94% des entreprises vont enfin pouvoir négocier des accords! Par une étrange ironie de l’histoire, facilitée il faut le dire par le vide politique de la majorité parlementaire, cette révolution majeure à laquelle Emmanuel Macron attachera indéfectiblement son nom passe pour une régression sociale.
La France est probablement le seul pays industrialisé où le développement de la négociation avec les salariés est vécu comme une manoeuvre obscurantiste alors que, dans de nombreux endroits du monde, cette possibilité fait rêver. Il faut vraiment détester ses entreprises et ses entrepreneurs pour croire que négocier avec eux ou en leur sein soit toxique.
Des entreprises interdites de négociation jusqu’ici
Si l’on regarde l’histoire par l’autre bout, pourtant, il y a de quoi pâlir. Il a fallu attendre 2017 pour que 94% des entreprises françaises, dépourvues de représentation syndicale, acquièrent le droit de négocier des accords en dehors des branches. Encore cette étape est-elle franchie en même temps qu’un renforcement effectif des dites branches.
Il est assez confondant de voir les apôtres de la démocratie sociale, du mouvement social, et autres “social” à tous bouts de champ, descendre aujourd’hui dans la rue au nom de leurs idéaux pour combattre une décision pourtant évidente. En vérité, ce qu’ils appellent la démocratie sociale n’est rien d’autre que la grande tradition corporatiste française, celle des professions réglementées qui a fait florès depuis l’Ancien Régime jusqu’à aujourd’hui en passant par Vichy.
Sur le fond, il ne serait pas inutile que les entrepreneurs investissent dans un mouvement de fond pour éradiquer ces réactions corporatistes face à l’émergence de la modernité économique.
Développer une culture de la négociation, un enjeu pour demain
S’ouvre aujourd’hui un défi pour les entreprises: apprendre à négocier des accords. Cela suppose de former non seulement les salariés mais les entrepreneurs eux-mêmes au droit de la négociation. Et de clarifier les sujets possibles de celle-ci.
Les sujets ne manqueront pas, sur l’organisation du travail, sur la rémunération, sur les aspects sociaux de la vie en entreprise. Le vrai péril serait aujourd’hui que les entreprises ne s’emparent pas de ce nouveau droit.