Un projet de loi sur l’open data en trompe l’œil

Le projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public a été voté hier à l’Assemblée nationale. Il a pour objet de transposer les dispositions de la directive 2013/37/EU deux ans après son adoption. Pour mémoire cette directive européenne concernait la réutilisation des informations du secteur public et posait le principe de la réutilisation libre et gratuite des données publiques. 

Ce projet est présenté comme allant au-delà des exigences de la directive : le principe de réutilisation libre et gratuite des données publiques est d’ailleurs largement mis en avant par le Gouvernement. Pourtant, des exceptions de taille sont prévues par le texte et limitent fortement l’impact économique de la loi. 

 

Des données publiques désormais numérisées et ouvertes

Le projet de loi issu de l’examen en commission précise en premier lieu que les informations publiques communiquées par l’administration doivent l’être “sous forme électronique et, si possible, dans un format ouvert” : une telle référence directe à l’open data en ouverture du projet de loi est la bienvenue, même si le contenu réel du texte est moins convaincant sur cet aspect. 

L’article 1er du projet de loi supprime les exceptions qui empêchaient la libre réutilisation des données publiques issues des établissements et institutions d’enseignement et de recherche, et des établissements, organismes ou services culturels. Le principe posé est donc que toute réutilisation de telles données publiques pourra être faite sans avoir besoin d’obtenir une autorisation préalable. Mais l’impact de cet article est directement atténué par les autres dispositions de la loi. 

 

L’accès libre et gratuit aux données publiques… ou presque

 

De nombreuses redevances maintenues

Le projet de loi prévoit plusieurs exceptions au principe de gratuité d’accès aux données publiques. En effet, Les administrations sont en position d’établir une redevance de réutilisation dès lors qu’elles sont tenues de couvrir une part substantielle des coûts liés à l’accomplissement de leurs missions de service public. Or, quelle administration n’engage pas de fonds pour mettre à disposition des données publiques ? En pratique, il sera intéressant de voir quelle part des données publiques sera effectivement accessible et réutilisable gratuitement. 

Les exceptions au principe de gratuité d’accès aux données ne s’arrêtent pas là. Une redevance peut aussi être mise en place lorsque la réutilisation porte sur des données issues d’opérations de numérisation des fonds et collections des bibliothèques qui en supportent le coût. Mais quel document ne fait pas, actuellement, l’objet d’une numérisation ? La plupart des documents au format papier doivent être numérisés pour être accessibles au format électronique. 

Ces redevances devront être fixées selon des critères objectifs, transparents, vérifiables et non discriminatoires. Les bases de calcul retenues pour la fixation du montant de ces redevances devront alors être rendues publiques et dans un format ouvert. 

Si ces redevances sont nombreuses à se maintenir, il est à craindre que la gratuité d’accès aux données publiques ne retombe dans l’exception. Il sera intéressant de voir, en pratique, le nombre de redevances liées à l’accès aux données publiques qui seront créées ainsi que leur montant. 

 

Des accords d’exclusivité encore possibles

Le projet de loi censé permettre un accès libre et gratuit aux données publiques va jusqu’à prévoir des accords d’exclusivité. 

Ainsi, toute numérisation de documents effectuée par le secteur public avec l’appui d’un partenaire privé autorise ce dernier à obtenir une période d’utilisation exclusive desdits documents ! Tous les documents numérisés avec le concours d’une entreprise privée peuvent alors demeurer inaccessibles librement pendant une période qui ne peut toutefois excéder 10 ans. S’agissant de la numérisation de données culturelles, un amendement a plafonné la durée d’exclusivité à 15 ans. 

Le principe de gratuité d’accès aux données publiques risque alors de connaître moult exceptions au regard de ce texte car de nombreuses administrations publiques font appel à des acteurs privés pour la numérisation de leurs documents. 

 

L’accès aux données publiques toujours limité en pratique

Le projet de loi fait figure de leurre pour tous les partisans de l’open data en France. Pourtant, le principe posé par l’article 1 du projet tend à rendre toutes les données publiques accessibles librement et gratuitement sous un format numérique. Mais dans la pratique, toutes les exceptions prévues, entre redevance et accord d’exclusivité, enlèvent à cette loi sa substance sa portée favorable à l’open data. 

L’INSEE, qui est l’une des administrations les plus productives de données publiques, conservera son principe de redevance. A l’Assemblée nationale, plusieurs députés, donc Luc Belot, ont demandé à ce que cette redevance soit supprimée, mais sans succès. Le Gouvernement, qui affiche d’un côté son engagement pour l’open data, semble s’attacher à ne pas en appliquer les principes fondateurs : liberté d’accès et gratuité. 

Les données de santé, qui sont des données essentielles de l’open data, échappent aux principes et exceptions posés par ce projet de loi. C’est la loi santé, dernièrement votée par le Sénat en première lecture, qui met en place un nouveau dispositif d’accès aux données de santé. Au regard du caractère sensible de ces données, les modalités d’accès à ces données sont très contrôlées d’après le texte actuel. La loi santé n’est toutefois pas encore votée définitivement, et son contenu peut encore évoluer. 

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