Quand la CJUE condamne le Conseil d’Etat, mauvais élève européen

C’est un camouflet que vient d’infliger la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) au Conseil d’Etat. Elle vient en effet de le condamner pour ne pas avoir transmis de question préjudicielle au juge européen. C’est la Commission européenne qui a directement saisi la CJUE pour faire condamner la France.

 

Cette décision est hautement symbolique car elle rappelle que les juridictions nationales dont les décisions ne peuvent pas faire l’objet d’un recours juridictionnel en droit interne ont une obligation de saisir la CJUE, ce que n’avait pas fait le Conseil d’Etat. 

 

Pourquoi le Conseil d’Etat a été condamné par la CJUE

La Commission européenne a demandé à la CJUE de constater que le Conseil d’Etat, et donc la France, aurait manqué à ses obligations relevant du droit européen en ne transmettant pas de question préjudicielle sur un sujet qui soulève pourtant plusieurs problématiques. En effet, dans plusieurs décisions datées de 2012, le Conseil d’Etat s’est prononcé, seul, sur les conditions dans lesquelles certaines sociétés françaises ayant reçu des dividendes d’origine étrangère ont pu se voir rembourser des précomptes mobiliers. Or, ces conditions semblaient potentiellement contraires au droit de l’Union européenne, comme l’a signalé à la France la Commission européenne par plusieurs courriers datés de novembre 2014 et avril 2016. 

Etant donné que la France a maintenu sa position, en soutenant l’interprétation du Conseil d’Etat, la Commission a demandé à la CJUE de trancher le litige. 

La CJUE a finalement condamné le Conseil d’Etat, donc la France, pour ne pas avoir transmis de question préjudicielle sur la problématique du précompte mobilier dont la solution n’était pas évidente. Effectivement, dans ses conclusions, l’avocat général indique que “la solution retenue dans les arrêts du Conseil d’État à propos de l’impôt acquitté par les sous-filiales est plus problématique dès lors qu’il n’est pas contestable que le recours au droit de l’Union apparaissait nécessaire en vue d’aboutir à la solution des litiges dont il était saisi” : en d’autres termes, le moindre doute de la juridiction nationale aurait dû la conduire à transmettre une question préjudicielle à la CJUE. 

Ceci est d’autant plus vrai que l’alinéa 3 de l’article 267 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) précise que lorsqu’une “question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour“. Dès lors, le Conseil d’Etat aurait dû transmettre une question préjudicielle à la CJUE. 

Par conséquent, l’avocat général considère que le fait qu’une telle question n’ait pas été soulevée par le Conseil d’Etat “a créé un risque de divergences de jurisprudence au sein de l’Union“. 

Dans sa décision, la CJUE reprend l’argumentaire de l’avocat général et conclut que la solution trouvée par le Conseil d’Etat “ne s’imposait pas avec une telle évidence qu’elle ne laissait place à aucun doute raisonnable“. Il en découle alors que, par ce manquement du Conseil d’Etat, c’est la République française qui a violé le droit de l’Union européenne. 

Cette condamnation d’une haute juridiction nationale par le juge européen est importante car elle montre que le droit européen s’impose à elle et leur retire un certain degré d’appréciation du droit. 

Ajouter aux articles favoris

Conformité CCN en santé

Pour vous aider à gérer la conformité CCN de vos offres "santé standard", profitez de notre outil en marque blanche gratuitement en 2023. L'outil vous permettra de savoir, en un clic, le niveau de votre offre compatible avec la CCN que vous aurez sélectionnée. L'outil en marque blanche est relié à la base de données CCN de Tripalio, juridiquement certifiée et mise à jour en temps réel. Il bénéficie de notre algorithme de comparaison qui détecte les non-conformités du contrat santé standard.
Demandez votre outil
0 Shares:
Vous pourriez aussi aimer
Lire plus

Quand la relation intime entre deux salariés devient un motif de licenciement

La relation intime d'un responsable d'entreprise peut avoir des conséquences professionnelles s'il les cache à sa direction. C'est ce qu'a récemment rappelé la Cour de cassation dans une décision rendue le 29 mai 2024. Elle s'y prononce sur le licenciement pour faute grave d'un responsable d'entreprise qui a caché à son employeur sa relation avec une autre salariée de l'entreprise, laquelle est titulaire...
Lire plus

Indemnité de cantine fermée “covid” : le juge tranche en défaveur des télétravailleurs

La crise sanitaire de 2020 a provoqué la fermeture de nombreux lieux de rassemblement de population, dont la fameuse cantine d'entreprise. Or, certaines entreprises ont dû maintenir une activité dans leurs locaux pour assurer la continuité de service. Dans ce cadre, une indemnité dite de cantine fermée a été mise en place pour permettre aux salariés présents de ne pas être lésés par la fermeture du restaurant normalement accessible dans le cadre de leur emploi. Mais cette indemnité a fait naître quelques litiges, dont...
Lire plus

Obligation de prévention et sécurité : c’est à l’employeur de montrer patte blanche en cas d’accident

En entreprise, l'employeur est tenu de respecter des mesures de prévention et sécurité afin de protéger la santé de ses salariés. Les dispositions du code du travail encadrent cette obligation avec précision. Mais que se passe-t-il en cas de manquement de l'employeur ? Le salarié peut-il considérer que cette violation de ses obligations légales par l'entreprise constitue un motif de rupture de contrat de travail aux torts de l'employeur ? Dans ce cas, sur qui repose la charge de la preuve ? C'est à cette question que...