Retenue sur salaire : l’absence pour grève doit entraîner les mêmes sanctions que pour des absences “classiques”

Cette publication été initialement diffusée sur le site du syndicat de salariés CFDT

 

Si l’employeur peut tenir compte des absences, même motivées par la grève, pour le paiement d’une prime, c’est à la condition que toutes les absences, hormis celles qui sont légalement assimilées à un temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences sur son attribution. Ainsi, la réduction des primes d’ancienneté en raison de l’absence pour grève présente-t-elle un caractère discriminatoire lorsque, dans le même temps, ces primes sont intégralement versées aux salariés absents pour maladie non professionnelle. Cass.soc. 07.11.18, n°17-15.833. 

  • Faits et procédure

Dans cette affaire, un salarié a participé à un mouvement de grève. Dès le mois suivant, l’employeur a opéré une retenue sur son salaire en raison de son l’absence pour faits de grève. Les primes d’ancienneté, de quart et une prime mensuelle dont bénéficiait le salarié ont été incluses dans l’assiette de calcul de la retenue pour faire l’objet d’un abattement. 

L’exercice du droit de grève ne peut donner lieu à aucune discrimination, notamment en matière de rémunération et d’avantages sociaux (1). En revanche, sauf en cas de dispositions conventionnelles contraires, le salaire du salarié gréviste peut être réduit au prorata du temps de grève. La réduction de la rémunération doit être strictement proportionnelle à la durée de l’absence (2) (toute retenue supplémentaire constituant une sanction pécuniaire prohibée). La retenue par heure de grève est alors égale au salaire mensuel, divisé par le nombre d’heures mensuel, multiplié par le nombre d’heures de grève effectuées. 

Le salarié conteste le montant de la retenue effectuée par l’employeur. Il considère notamment que l’abattement sur ses diverses primes est discriminatoir, dans la mesure où d’autres catégories d’absence n’entraînent pas les mêmes conséquences dans l’entreprise. C’est ainsi qu’il saisit le conseil de prud’hommes, accompagné du syndicat CFDT Chimie énergie de Haute-Normandie. 

Les juges prud’hommes le déboutent en première instance, mais la cour d’appel fait droit à ses demandes.  

  • Un même traitement pour toutes les absences non assimilées à du temps de travail effectif

Les juges d’appel rappellent que « l’employeur peut tenir compte des absences, y compris celles motivées par un fait de grève, sans encourir le grief de discrimination, pour réduire le montant des primes, à condition que toutes les absences, à l’exception de celles légalement assimilées à un temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences sur leur attribution et leur montant ». 

En d’autres termes, l’absence pour faits de grève, comme toutes les absences non assimilées à du temps de travail effectif, peut occasionner une réduction des primes liées à une présence ou à un travail effectif, mais seulement dans la mesure où ces absences sont traitées de la même manière. 

Or il s’avère que dans l’entreprise, les salariés absents pour maladie non professionnelle ayant plus d’une année d’ancienneté bénéficient du maintien de leur plein salaire, y compris de leurs primes, qui ne font alors l’objet d’aucun abattement. 

La cour d’appel en déduit ainsi l’existence d’une discrimination à l’encontre du salarié gréviste. 

Sans surprise, la Cour de cassation valide intégralement le raisonnement des juges du fond. Elle rappelle son principe général, déjà dégagé dans plusieurs arrêts (3), selon lequel : « l’employeur peut tenir compte des absences, même motivées par la grève, pour le paiement d’une prime, dès lors que toutes les absences, hormis celles qui sont légalement assimilées à un temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences sur son attribution ». 

Elle approuve donc la cour d’appel d’avoir jugé que l’abattement des primes d’ancienneté, de quart et mensuelles auquel l’employeur a procédé pour calculer la retenue relative à l’absence du salarié pour fait de grève présentait un caractère discriminatoire. 

Cet arrêt, que la haute juridiction a choisi de publier bien que la solution ne soit pas nouvelle, marque sa volonté de réaffirmer le principe intangible de non-discrimination en matière d’exercice du droit de grève. 


(1) Art. L.2511-1 et L.1132-2 C.trav. 

(2) Cass.soc. 10.07.91, n°89-43.147 

(3) Cass.soc. 23.06.09, n°07-42.677 ; Cass.soc. 26.03.14, n°12-18.125 

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