la mission est d’organiser la coopération internationale éducative et linguistique de la France. 

Chargé, pour ainsi dire, de définir son propre poste, M. Lepaon a bien compris que l’on n’était finalement jamais mieux servi que par soi-même ! 

Une levée de boucliers

Comme ceci était prévisible, le pré-rapport de l’ancien secrétaire général de la CGT a donné lieu à une levée de boucliers du côté des regroupés potentiels. Les dirigeants socialistes étant actuellement à la recherche du moindre sou, une telle invitation aux fusions a vite été interprétée comme une promesse de rigueurs budgétaires. 

Trop heureuses de pouvoir s’attaquer à peu de frais à M. Lepaon, la CFDT du ministère de la Culture et la CFDT du ministère de l’Education ont rapidement dégainé. Sur la forme, elles ont vivement dénoncé la manière dont le pré-rapport a été rédigé, sans consultation des personnels des institutions concernées, et la manière dont il leur a été présenté : “Il est inacceptable de prendre connaissance de ces préconisations par voie de presse sans aucun dialogue préalable”. Sur le fond, elles critiquent la “profonde méconnaissance des trois structures” dont fait preuve M. Lepaon : leurs “missions”, “métiers” et “compétences” divergent bien trop clairement pour envisager leur fusion. 

Sentant sa “loyauté envers les personnels de la DGLFLF” plus ou moins explicitement remise en cause, la CGT du ministère de la Culture a aussitôt emboîté le pas de la CFDT. Insistant longuement sur son engagement pour la pérennité de la DGLFLF et sur l’importance de la lutte contre l’illétrisme, la CGT développe une critique du pré-rapport Lepaon assez proche de celle de la CFDT. Elle en tire la conclusion que la ministre de la Culture, Audrey Azoulay, n’a “aucune obligation d’en suivre les préconisations”. Décidément, entre Thierry Lepaon et la CGT, le courant ne passe plus. 

Un cadeau empoisonné

Face aux réactions suscitées par son pré-rapport, Thierry Lepaon n’a guère eu d’autre choix que de corriger quelque peu le tir. A l’origine, son rapport devait être rendu au Premier ministre le 30 septembre. Ensuite, la date a été reculée au 30 octobre. Aux dernières nouvelles, il n’a toujours pas été rendu. 

Le destinataire du rapport, Manuel Valls, ne saurait être le premier à s’en plaindre. Bien au contraire. En proposant à M. Lepaon de redéfinir le champ institutionnel de la promotion de la langue française afin de se trouver une place dans le nouvel organigramme, Manuel Valls lui a clairement fait un cadeau empoisonné. Laisser le soin à l’ancien patron de la CGT de restructurer à son avantage des services administratifs où les syndicats sont bien implantés, c’était s’assurer un spectacle fort divertissant et plein de rebondissements. 

Du côté de Montreuil, on doit, certes, observer cette farce d’un oeil bien moins amusé. En plus de repousser encore et toujours l’échéance du changement d’employeur définitif de Thierry Lepaon, elle signifie bien le peu de considération dont la centrale jouit actuellement aux yeux du pouvoir “socialiste”. 

 

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